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Brigitte Allain
Question N° 93048 au Ministère de la justice


Question soumise le 9 février 2016

Mme Brigitte Allain attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de clarifier la définition légale du mot « terrorisme ». En effet plusieurs lois se mettent en place pour lutter contre le terrorisme. Cependant l'application de l'état d'urgence a pu aboutir dans certains cas à des perquisitions administratives, des actions mises en œuvre sur le terrain dont la justification paraît incertaine. Aussi il paraît important qu'une définition claire et légale du mot terrorisme soit rédigée. Elle souhaite connaître les positions du Gouvernement à ce sujet et si une clarification de la définition de ce terme est prévue dans les prochains textes législatifs, en accord avec les objectifs assignés par le Conseil de l'Europe.

Réponse émise le 24 janvier 2017

La loi no 86-1322 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, a défini la notion d'acte de terrorisme par la réunion de deux éléments : - l'existence d'un crime ou d'un délit de droit commun tel que les atteintes volontaires à la vie (meurtre, empoisonnement), les atteintes volontaires à l'intégrité des personnes (torture et actes de barbarie, violences volontaires), les faits d'enlèvements et de séquestrations ; - la relation de ces crimes ou délits de droit commun avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre subi par l'intimidation ou la terreur, qui caractérise la circonstance de terrorisme. Ce second élément spécifiant, prévu par l'article 421-1 du code pénal, permet ainsi d'identifier, parmi une liste d'infractions spécifiquement et limitativement énumérées, celles qui sont susceptible de revêtir une qualification terroriste, en fonction des circonstances et du but de leur commission. Il convient de souligner que par sa décision du 3 septembre 1986 (n° 86-213 DC), le Conseil constitutionnel a jugé que la première condition fixée par la loi, qui renvoie à des infractions qui sont elles-mêmes définies par le code pénal ou par des lois spéciales en termes suffisamment clairs et précis, satisfait aux exigences du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines et que, de même, la seconde condition est énoncée en des termes d'une précision suffisante pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de ce principe. Par ailleurs, sont également incriminées des infractions terroristes par nature ou pouvant en revêtir ce caractère : - l'acte de terrorisme écologique (art. 421-2 et 421-4 du code pénal) ; - l'association de malfaiteurs délictuelle et criminelle en relation avec une entreprise terroriste (art. 421-2-1, 421-5 et 421-6 du code pénal) ; - la direction et l'organisation d'une association de malfaiteurs délictuelle ou criminelle en vue de préparer des actes terroristes (art. 421-5 alinéa 2 du code pénal) ; - l'acte de financement d'une entreprise terroriste (art. 421-2-2 du code pénal) ; - la non justification de ressources de toute personne étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à des actes de terrorisme (art. 421-2-3 du code pénal) ; - les actes de recrutement, même non suivis d'effet, en vue de participer à une association de malfaiteurs à visée terroriste ou de commettre des faits de nature terroriste (art. 421-2-4 du code pénal) ; - la provocation directe à des actes de terrorisme, et l'apologie publique de ces actes (art. 421-2-5 du code pénal) ; - les délits de consultation habituelle de sites qui provoquent directement à la commission d'actes de terrorisme ou qui en font l'apologie, et d'entrave au blocage de tels sites (art.421-2-5-1 du code pénal) ; - la préparation individuelle de certains actes terroristes (art. 421-2-6 du code pénal) ; - le recel d'auteurs d'un acte de terrorisme (art. 434-6 du code pénal). Ainsi, la définition du terrorisme en droit français répond d'ores et déjà parfaitement aux exigences du principe de légalité. Les dispositions de la loi pénale française sont par ailleurs en complète adéquation avec les exigences du droit international. Ainsi, la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, modifiée par la décision-cadre 2008/919/JAI du 28 novembre 2008, définit également le terrorisme par référence à une série d'infractions de droit commun qui prennent une coloration terroriste lorsque l'auteur les commet dans le but de gravement intimider une population, de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à exécuter un acte ou à s'en abstenir, ou de gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale. Cette définition du terrorisme est d'ailleurs reprise par la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme signé le 16 mai 2005 (STCE no 196) et le Protocole additionnel à la Convention de Riga du 22 octobre 2015 (STCE no 217). S'agissant des perquisitions administratives mises en œuvre dans le cadre de l'état d'urgence, il doit être est rappelé qu'elles doivent être expressément prévues par les textes déclarant ou prorogeant l'état d'urgence, qui ne peut lui-même être déclaré qu'en cas de « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou en cas « d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » (art.1er de la loi no 55-385). Le cadre général de leur mise en œuvre est donc distinct de la définition de l'acte de terrorisme au sens du code pénal. En outre, les perquisitions administratives ne peuvent être décidées que lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Sous le contrôle du juge administratif, la décision ordonnant une perquisition administrative ainsi que les conditions de sa mise en œuvre, doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence (décision no 2016-536 QPC du 19 février 2016).

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