Mme Marie-Françoise Bechtel souhaite appeler l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la désertification médicale, un mal qui aujourd'hui atteint nombre de nos territoires. Ce mal tient au nombre sans cesse croissant du non remplacement des médecins qui prennent leur retraite. À titre d'exemple, la densité standardisée de médecins généralistes libéraux, densité qui tient compte du vieillissement de la population et du recours potentiel à ces médecins, est de 72 médecins généralistes pour 100 000 habitants dans l'Aisne, département le moins bien doté de la région Picardie, elle-même région la moins bien dotée de France d'après l'INSEE. La situation est d'autant plus inquiétante que c'est près de la moitié des médecins généralistes de la région qui partiront à la retraite entre 2015 et 2020. Les remèdes proposés jusqu'ici, tels la mise en place des praticiens territoriaux ou la généralisation des stages ambulatoires en médecine générale ainsi que les incitations à l'installation avec un contrat d'engagement de service public ou des prêts à taux zéro pour faciliter l'installation ont été sans grand effet. Certes la loi santé votée le 1er décembre 2015 renforce les dispositifs d'incitation à l'installation et tente même de les élargir à certaines spécialités. Il est toutefois à craindre que les mesures proposées ne soient pas à la hauteur des besoins dans la mesure où elles reposent sur l'incitation, laquelle a déjà montré ses limites. Or nous ne pouvons plus attendre. Il faut lutter contre ces déserts médicaux par des mesures plus fortes permettant de répartir de manière plus juste l'installation des médecins généralistes. L'augmentation du numerus clausus au profit des dix régions en pénurie ne résoudra pas le problème de l'installation des jeunes médecins dans ces mêmes régions, notamment au sein des territoires les plus déficitaires. Il convient donc de franchir une étape supplémentaire en imposant, lorsque c'est nécessaire, une répartition plus juste dans l'installation des médecins. Il ne s'agit pas de rejeter le principe de libre installation des médecins généralistes mais d'apporter des limites - d'ailleurs temporaires - à cette liberté lorsque celle-ci conduit à l'abandon total de territoires déjà peu à peu désertés par la médecine. Lorsqu'un jeune médecin à la sortie de sa formation refuse successivement plusieurs propositions d'installation, celles-ci étant assorties des aides aujourd'hui prévues par la loi, n'est-il pas légitime de se poser la question du conventionnement de ce médecin ? L'obligation d'installation qui résulterait pour le praticien de la menace d'un déconventionnement pourrait être limitée dans le temps, par exemple à 5 ans. L'État, aux termes de l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale, garantit l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire. Cette obligation n'est pas de moindre portée que le principe de libre installation. La qualité de la médecine française qui résulte d'un juste équilibre entre le principe de liberté, garant de la compétence d'une profession respectable et les nécessités d'assurer la continuité du service public, obligation impérieuse, ne sera en rien affectée par des mesures de justice prenant en compte, comme il est nécessaire en tout domaine, l'évolution des choses.
Depuis 2012, le Gouvernement s’est fortement engagé pour améliorer l’accès aux soins de proximité, réduire les inégalités entre les territoires et lutter contre les déserts médicaux. Cet engagement a été traduit dès fin 2012 par la mise en œuvre du « Pacte territoire santé ». Composé de 12 engagements, ce pacte repose sur le pragmatisme et mobilise tous les leviers, de la formation aux conditions d’exercice. Trois ans après son lancement, le « Pacte territoire santé » affiche des résultats positifs qui démontrent qu’une nouvelle dynamique est bel et bien lancée. L’un des axes fondamentaux de ce Pacte concernait les projets d’exercice coordonné. Les maisons et les centres de santé renforcent l’attractivité des territoires pour les professionnels de santé et améliorent la qualité des soins et du suivi médical, grâce à une prise en charge complète des patients dans un lieu central et adapté. L’essor de ces projets est significatif depuis le lancement du Pacte, ce qui confirme qu’ils répondent aux attentes des professionnels de santé et notamment des plus jeunes : il y avait 174 maisons de santé pluri-professionnelles en 2012, il y en aura plus de 800 en fonctionnement fin 2015. Pour encourager l’installation de nouveaux praticiens dans les zones sous-denses, a été créé le Contrat d’engagement de service public (CESP) qui s’adresse aux jeunes en formation (futurs médecins ou dentistes). Il leur permet de bénéficier d’une bourse en contrepartie d’une installation en zone fragile, pour une durée équivalente à celle de l’aide. 1325 jeunes se sont engagés dans le dispositif depuis sa création, près de 450 contrats nouveaux ont été signés rien que sur la campagne 2014-2015. Les Contrats de praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG) permettent eux de sécuriser l’installation des jeunes médecins au cours de leurs deux premières années d’installation. Ce contrat a permis l’installation de plus de 500 professionnels dans des territoires manquant de médecins. Pour assurer l’accès aux soins urgents sur l’ensemble du territoire, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a décidé de mettre en place de manière prioritaire des médecins correspondants du SAMU (MCS). Une véritable dynamique s’est créée autour des fonctions de MCS : 150 en 2012 et désormais plus de 500. Les fonctions de MCS séduisent notamment les jeunes médecins grâce à des conditions d’exercice sécurisées, une formation adaptée et attractive grâce au lien accru avec l’hôpital et le SAMU ainsi qu’un accompagnement juridique et financier. Les MCS interviennent dans des territoires où le délai d’accès à des soins urgents était supérieur à 30 minutes. Le succès des différentes mesures initiées depuis 2012 confirme la pertinence et la cohérence du « Pacte territoire santé ». Afin de poursuivre dans cette voie et conforter ces résultats, il convient de l’approfondir. C’est l’objectif du « Pacte territoire santé 2 » annoncé le 26 novembre 2015. Ce pacte se décline en 10 engagements, qui s’appuient sur 2 axes volontaristes : amplifier les actions menées depuis 2012 et innover encore dans la formation et les conditions d’exercice, pour renforcer l’attractivité de la médecine libérale sur tous les territoires. Parmi les mesures du Pacte 2 figure l’augmentation du numerus clausus dans les régions en tension afin de renforcer le passage de relais entre les futurs médecins et les professionnels qui partiront en retraite dans quelques années. Cette hausse est à prise d’effet immédiat et représente 6,4 % du numerus clausus dans 10 régions manquant de médecines soit 131 étudiants en plus sur l’ensemble du territoire national. Elle est combinée à un programme de fidélisation des étudiants dans ces territoires en tension. Figurent également dans le Pacte 2 des objectifs ambitieux d’ici 2017 : 1 000 installations de généralistes et spécialistes soutenues par des contrats de praticiens territoriaux de médecine générale ou ambulatoire ; 700 médecins correspondants des urgences, formés et équipés, prêts à intervenir pour des soins urgents dans des territoires isolés ; 1 000 maisons de santé en fonctionnement… Le Pacte 2 porte également la mise en œuvre de la loi de modernisation de notre système de santé en cours d’examen et de ses objectifs, en particulier le renforcement du « virage ambulatoire » : un rééquilibrage entre les soins de ville et l’hôpital, une prise en charge renforcée des patients par les professionnels de santé libéraux. Pour les territoires de l’Aisne et plus largement de la région Picardie, le « Pacte territoire santé » représente concrètement : • 27 maisons de santé pluri-professionnelles dans la région Picardie (contre 3 fin 2011) : 8 dans l’Aisne, 6 dans l’Oise et 13 dans la Somme ; • 69 étudiants et internes en médecine qui ont signé un contrat d’engagement de service public dans la région ; • 12 praticiens qui ont signé un contrat de praticiens territoriaux de médecine générale au niveau de la région Picardie : 2 dans l’Aisne, 1 dans l’Oise et 9 dans la Somme ; • 8 étudiants supplémentaires dans la région Picardie soit une augmentation du numerus clausus de 4 %. Ces résultats sont très encourageants mais naturellement il reste encore des territoires sous-dotés. La détermination du Gouvernement pour permettre un accès aux soins de qualité et de proximité pour tous est totale. Elle nécessite également la mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux concernés : agences régionales de santé, collectivités territoriales et professionnels de santé. La situation dans le département de l’Aisne est certainement l’une des plus critiques. L’attention de l’agence régionale de santé sur ce département a été portée pour créer les conditions optimales de déploiement des outils et politiques incitatives promues par le Gouvernement.
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