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Christian Franqueville
Question N° 96359 au Ministère de la justice


Question soumise le 7 juin 2016

M. Christian Franqueville attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le délai de prescription en matière d'indemnisation de la détention provisoire qui est de quatre ans à compter de la décision définitive constatant la non culpabilité. En effet, dans certaines situations, notamment lors d'accusations à tort de viol, l'intéressé qui sort tout juste de détention provisoire et vient de bénéficier d'une décision de relaxe, est tellement choqué par la gravité des faits qui lui ont été reprochés à tort, que le délai de prescription de quatre ans se révèle trop court pour lui permettre de se remettre de ce choc, de se réinsérer et d'être suffisamment lucide, pour exercer son droit de demander réparation. Souvent c'est plusieurs années après, une fois le souvenir douloureux de ces faits passé que la personne s'engage dans une procédure visant à être indemnisée de la détention provisoire dont elle a fait l'objet. Dans ce contexte, bien souvent le délai de prescription étant expiré, la requête est jugée irrecevable en ce qu'elle est prescrite. Face à cette situation, il lui demande si le Gouvernement entend allonger le délai de prescription dans certains cas extrêmes où les faits sont si lourds que l'intéressé n'a pas suffisamment de quatre années pour intenter une action en justice.

Réponse émise le 11 octobre 2016

Depuis 1970, la loi prévoit une procédure de réparation du préjudice subi par une période de détention effectuée dans le cadre d'une affaire clôturée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. La réparation du préjudice résultant de la privation de liberté constitue alors un droit même si la détention avait été ordonnée et s'était déroulée dans le respect des règles et critères imposés par la loi. En effet, ce dispositif de réparation repose sur une responsabilité sans faute. Les articles 149 à 149-3 du code de procédure pénale prévoient ainsi que « lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation ». Depuis la loi no 2000 1354 du 31 décembre 2000, la réparation intégrale du préjudice moral et matériel causé par la détention est de droit. Le premier président de la cour d'appel doit être saisi par voie de requête dans le délai de 6 mois à compter de la notification de la décision au demandeur. L'encadrement de cette requête dans un délai prévu par la loi apparait légitime et s'avère cohérent au regard des législations européennes puisque, dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe, la demande d'indemnisation doit être déposée dans un certain délai qui court à compter de la date de clôture de la procédure pénale [1]. Afin de permettre au requérant d'exercer effectivement son droit à réparation dans le délai de 6 mois, l'article 149 du code de procédure pénale prévoit qu'il est avisé de son droit de demander une réparation, ainsi que des dispositions de l'article 149-1 à 149-3 premier alinéa lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement lui est notifiée. Si cet avis n'est pas effectué lors de la notification de la décision, l'article R26 du code de procédure pénale prévoit que le délai de 6 mois prévu ne commence pas à courir, ce qui en pratique permet au requérant de demander une réparation au-delà du délai de 6 mois de la notification de la décision. Sur ce point, la circulaire JUS-D-00-20215 C du 11 décembre 2000 (page 31) indique que le président de la cour d'assises doit informer l'accusé de sa possibilité de demander l'indemnisation de son préjudice, cet avis devant être mentionné dans le procès-verbal prévu à l'article 378. De même, la circulaire JUS-D-00-30220 C du 20 décembre 2000 (page 113) rappelle en matière de jugement de relaxe qu'en pratique, l'information doit être donnée oralement par le président du tribunal si le jugement est rendu en présence de l'intéressé, le jugement faisant alors état de cet avis ; l'information doit expressément figurer dans le jugement si celui-ci doit être signifié. En outre, il peut être observé que cette information, déjà prescrite par la loi, relève également du devoir de conseil de l'avocat qui assiste la personne concernée, tout particulièrement dans les affaires les plus lourdes, dans lesquelles la détention a été subie sur une longue période. La sanction du non-respect du délai de 6 mois par le requérant dans le cas où l'avis a régulièrement été effectué lors de la notification de la décision est l'irrecevabilité de la décision. Il convient toutefois de noter que les décisions d'irrecevabilité fondées sur le dépôt d'une requête hors délai sont en diminution : les 24 décisions rendues sur ce motif en 2012 (contre 47 en 2006) représentent 4,6 % du total [2]. Au regard de ces éléments, aucune modification législative pour étendre le délai de ce recours n'est envisagée.   [1] Service de documentation, des études et du rapport de la cour de cassation, Bureau du droit comparé : « La réparation des détentions provisoires non suivies d'une condamnation en Europe » - 2 novembre 2015 - [2] Rapport 2013 de la commission de suivi de la détention provisoire.

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