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Catherine Quéré
Question N° 80138 au Ministère de la justice


Question soumise le 26 mai 2015

Mme Catherine Quéré attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, lorsque l'un des conjoints de même sexe est Français et l'autre possède la nationalité d'un des onze pays avec lesquels la France a passé des conventions bilatérales (Algérie, Cambodge, Kosovo, Laos, Macédoine, Maroc, Monténégro, Pologne, Serbie, Slovénie, Tunisie). Dans sa circulaire du 29 mai 2013 prise pour l'application de cette loi, le ministère de la justice estime que, dans le cas de ces onze pays, la règle de l'article 202-1, alinéa 2 du code civil, selon laquelle « Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l'État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet. » ne s'applique pas. Elle précise que « La règle introduite par l'article 2012-1 alinéa 2 ne peut toutefois s'appliquer pour les ressortissants de pays avec lesquels la France est liée par des conventions bilatérales qui prévoient que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est la loi personnelle ». Les associations LGBT ainsi que les intéressés ont estimé que cette clause restrictive n'était pas justifiée et la justice a été saisie d'un refus de marier un Français et un Marocain. Un jugement du tribunal de grande instance de Chambéry du 11 octobre 2013 a autorisé ce mariage. Le parquet a fait appel. Un arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 22 octobre 2013 a confirmé la validité du mariage. Le parquet s'est pourvu en cassation. La Cour de cassation, dans son arrêt n° 96 du 28 janvier 2015, a considéré que le mariage était possible estimant que la liberté de se marier est un droit fondamental et que la loi d'un pays pouvait être écartée lorsqu'elle était « manifestement incompatible avec l'ordre public ». On ne peut que se féliciter de cette jurisprudence de la plus haute juridiction française, quand on se souvient que le fondement retenu pour ouvrir le mariage aux personnes de même sexe est l'égalité entre les couples et le refus des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, ainsi il ne peut y avoir d'égalité pour tous que par l'accès au mariage pour tous, sans aucune exception de nationalité ! Aussi, l'application de cet arrêt de principe modifiant l'ordre public international français, peut être étendue aux dix autres nationalités qui étaient énoncés dans la circulaire précitée du 29 mai 2013. En effet, un certain nombre de ressortissants de ces dix pays voudraient se marier avec une personne française de même sexe, mais ils en sont empêchés notamment par les services de l'état civil des mairies, sur la base de la circulaire du 29 mai 2013 non modifiée à ce jour par la dernière jurisprudence de la plus haute juridiction française. Enfin, considérant que le droit au mariage fait partie des droits fondamentaux de nos concitoyens, il est nécessaire et particulièrement urgent que l'ensemble des services de l'État français fassent droit à la mise en œuvre rapide de la jurisprudence du 28 janvier 2015 de la plus haute juridiction française. C'est pourquoi elle lui demande à quelle date elle envisage de modifier cette circulaire pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Réponse émise le 15 novembre 2016

Dans le souci de permettre l'application la plus large de la loi no 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, et notamment de rendre possible la célébration en France d'un mariage entre un Français et un ressortissant étranger dont la loi personnelle n'autorise pas le mariage entre personnes de même sexe, une règle de conflit de lois permettant d'écarter la loi personnelle de l'un des futurs époux n'autorisant pas l'union entre personnes de même sexe a été introduite dans le code civil. Ainsi, le deuxième alinéa de l'article 202-1 du code civil autorise deux personnes de même sexe à contracter mariage « lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'Etat sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet. » L'application de ces dispositions est toutefois apparue délicate dans le cas où la France est liée à un Etat étranger par une convention bilatérale dont les dispositions renvoient, en matière de mariage, à la loi personnelle de l'époux pour apprécier les conditions de fond requises pour contracter mariage,  lorsque cette loi est susceptible d'interdire le mariage entre personnes de même sexe. En l'absence de décision judiciaire tranchant cette question au moment où les premières difficultés ont été rapportées, la Chancellerie a, en concertation avec le ministère des affaires étrangères,  opéré, dans une dépêche du 1er août 2013, diffusée aux procureurs généraux, une distinction entre les conventions qui renvoient expressément à la loi nationale de chacun des époux et celles qui ne visent que la situation des ressortissants français. Il y était ainsi rappelé qu'une interprétation plus souple pouvait être envisagée pour les secondes qui ne renvoient pas expressément à la loi personnelle du ressortissant étranger. Cette analyse plus favorable a permis ainsi dans un premier temps de limiter le nombre de conventions pouvant poser une difficulté, seules les conventions liant la France avec la Pologne, le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, le Kosovo et la Slovénie entrant dans la première catégorie. La situation juridique de ces personnes a été par la suite clarifiée par l'arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2015 qui a donné la plus large portée à la loi du 17 mai 2013, en écartant la loi désignée comme applicable par la convention franco-marocaine, par application de l'article 4 de cette même convention qui précise que la loi de l'un des deux Etats désignés par la convention peut être écartée par les juridictions de l'autre Etat, si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public. Désormais, les mariages concernés par la situation visée au deuxième alinéa de l'article 202-1 du code civil doivent donc pouvoir être célébrés, sans que le motif de la contrariété de la loi personnelle d'un des membres du couple puisse être invoqué pour s'y opposer. Afin de faciliter l'homogénéité de la jurisprudence, une dépêche du garde des sceaux a été diffusée aux parquets généraux le 5 août 2016, invitant les parquets à ne plus s'opposer à ce type de mariage dès lors que les conditions du deuxième alinéa de l'article 202-1 du code civil, dont le caractère d'ordre public est désormais affirmé, sont réunies, y compris lorsque l'un des époux est originaire de l'un des pays avec lesquels la France a passé des conventions bilatérales (Algérie, Cambodge, Kosovo, Laos, Macédoine, Maroc, Monténégro, Pologne, Serbie, Slovénie, Tunisie).

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