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Gilles Savary
Question N° 92164 au Ministère des affaires sociales


Question soumise le 22 décembre 2015

M. Gilles Savary rappelle à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes que depuis 2003 les sociétés d'exercice libéral (SEL) contrôlant les laboratoires de biologie médicale (LBM) font l'objet d'opérations de prise de contrôle par des capitaux financiers. Bien que la loi limite à 25 % la part maximale détenue par les non professionnels dans les SEL de LBM, ces sociétés financières passent par des sociétés de biologie européennes détenues à 100 % par des capitaux financiers pour se voir reconnaître le statut de professionnels de santé. Elles utilisent ensuite la loi n° 90-1258 du 30 décembre 1990 qui dans son article 5 institue que dans les SEL de professions règlementées la majorité du capital doit être détenue par des professionnels en exercice dans la SEL mais qui dans son 5-1 propose une ouverture totale si des décrets spécifiques sont pris par profession. Pour la biologie médicale, ces décrets n'ont jamais été pris et les sociétés financières se sont engouffrées dans le vide juridique pour prendre le risque d'investir dans les SEL de LBM françaises par le mécanisme décrit plus haut. Une petite dizaine de sociétés financières détiennent à ce jour près de 650 sites de LBM sur 3 400 soit environ 20 %. La décision 89/09 de la Cour de justice européenne arbitrait le débat en statuant que la France était parfaitement fondée à limiter l'accès au capital des SEL de LBM de non professionnels pour des raisons de santé publique. Les risques de conflits d'intérêt entre rentabilité financière et intérêts du patients ou des finances publiques étant évidents, Mme la ministre de la santé et les parlementaires décidaient alors d'exclure clairement les SEL de biologie médicale du 5-1 de la loi de 1990 non par un décret mais dans la loi, par l'article L. 6223-8 de la loi de n° 2013-442. Toutefois, sous la pression des investisseurs financiers ayant opéré avant la publication de la loi, une dérogation subsistait leur permettant de continuer « à bénéficier du 5-1 » (titre II de l'article 6223-8) mais assorti de mesures devant permettre à terme la reprise de ces sociétés par leurs biologistes et, implicitement, ne leur permettant pas d'acheter des SEL n'ayant pas appliqué le 5-1, donc où les professionnels sont majoritaires. Deux ans après force est de constater que l'article 6223-8 n'est pas respecté et que les sociétés financières continuent en 2014 et 2015 d'acheter des SEL où les biologistes sont majoritaires. Profitant de leur puissance financière pour faire monter les prix à des niveaux spéculatifs, ils excluent les SEL locales, limitées à l'endettement bancaire, de la possibilité de croissance externe et donc de se de se structurer. On peut rappeler, s'il en est besoin, que la plupart de ces SEL financiarisées sont endettées à plus de 100 % de leur chiffre d'affaires. Devant les preuves évidentes de la poursuite de cette financiarisation malgré la volonté claire du Gouvernement et du Parlement exprimée dans la loi de 2013, il se permet d'interpeller les intentions du Gouvernement en vue d'éviter que des intérêts financiers non professionnels abusent d'une période de dérogation pour détourner la loi de ses objectifs.

Réponse émise le 1er mars 2016

Le ministre chargé de la santé est très attentif à l'évolution du secteur de la biologie médicale, notamment sa financiarisation. Il est en effet essentiel d'assurer la régulation du mouvement de concentration des laboratoires opéré ces dernières années et de permettre aux biologistes de continuer à maîtriser leur outil de travail. C'est pourquoi une des priorités de la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale a été de concilier d'une part le besoin d'investissements lourds en capital en raison du renouvellement constant des technologies et de l'obligation d'accréditation et, d'autre part, la nécessité de lutter contre les situations monopolistiques, notamment au regard des risques qu'elles font peser sur l'organisation de l'offre de soins. C'est la raison pour laquelle le principe de détention majoritaire du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) de biologistes médicaux par des professionnels qui y exercent a été réaffirmé. Le législateur n'a toutefois pas remis en cause de manière rétroactive la situation des laboratoires constitués avant le 30 mai 2013. Mais la loi prévoit que la cession des parts sociales ou actions puisse se faire prioritairement au bénéfice des biologistes exerçant dans les sociétés concernées par cette dérogation. Il existe en outre une interdiction de principe pour toute personne physique ou morale d'acquérir des parts sociales d'un laboratoire si cette acquisition lui permet de contrôler plus de 33 % de l'offre de biologie médicale. Les agences régionales de santé veillent au respect de ce principe au niveau d'un territoire de santé. En vue d'une transparence accrue sur la détention du contrôle des SEL, la loi de 2013 a prévu également la communication à l'ordre professionnel compétent des conventions signées dans le cadre de ces sociétés, afin de s'assurer que les conditions d'indépendance des biologistes sont bien respectées. Un décret en Conseil d'Etat a été publié le 28 janvier 2016 pour préciser certaines modalités du droit de rachat prioritaire par le biologiste exerçant dans une SEL, ainsi que les informations transmises aux ordres professionnels dans le cadre de leur contrôle. Ce texte renforce la régulation du secteur. Par ailleurs, il convient de différencier les opérations de rachat de titres, des opérations de fusion des sociétés d'exercice libéral. Ces dernières sont parfois rendues nécessaires pour permettre l'optimisation des moyens permettant la réalisation des examens de biologie médicale. Le directeur général de l'agence régionale de santé peut alors s'opposer à une telle opération lorsqu'elle conduit à ce que sur le territoire de santé considéré, la part réalisée par le laboratoire issu de l'opération dépasse 25 % du total des examens de biologie médicale. L'application de ces règles prudentielles permet au niveau d'un territoire de veiller à la qualité et à la continuité des soins. Il n'en demeure pas moins nécessaire de renforcer les actions de contrôle et de régulation, en veillant à une bonne articulation entre les prérogatives exercées par l'autorité de la concurrence et l'application des normes prudentielles dans le ressort territorial des agences régionales de santé.

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