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Gilles Savary
Question N° 93220 au Ministère de la justice


Question soumise le 16 février 2016

M. Gilles Savary attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les conditions de transformation d'une société anonyme de droit français en société européenne (SE). Selon l'article 2.4 du règlement (CE) N° 2157/2001 du 8 octobre 2001, une société anonyme doit détenir depuis au moins deux ans une filiale relevant du droit d'un autre État membre pour pouvoir se transformer en SE. Le règlement européen pas plus que le code de commerce ne précisent toutefois si cette filiale doit être détenue directement ou si une détention indirecte satisfait également cette condition. Les rares commentaires sur les dispositions applicables estiment - tout en le déplorant pour certains - qu'en l'absence de précisions sur la notion de filiale, la prudence conduirait à se référer à la définition donnée par l'article L. 233-1 du code de commerce qui exige la détention directe de plus de la moitié du capital de la société considérée. Cette interprétation et l'appréciation du lien d'extranéité qui en découle ne paraissent pas satisfaisantes, notamment en ce qu'elles restreignent inutilement la portée dudit règlement alors que ce dernier entend s'adresser, aux termes de son préambule, à toutes les entreprises « dont l'activité n'est pas limitée à la satisfaction de besoins purement locaux ». Il est à souligner que, dans le cadre de l'adoption du statut de SE, un « groupe spécial de négociation » chargé de déterminer les modalités de l'implication des salariés au sein de la SE doit être établi. Selon les termes de la directive européenne instituant cette obligation, la négociation doit s'étendre à l'ensemble des filiales directes et indirectes dans la mesure où le terme « filiale » désigne toute entreprise sur laquelle s'exerce une influence dominante de la société envisageant d'adopter le statut de SE. En outre, et alors même que l'article L. 2352.3 du Code du travail utilise sans précision le terme « filiale », les praticiens s'accordent à considérer que la constitution du « groupe spécial de négociation » doit prendre en compte toutes les filiales, qu'elles soient directes ou indirectes. Il serait donc incohérent de retenir une définition large du terme « filiale » concernant les obligations en matière sociale et une interprétation restrictive de ce même terme quand il s'agit du droit d'une société de se transformer en SE. Le critère d'extranéité se conçoit comme la justification du statut communautaire de la SE, mais il paraîtrait à l'évidence artificiel et arbitraire de n'apprécier ce critère qu'au seul niveau des filiales directes. Au surplus, le lien d'extranéité s'apprécie tant au niveau des filiales directes que des filiales indirectes chez certains de nos voisins européens, notamment en Espagne et en Allemagne. À titre d'exemple, une société de droit allemand (Klöckner et Co) s'est transformée en SE en justifiant détenir plusieurs filiales indirectes établies dans d'autres Etats membres. Retenir en France une conception étroite de la notion de filiale nuirait ainsi à la compétitivité de nos sociétés en ce qu'elle les placerait dans une situation inégale par rapport aux sociétés d'autres pays européens : une société française disposant de filiales indirectes en Europe serait dans l'incapacité de se transformer en société européenne, tandis qu'une société allemande placée dans une situation identique le pourrait. Aucun motif ne semble justifier, en droit comme en opportunité, une différence d'interprétation défavorable aux entreprises françaises.

Réponse émise le 9 août 2016

Le règlement no 2157/2001du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne, fixe les modes de constitution d'une société européenne. Il dispose en particulier qu'une société anonyme sise dans un État membre peut se transformer en société européenne si elle a « depuis au moins deux ans une société filiale relevant du droit d'un autre État membre » (article 2 §4). Le règlement ne comportant pas de définition de la « filiale », il est permis de se demander si la notion de filiale à laquelle il se réfère doit être entendue comme une filiale au sens de l'article L.233-1 du code de commerce, qui suppose la détention de plus de la moitié du capital d'une autre société, ou peut être entendue comme une société détenue indirectement. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, « les termes d'un texte communautaire qui ne comporte aucun renvoi aux droits nationaux doivent recevoir une interprétation autonome, à la lumière notamment des objectifs du texte. » A cet égard, il résulte de la lecture des considérants du règlement du 8 octobre 2001, et particulièrement du considérant 6, qu'il est « essentiel de faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que l'unité économique et l'unité juridique de l'entreprise dans la Communauté coïncident. » En outre, le considérant 19 précise que le règlement est indissociable de la directive 2001/86/CE du même jour et que les deux textes doivent être « appliqués de manière concomitante ». Or le c) de l'article 2 de cette directive contient une définition de la filiale entendue comme une entreprise sur laquelle une société « exerce une influence dominante ». Cette condition est notamment remplie lorsque la société, directement ou indirectement, détient la majorité du capital souscrit de l'entreprise, lorsqu'elle dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par l'entreprise ou lorsqu'elle peut nommer plus que la moitié des membres du conseil d'administration, de direction ou de surveillance de l'entreprise. Cette définition de la filiale correspond davantage, en droit français, à la notion de « contrôle » au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce qu'aux termes de l'article L.233-1 de ce même code. Aux termes de l'article L.233-3 du code de commerce, une situation de contrôle existe notamment lorsqu'une société « détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ». Il en résulte que, sous réserve d'une interprétation contraire de la Cour de Justice de l'Union européenne, une société détenue indirectement par une société anonyme, au sens de l'article L.233-3 du code de commerce, peut être considérée comme une filiale pour l'application du paragraphe 4 de l'article 2 du règlement du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne.

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