M. Noël Mamère appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les récentes informations publiées par la presse, qui jettent un doute légitime sur la version selon laquelle la société générale n'aurait en rien été alertée sur les risques encourus par les agissements d'un de ses salariés, dans ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire Kerviel ». Or les exonérations fiscales dont la banque a bénéficié, sous le gouvernement précédent, ont représenté une perte de recettes de 1,7 milliards pour le budget de l'État : le gouvernement de l'époque les justifiait par le fait que l'exposition de la banque aux risques avait été opérée à son insu et par l'assurance que l'entreprise avait mis en œuvre toutes les mesures prudentielles adéquates. Aussi il lui demande quelles initiatives le Gouvernement entend prendre afin de lever les doutes légitimes quant à la validation de la dérogation fiscale dont l'entreprise a été bénéficiaire.
Les informations relatives à la situation fiscale d'un contribuable sont protégées par le secret professionnel prévu à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF) et leur divulgation est sanctionnée par les dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Aucun élément précis sur une situation fiscale individuelle ne peut donc être donné. Cela étant les précisions suivantes peuvent être apportées au plan des principes juridiques applicables. Il est rappelé que les pertes dégagées par la société qui les supporte sont le résultat de son activité. Il n'y a donc ni remboursement, ni exonération, ni déduction octroyée par l'administration fiscale au titre de ces pertes, mais comptabilisation des opérations réalisées et de leur résultat dans les comptes et déclarations de la société. Ce résultat est évidemment susceptible d'être vérifié par l'administration. Ensuite, par une décision Alcatel-Cit n° 291049 du 5 octobre 2007, le Conseil d'Etat a traité du cas particulier des pertes subies par des entreprises et résultant de détournements de fonds commis par leurs salariés. La Haute Assemblée a donc été saisie pour avis afin de savoir si, et sous quelles conditions, cette jurisprudence, et notamment la notion de « carence manifeste » du contrôle interne, était également applicable dans l'hypothèse où une entreprise enregistre des pertes à la suite d'opérations réalisées par un salarié et conformes à son objet social. Par un avis n° 385.088 du 24 mai 2011, rendu public dans son rapport annuel d'activité 2012, le Conseil d'Etat a précisé que peuvent seulement ne pas être pris en compte dans le résultat imposable « les actes ou opérations qui ont été réalisés à des fins autres que celles de satisfaire les besoins, ou de manière générale, les intérêts de l'entreprise, et qui, dans ces conditions, ne peuvent pas être regardés comme relevant d'une gestion normale de celle-ci. Par suite, sous réserve de circonstances exceptionnelles, une opération accomplie conformément à l'objet social de l'entreprise et dont le dénouement se traduirait par des pertes importantes ne saurait, par elle-même, caractériser un acte anormal de gestion ». En outre, il a indiqué dans son avis, s'agissant des pertes enregistrées à la suite d'opérations risquées accomplies par des salariés dans l'exercice de leurs fonctions et rendues possibles par des carences du contrôle interne, « qu'une carence du contrôle interne ne paraît pas pouvoir fonder un refus de déduction des pertes comptabilisées à la suite d'opérations menées par un salarié conformément à l'objet social de l'entreprise mais traduisant un risque excessif que ces défaillances organisationnelles n'ont pas permis d'éviter, sous la réserve de l'hypothèse où les dirigeants auraient sciemment accepté une telle prise de risque par une absence totale d'encadrement et de contrôle de l'activité du salarié ». Dans cette situation et sous cette réserve, la déduction fiscale d'une perte ne pourrait donc pas être remise en cause. En effet, si à ce jour le Conseil d'Etat n'a pas encore eu à juger ce genre d'opérations, il a précisé dans son avis qu'elles « ne paraissent pas pouvoir être regardées comme relevant d'une gestion anormale mais devraient être analysées comme des accidents d'exploitation que le juge fiscal se défend de sanctionner ». Au cas particulier, les juridictions et autorités administratives qui se sont prononcées ont estimé, à ce jour, que les dirigeants de la société n'avaient pas eu connaissance des défaillances relevées. Dès lors qu'il n'est pas démontré que les dirigeants d'une société ont laissé sciemment un salarié effectuer les opérations litigieuses, la perte en découlant ne peut être remise en cause. Les récentes informations publiées par la presse ne remettant pas en cause à ce jour les décisions précitées, elles ne sont donc pas de nature à permettre une action de l'administration fiscale.
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