Mme Nathalie Chabanne attire l'attention de Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes sur les préoccupations des professionnels chargés de la prévention spécialisée. Aux lendemains d'attentats frappant nos citoyens et nos valeurs, les questions d'aide à l'enfance, de lutte contre la délinquance, contre la radicalisation ou encore contre le décrochage des jeunes, apparaissent plus que jamais comme primordiales. Les éducateurs de prévention spécialisée, ou '' éducateurs de rue '', sont les principaux acteurs pour répondre à ces problématiques. Ils accompagnent individuellement et socialement les jeunes en situation grave de rupture ou de souffrance et représentent une ressource indispensable pour repérer les signes de mal-être chez les jeunes. Cependant, ces professionnels font face à certaines difficultés, notamment financières. Si la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant prévoit des outils et dispositifs concrets pour améliorer la prise en charge des enfants en danger ainsi que leur protection, dont l'attribution aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance d'une mission supplémentaire pour la formation continue des professionnels de la protection de l'enfance, cette réforme ne semble pas répondre entièrement aux problèmes des éducateurs de rue. En effet, les contraintes budgétaires auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales laissent une marge de manœuvre faible aux conseils départementaux dans le domaine de la prévention spécialisée. Ainsi, l'on observe un désengagement des départements conduisant à la disparition de certaines équipes chargées de cette mission. Si les dépenses sociales départementales n'ont fait qu'augmenter depuis les années 2000, la part du budget consacré à l'aide sociale à l'enfance dans ces dépenses a, elle, diminué : la DREES montre qu'elle représente 24 % du total des dépenses sociales départementales, soit une baisse de 3 % en 10 ans et de 22 % depuis l'an 2000. En outre, la part du budget accordé à la prévention spécialisée dans cette aide sociale à l'enfance est minime : aux côtés des placements en établissements (48 %), des suivis des placements d'enfants en famille d'accueil (26 %), des allocations mensuelles telles que bourses ou aides financières (5 %), ou les actions éducatives à domicile et en milieu ouvert (6 %), la prévention spécialisée ne représentait que 4 % en 2009. Aussi, ces coupes budgétaires pesant sur les éducateurs de rue, elle lui demande si le Gouvernement envisage d'inscrire dans la loi une mission de prévention spécialisée obligatoire, et non plus facultative, pour les conseils départementaux, afin d'enrayer le phénomène de disparition des éducateurs de rue sur certains territoires.
A l'automne 2014, le Gouvernement a engagé une réforme de la protection de l'enfance, en concertation avec l'ensemble des acteurs : les professionnels, les élus, mais aussi les enfants et les parents concernés. Ces travaux, conduits en étroite collaboration avec les départements chargés de cette politique publique, ont permis la construction partagée d'une feuille de route pour la protection de l'enfance composée de 101 actions. Ces actions s'articulent autour de trois grandes orientations à savoir : une meilleure prise en compte des besoins et des droits de l'enfant, l'amélioration du repérage et du suivi des situations de maltraitance, de danger ou de risque de danger, et le développement de la prévention à tous les âges de l'enfance. La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance constitue le volet législatif de la feuille de route. D'initiative parlementaire, cette loi est aussi le reflet de la volonté de la ministre des familles, de l'enfance, et des droits des femmes, de mobiliser les acteurs et de sortir la protection de l'enfance, dont la prévention spécialisée définie par l'article L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles, de l'angle mort des politiques publiques. Cette nouvelle loi clarifie le cadre d'intervention de la prévention spécialisée, soulignant ainsi son importance (article 12). Au moment où s'intensifient l'intervention contre le mal être des jeunes et la lutte contre toutes formes de radicalisation, la prévention spécialisée est reconnue par le Gouvernement comme étant une ressource indispensable pour mieux répondre aux besoins des jeunes sur les territoires. Dans la feuille de route qui accompagne la loi du 14 mars 2016, l'action 62 qui vise à "valoriser l'action des équipes de protection de l'enfance sur les territoires dans la proximité des habitants en maillant travail de rue et actions collectives" concerne directement la prévention spécialisée. Elle vise la promotion sur les territoires de la prévention spécialisée en l'articulant notamment à l'évolution des problématiques actuelles y compris avec les acteurs déjà engagés au plan national et territorial sur la radicalisation des publics jeunes. L'action 62 se met en place depuis janvier 2016 par la réunion d'un groupe de travail interministériel qui a pour objectif de faire un état des lieux de l'évolution actuelle et des enjeux de la prévention spécialisée et notamment dans ses liens avec la protection de l'enfance, la politique de la ville, la prévention de la délinquance et de la radicalisation, les services de soins, l'éducation nationale et la protection judiciaire de la jeunesse. Pour ce faire il a été confié au comité national de liaison des associations de prévention spécialisée (CNLAPS) une étude cartographique de la prévention spécialisée. Les résultats de cette étude viendront alimenter les réflexions du groupe de travail interministériel et des recommandations. Les principaux points de réflexion porteront sur les problématiques et les enjeux actuels de la prévention spécialisée ainsi que sur les pratiques professionnelles, le financement, la gouvernance et l'évaluation de la prévention spécialisée. Ces travaux sont attendus pour la fin de l'année 2016. La ministre a par ailleurs engagé avec le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports une convention de partenariat relative à la prévention spécialisée qui devra être signée à brève échéance. Elle portera sur le renforcement d'une collaboration étroite entre les territoires de la politique de la ville et les conseils départementaux, financeurs principaux de la prévention spécialisée (pour les départements, le budget alloué à la prévention spécialisée s'élève à 250 000 000 €). Seront signataires les ministères de l'intérieur, des familles, de l'enfance et des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, l'assemblée des départements de France, l'association des maires de France, l'union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), le CNLAPS, la convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE) et l'association France Urbaine.
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