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Pierre Ribeaud
Question N° 90775 au Ministère de la justice


Question soumise le 3 novembre 2015

M. Pierre Ribeaud attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés rencontrées par les personnes victimes de faits de harcèlement du fait de leur appartenance au voisinage du harceleur, ou d'une fonction publique qui fait d'eux une proie pour ces mêmes harceleurs. Si la réglementation offre désormais des protections et des recours aux personnes victimes de harcèlement dans le cadre du travail ou de la famille, tel n'est pas le cas de celles qui subissent, sur leur lieu de résidence, ou dans l'exercice de missions publiques (et notamment l'exercice de mandats locaux) des conduites abusives qui par des gestes, paroles, comportements, attitudes répétées ou systématiques conduisent à dégrader significativement les conditions de vie et d'exercice de leurs missions des personnes qui en sont victimes. Nombreux sont les résidents réduits à déménager, quand ils le peuvent, pour échapper à un voisin harcelant. Nombreux sont aussi les maires renonçant à un mandat, ou traînés devant des tribunaux, où ils sont régulièrement acquittés, suite à l'acharnement d'administrés « harcelants » qui, bien que condamnés aux dépens, n'encourent pas une sanction suffisante pour les dissuader durablement de réitérer leurs attaques. Il souhaiterait donc connaître les dispositions qui pourraient être prises pour que ces faits de harcèlement puissent être qualifiés dans le cadre du voisinage et de l'exercice d'une fonction publique, et soient passibles de sanctions civiles et pénales de nature à dissuader les contrevenants.

Réponse émise le 14 juin 2016

Le délit de harcèlement moral était initialement et uniquement réprimé dans des contextes spécifiques, soit dans la sphère conjugale (article 222-33-2-1 du code pénal) soit lorsqu'il affectait les conditions de travail (article 222-33-2 du code pénal). Mais la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a étendu l'incrimination du harcèlement moral au-delà de la sphère conjugale et des relations de travail. En effet, elle a introduit au sein du code pénal un article 222-33-2-2, lequel dispose que « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail ». Le délit de harcèlement moral n'est donc plus seulement réprimé dans des circonstances particulières mais tout fait de harcèlement moral peut être constitutif d'une infraction, sans qu'il soit tenu compte du contexte dans lequel il se manifeste. Par ailleurs, quatre circonstances aggravantes sont prévues : lorsque les faits incriminés ont entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours ; lorsque la victime est un mineur de quinze ans ; lorsque la victime est une personne particulièrement vulnérable sous réserve que cette vulnérabilité soit apparente ou connue de l'auteur ; lorsque les actes répréhensibles ont été commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne. Les peines sont alors aggravées : deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende sont encourus lorsqu'une seule circonstance aggravante est retenue et l'auteur encourt trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende quand deux circonstances aggravantes sont retenues. Toutefois, les infractions de harcèlement moral au sein de l'entreprise et dans le couple demeurent : le code pénal comporte dès lors une infraction générale et des infractions spécifiques relatives au harcèlement moral. En outre, la loi du 4 août 2014 modifie l'article 222-16 du code pénal relatif aux appels téléphoniques malveillants afin d'incriminer le harcèlement par courriels puisque l'envoi réitéré de messages électroniques malveillants permet de constituer l'infraction, punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. Enfin, le code pénal incrimine toute forme de violences, notamment psychologiques. L'article 222-14-3 dispose en effet que les violences « sont réprimées quelle que soit leur nature » et vise l'ensemble des violences prévues aux articles 222-1 à 222-18-3 du code pénal. Dès lors, des faits ayant pour résultat une atteinte à l'intégrité psychique de la victime, peuvent être poursuivis sous la qualification de violences volontaires. Par conséquent, les dispositions législatives apparaissent désormais suffisamment complètes pour appréhender avec fermeté toute forme de harcèlement moral, quelle que soit la qualité de la victime et le contexte dans lequel ils sont subis.

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