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Chantal Berthelot
Question N° 88457 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 15 septembre 2015

Mme Chantal Berthelot alerte M. le ministre de l'intérieur sur la recrudescence des passeurs en Guyane. Le 7 septembre 2015, une vaste enquête débutée mi-juin a permis aux autorités judiciaires d'interpeller, à l'aéroport Félix-Eboué de Matoury, dix-neuf personnes transportant de la cocaïne. Loin d'être isolée, cette affaire vient malheureusement faire écho aux quelque 400 « mules » qui ont été jugées et emprisonnées par les juges du tribunal correctionnel de Cayenne depuis le début de l'année 2015. Ce chiffre est d'autant plus alarmant qu'il est déjà 4 fois supérieur aux interpellations effectuées sur l'ensemble de l'année 2014 et qu'il ne prend même pas en compte les passeurs mineurs qui composent la part la plus importante de ce trafic. Cette recrudescence des passeurs en Guyane s'explique en partie par l'installation de scanners corporels dans les aéroports de Paramaribo au Surinam et de Georgetown au Guyana. Aussi, les différentes associations et professionnels rencontrés plaident unanimement pour l'installation d'un scanner corporel à l'aéroport Félix-Eboué. À ce titre, elle souhaiterait savoir si, tout en s'assurant du respect des libertés individuelles et de la dignité humaine que nous défendons ardemment, il actera la mise en place de cet outil qui permettrait aux douaniers de détecter les produits stupéfiants absorbés par les passeurs et de gagner ainsi en efficience dans la lutte contre ce fléau.

Réponse émise le 9 février 2016

La Guyane est confrontée à d'importants problèmes d'usage et de trafic de stupéfiants. Par la perméabilité de ses frontières, par sa proximité avec des pays producteurs de cocaïne (Pérou, Colombie, Bolivie) et avec un pays de transit (Suriname), la Guyane est une des routes du trafic vers le marché européen, notamment dans le cadre d'un trafic dit de « fourmis » vers les aéroports métropolitains, s'appuyant sur des passeurs transportant le produit in corpore ou dans leurs bagages. Cette situation se traduit depuis plusieurs années par une recrudescence du nombre de passeurs transportant de la cocaïne in corpore ainsi que par l'envoi de cocaïne dans des colis postaux. Un fort accroissement des interpellations et des remises douanières de passeurs depuis le début de l'année 2015 confirme ce constat et témoigne de la mobilisation policière et douanière. Les enquêtes judiciaires révèlent que la majorité de ces passeurs sont des Français, effectuant l'aller-retour depuis la métropole dans le cadre de prétendues vacances, et que la marchandise est destinée dans 85 % des cas à la métropole. Afin de lutter contre ce phénomène, les services du ministère de l'intérieur ont engagé de nombreuses actions en liaison avec l'autorité judiciaire. L'antenne de police judiciaire de Cayenne, rattachée à la direction interrégionale de la police judiciaire Antilles-Guyane, emploie quasiment à temps plein ses seize fonctionnaires dans la lutte contre le trafic de drogue. Elle est soutenue dans son action par l'antenne Caraïbes de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) de la direction centrale de la police judiciaire, qui agit sur l'ensemble de l'arc antillais. Le nombre de passeurs interpellés à l'aéroport de Cayenne est ainsi passé de 70 au cours des neuf premiers mois de 2014 à 159 pour la même période de cette année. Les saisies de cocaïne sont également en forte hausse, s'élevant à 311 kg pour les seuls neuf premiers mois de 2015 alors que 217 kg avaient été saisis durant toute l'année 2014. Cette action menée en Guyane se prolonge en métropole avec l'appui d'une autre antenne de l'OCRTIS implantée à l'aéroport de Paris - Charles-de-Gaulle chargée des affaires de trafic sur les plates-formes aéroportuaires parisiennes. Le nombre de passeurs en provenance de Guyane interpellés dans les aéroports parisiens à leur arrivée sur le territoire métropolitain a dépassé cet été celui de l'ensemble de l'année précédente (59 personnes ont été interpellées au 30 septembre 2015, contre 32 à la même période en 2014) et il s'avère qu'ils recourent toujours plus au transport in corpore. Par ailleurs, les passeurs utilisant cette méthode transportent davantage de drogue à chaque voyage, puisque la quantité de drogue saisie est en forte augmentation (plus de 26 kg de cocaïne saisis au 30 septembre 2015 contre 12 pour la même période de 2014). Les autres services de police et de gendarmerie sont également mobilisés. Les services territoriaux de la direction centrale de la sécurité publique ont augmenté leur activité dans ce domaine, enregistrant en 2014 des hausses conséquentes de saisies par rapport à l'année précédente (+ 341 % pour la cocaïne et + 152 % pour le cannabis). La direction départementale de la sécurité publique de Guyane est par ailleurs engagée dans des actions de soutien de l'antenne de police judiciaire de Cayenne et de la direction départementale de la police aux frontières (DDPAF) puisqu'elle assure la garde des passeurs interpellés au sein des locaux hospitaliers de Cayenne, dans l'attente de l'expulsion des ovules de produits stupéfiants. La direction départementale de la police aux frontières a effectué pendant le seul premier semestre 2015 un nombre d'interpellations de passeurs quasiment équivalent à celui de 2014 (8 personnes interpellées cette année, contre 9 pour l'ensemble de l'année précédente). Face à l'évolution de la délinquance à l'aéroport de Cayenne, la DDPAF y a renforcé ses capacités de contrôle transfrontalier et de traitement judiciaire. Un dispositif expérimental a ainsi été mis en place depuis le 28 septembre 2015, permettant de renforcer l'engagement des policiers sur les créneaux prioritaires. Depuis lors, l'unité de contrôle transfrontalière bénéficie d'un appui technique accru d'experts en fraude documentaire et à l'identité ainsi que d'enquêteurs de l'unité judiciaire. Les services de la direction générale de la gendarmerie nationale ont également intensifié leur action, avec une augmentation de 45 % des trafics démantelés durant le premier semestre 2015 par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, sur décision des autorités judiciaires locales, il a été décidé d'accroître l'implication de la gendarmerie dans la lutte contre les trafics. Afin de soutenir les effectifs de la police judiciaire de Cayenne, les saisies réalisées à l'ouest du département sont désormais confiées à la gendarmerie. La gendarmerie a renforcé son implication sur le point de passage que constitue la ville de Saint-Laurent-du-Maroni, frontalière du Suriname. La capacité de traitement des enquêtes a par conséquent été accrue avec le renfort de douze officiers de police judiciaire détachés d'unités de gendarmerie départementale de métropole. Par ailleurs, les moyens matériels des forces de l'ordre ont été renforcés ces dernières années, notamment par l'apport des crédits du fonds de concours "drogue" (matériel d'observation, moyens d'investigations téléphoniques…). La gendarmerie a par exemple opéré un redéploiement de ses projets financés par des crédits de ce fonds de concours au bénéfice des unités guyanaises afin d'acquérir des matériels de visioconférence permettant d'améliorer les capacités de traitement judiciaire en limitant aux cas indispensables les longs délais de déplacement vers le tribunal de grande instance de Cayenne. Sur le plan de la prévention, les policiers formateurs anti-drogue (PFAD) et les gendarmes formateurs-relais anti-drogue (FRAD) ont intensifié leurs actions. En 2014, 1 339 élèves guyanais ont été sensibilisés aux addictions, ainsi que 55 enseignants. Depuis le début de 2015, 1 323 jeunes, 63 enseignants et 15 parents ont déjà fait l'objet d'actions de prévention. S'agissant de l'éventuelle mise en place d'un scanner corporel, cette possibilité a été étudiée. Après analyse, il apparaît qu'elle ne présente pas d'intérêt pour la lutte contre le trafic de drogue. Ces scanners de sûreté ont été expérimentés dans certains aéroports, dont celui de Paris - Charles-de-Gaulle. Cet outil vise à prévenir la commission d'actes qui pourraient compromettre la sûreté de l'aviation civile. Fonctionnant à l'aide d'ondes millimétriques qui s'arrêtent au niveau de la peau, il permet de détecter des objets dissimulés sous des vêtements, que les ondes traversent. Pour autant, ces matériels ne peuvent en aucun cas discerner des objets ingérés et perdent ainsi tout intérêt dans le cadre de l'identification de passeurs transportant un produit in corpore. Seul un scanner plus puissant, doté de rayons X, peut permettre de visualiser la présence de corps étrangers dans l'organisme. Eu égard à la dangerosité de l'exposition à ces rayons, ce type d'examen ne peut être réalisé sur le territoire national que sous surveillance médicale. C'est la raison pour laquelle l'utilisation d'un scanner corporel recourant à la technologie des rayons X demeure interdite au sein de l'Union européenne. Il convient de préciser que ni les aéroports de Guyana ni ceux du Suriname ne possèdent un tel outil. Enfin, il convient de rappeler que la réglementation européenne prévoit pour les passagers soumis à l'inspection-filtrage par scanner de sûreté le droit de s'y opposer et l'information préalable de ce droit. Elle impose dans cette hypothèse aux agents de sûreté de recourir aux techniques de palpation.

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