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Christophe Léonard
Question N° 91981 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 15 décembre 2015

M. Christophe Léonard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la formation au permis de conduire proposée en ligne. Depuis le mois de septembre dernier, une start-up, déjà spécialisée dans l'apprentissage du code de la route en ligne, propose une formation à l'examen du permis de conduire via internet et à moindre coût. Cette nouvelle formule, qui pour le moment n'est disponible que dans la ville de Nantes, propose de mettre directement en contact candidats et moniteurs indépendants par le biais d'une plateforme dématérialisée, et par conséquent à des tarifs inférieurs à ceux affichés par les auto-écoles classiques (environ 35 euros l'heure de conduite contre 40 à 60 euros). Si cette attractivité des tarifs répond indéniablement à une véritable demande, plusieurs aspects entourant cette nouvelle pratique sont susceptibles de poser question. Tout d'abord, en plus de générer une concurrence certaine à l'encontre des auto-écoles classiques, cette start-up contournerait la réglementation très contraignante à laquelle ces dernières se soumettent. En effet, en faisant appel à un vivier de moniteurs indépendants, apparemment sous le statut d'autoentrepreneur, qui se succèdent auprès des élèves, cette société échapperait de fait au paiement des cotisations sociales et de la TVA. Mais au-delà du possible contournement de la réglementation en principe applicable et de l'absence de transparence du statut de cette société et de ses salariés, cette nouvelle formule, pourrait contrevenir aux impératifs de sécurité routière, en n'assurant ni suivi des élèves, ni échanges sur leur parcours d'apprentissage. C'est pourquoi il l'interroge sur l'appréciation juridique portée par ses services sur cette formule de formation au permis de conduire.

Réponse émise le 7 juin 2016

L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière, constitue une activité réglementée dans les conditions définies par le code de la route : il ne peut être organisé que dans le cadre d'un établissement agréé, sous la responsabilité d'un exploitant responsable de la conformité du fonctionnement de l'établissement aux exigences réglementaires et de celle de l'enseignement au programme fixé par l'autorité administrative. Au sein de cet établissement, l'enseignement est dispensé par un enseignant de la conduite et de la sécurité routière titulaire d'une autorisation d'enseigner. Le non-respect de ces dispositions est passible de sanctions administratives mais également pénales, au titre des infractions définies respectivement par les articles L. 212-4 et L. 213-6 du code de la route. La loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques contient plusieurs mesures visant à moderniser les relations entre les élèves et les écoles de conduite, notamment la possibilité pour ces dernières de conclure des contrats sous une forme dématérialisée, sous réserve de la réalisation préalable d'une évaluation de l'élève par un enseignant dans le local ou dans un véhicule de l'établissement. En revanche, cette loi n'a pas modifié l'obligation précitée d'organisation de l'enseignement dans le cadre d'un établissement agréé. C'est au regard de ces dispositions que la légalité de l'activité des plates-formes dématérialisées apparues récemment dans le secteur de l'enseignement de la conduite doit être appréciée. A cet égard, de nombreuses interrogations ont été suscitées par le fonctionnement de certaines de ces plates-formes proposant à des candidats libres au permis de conduire une mise en relation avec des enseignants de la conduite censément bénévoles, mais louant un véhicule d'apprentissage à l'élève, la plate-forme se rémunérant par une commission perçue sur le prix de la location du véhicule. Or l'enseignement doit être considéré comme dispensé à titre onéreux dès lors qu'il fait l'objet d'une rémunération de la part de l'élève, quel que soit le système de tarification et quelle que soit la qualification donnée au versement. Ainsi, un tel schéma constitue un contournement de l'obligation de dispenser l'enseignement de la conduite à titre onéreux dans le cadre d'un établissement agréé. Deux décisions de justice l'ont confirmé, l'une rendue à l'encontre d'une plate-forme, la seconde concernant un enseignant. La principale société concernée a depuis cessé cette activité. Plus généralement, l'enseignement de la conduite, comme beaucoup d'autres secteurs, doit aujourd'hui faire face aux transformations de l'économie et à l'arrivée de nouveaux acteurs qui s'appuient notamment sur les nouvelles technologies, la mise en relation de l'offre et de la demande par des plate-formes dématérialisées et surtout le recours à des travailleurs non salariés. Certains de ces nouveaux acteurs ont obtenu l'agrément permettant légalement de commercialiser des prestations d'enseignement de la conduite, d'autres non. Attentif à ces évolutions et soucieux d'assurer le respect du droit et le maintien d'un encadrement effectif de l'apprentissage de la conduite, le ministre de l'intérieur a adressé une instruction le 25 mars dernier aux préfets de département, afin que soient diligentées des opérations de contrôle, en s'appuyant sur le fonctionnement du comité opérationnel anti-fraude (CODAF), présidé conjointement par le préfet et le procureur de la République. Ces opérations de contrôle cibleront d'une part les offres d'enseignement de la conduite à titre onéreux en dehors du cadre d'un établissement agréé et d'autre part le respect par les écoles de conduite titulaires d'un agrément de l'ensemble des obligations qui leur incombent, non seulement au titre de l'agrément délivré en application de l'article L. 213-1 du code de la route, mais également au regard du droit du travail s'agissant des relations avec les enseignants attachés à l'établissement.

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