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François Asensi
Question N° 94282 au Ministère des affaires sociales


Question soumise le 22 mars 2016

M. François Asensi interroge Mme la ministre des affaires sociales et de la santé concernant la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) dans le cadre de la loi de santé 2016. En Seine-Saint-Denis, la constitution d'un pôle du Nord et de l'Est se précise, comprenant l'hôpital Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois, l'hôpital de Montfermeil et l'hôpital de Montreuil. L'hôpital spécialisé de Ville-Evrard y sera a priori fortement associé, malgré l'opposition de l'ensemble de la communauté hospitalière de l'établissement. Initialement prévu pour des territoires de 400 000 habitants, le futur groupement hospitalier de territoire (GHT) de l'est de la Seine-Saint-Denis concernera donc un territoire de plus d'1,7 million d'habitants. Cette évolution forcée, qui témoigne du mouvement d'inflation législative en matière de réformes hospitalières, suscite à juste titre de fortes inquiétudes parmi les professionnels de santé. Certes la mise en place des GHT peut représenter une opportunité, pour peu qu'elle réponde à une mise en commun des savoir-faire et des compétences pour aller vers davantage de coopération entre les établissements de santé. Cependant cette coopération existe déjà dans le cadre des « communautés d'établissements de santé » prévues par les précédentes vagues de réforme (plan « Hôpital 2007 » et plan « Hôpital 2012 »). Dans le même sens, les établissements de santé sont inscrits depuis longtemps dans une démarche coopérative, travaillent et entretiennent des relations étroites avec la médecine de ville et les autres partenaires du champ sanitaire, social et médico-social. La constitution des GHT ne doit pas venir remettre en cause ce maillage territorial en matière d'offre de soins, tout comme elle ne doit pas porter atteinte à l'identité propre et aux stratégies de développement internes des établissements de santé. Toutefois l'économie même de la réforme, guidée par l'objectif de réduction des dépenses publiques de santé inscrit à l'ONDAM (plus de 10 milliards d'euros), semble davantage poursuivre une logique budgétaire qu'une logique de meilleure organisation territoriale de l'offre de santé publique. Comme souvent ces dernières décennies, la rentabilité de l'offre de soins et la « rationalisation » du secteur hospitalier priment sur la recherche de l'excellence médicale. D'autant qu'en amplifiant la concentration des services médicaux de pointe dans certains établissements de santé, les futurs GHT ne permettront pas de lutter contre la désertification médicale des territoires périurbains et ruraux. Comme le souligne la Fédération hospitalière de France (FHF), « cette réforme ne prend pas en compte la réalité et la diversité des situations locales ». D'autre part de nombreuses questions demeurent sans réponse. Les inquiétudes sont fortes concernant de possibles cessations d'activité dans les différents établissements de santé concernés. Qu'en sera-t-il également de la mobilité des personnels ? Sera-t-elle généralisée en fonction de l'activité des hôpitaux ? Quid de l'intérêt des patients, qui devront au gré de l'activité, se rendre dans les différents établissements du territoire ? La mobilité et les possibilités objectives de chacun entraîneront à n'en pas douter de nouvelles discriminations dans l'accès aux soins pour les populations les plus précaires de nos territoires. Enfin, à travers les GHT, la nouvelle loi de santé consacre l'exclusion des élus locaux et des partenaires sociaux de la gouvernance hospitalière. Les partenaires sociaux (syndicats, CHSCT...) ainsi que les associations d'usagers ne sont pas associés à l'élaboration du futur projet médical partagé. Ils représentent pourtant des acteurs incontournables soucieux de l'intérêt des patients et des agents de la fonction publique hospitalière. Ils doivent à ce titre être représentés et associés à la définition du projet médical. D'autre part, comme pour la loi « HPST » qui instaurait un directoire technique en lieu et place des conseils d'administration, les élus locaux seront exclus des instances stratégiques et décisionnelles des futurs groupements hospitaliers de territoire. Ce n'est pas acceptable. Ils doivent être représentés dans l'ensemble des instances des GHT et non uniquement au sein du comité territorial dont la composition, le rôle et l'influence sont très limités. À l'heure de la rédaction du décret d'application, il lui demande ce qu'elle compte faire pour rééquilibrer l'esprit de la réforme, qui consacre un peu plus encore la mainmise du pouvoir administratif sur la santé publique, au détriment de la communauté hospitalière et des élus locaux.

Réponse émise le 24 mai 2016

La mise en place des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) constitue une innovation majeure dans l'organisation de notre système de santé. Les GHT sont un nouveau mode de coopération entre les établissements publics de santé à l'échelle d'un territoire, créé par la loi de modernisation de notre système de santé. Ils visent à offrir à tous les patients un meilleur accès aux soins, en renforçant la coopération entre hôpitaux publics autour d'un projet médical partagé. Cette nouveauté permettra, en inscrivant les hôpitaux publics dans une vision partagée de l'offre de soins, de mieux organiser les prises en charge, territoire par territoire, et de présenter un projet médical répondant aux besoins de la population. Le décret no 2016-524 du 27 avril 2016 permettant aux établissements publics de santé de constituer les GHT a été publié au Journal officiel le 29 avril 2016. Fruit d'une large concertation qui s'est tenue pendant près de deux mois, ce texte définit les conditions de création, les modalités de gouvernance de chaque groupement, ainsi que le périmètre de mutualisation des fonctions et activités permettant la mise en œuvre du projet médical partagé. Il prévoit un déploiement progressif du dispositif dans le temps pour permettre aux établissements de construire des projets médicaux sur l'ensemble de leurs activités. La loi de modernisation de notre système de santé a fixé comme échéance le 1er juillet prochain pour la mise en place des GHT. Le décret d'application définit les modalités de mise en œuvre dans le respect de ce calendrier. D'autres textes d'application, concernant notamment les ressources humaines, viendront compléter le dispositif règlementaire dès cette année. Tous les établissements, quels que soient leur taille et leur positionnement dans l'offre de soins, joueront un rôle majeur dans les GHT ; les hôpitaux de proximité comme les centres hospitaliers universitaires (CHU), puisqu'ils participeront pleinement aux GHT et donc à l'égalité d'accès aux soins au cœur des territoires. Les GHT sont une opportunité pour renforcer le service public hospitalier, en conciliant la nécessaire autonomie des établissements et le développement des synergies territoriales. Autrement dit : pas de subordination, pas d'uniformisation. Les acteurs de l'hôpital doivent construire des GHT adaptés à leur territoire. Cela vaut également pour les établissements qui exercent une activité de psychiatrie. La loi permet la constitution de GHT dédiés à la psychiatrie ou d'intégrer la psychiatrie dans un GHT polyvalent. Ce choix doit refléter les réalités territoriales. La volonté d'associer les élus locaux, en particulier les maires, à la définition des GHT, se traduit dans le décret d'application par des précisions sur le rôle et la composition du « comité territorial des élus locaux » : outre les représentants des collectivités territoriales siégeant aux conseils de surveillance des établissements, les maires des communes sièges (c'est-à-dire toutes les communes sur le territoire desquelles il y a un hôpital), les représentants des collectivités siégeant aux conseils d'administration dans le cas des établissements médico-sociaux, les directeurs des établissements et le président de l'instance médicale du groupement sont membres de droit. Concernant le projet médical partagé, le décret prévoit son élaboration progressivement jusqu'au 1er juillet 2017, avec deux étapes intermédiaires que sont la définition d'orientations stratégiques au 1er juillet 2016 puis l'identification des filières de prise en charge au 1er janvier 2017. La loi prévoit que le projet médical partagé, qui est la pierre angulaire de chaque GHT, intègre un volet recours tout autant qu'un volet proximité. Les GHT sont donc une véritable opportunité pour les hôpitaux de proximité de conforter leur positionnement territorial. En particulier, les équipes médicales de territoire sont un moyen d'apporter une réponse à la problématique de démographie médicale que peuvent connaître certains établissements. Pour accompagner la mise en œuvre de cette réforme, la ministre des affaires sociales et de la santé a annoncé la mobilisation exceptionnelle de 10 millions d'euros de crédits supplémentaires en 2016 ainsi qu'un plan de formation à destination des hospitaliers.

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