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Denys Robiliard
Question N° 98314 au Ministère de la justice


Question soumise le 2 août 2016

M. Denys Robiliard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice à propos de l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er août 2016. Cette disposition institue un nouvel article du code du travail, l'article R. 1452-2 du code du travail, qui prévoit que « À peine de nullité, la requête comporte les mentions prescrites à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. » Une règle dépourvue de sanction devient généralement fragile. Toutefois, les termes dans lesquels cette nullité est instaurée sont ambigus. Son interrogation porte donc sur la portée de la nullité. La nullité porte-t-elle sur les seules mentions prescrites à l'article 58 - dans ce cas, si l'article 58 du code de procédure civile n'est pas respecté, la nullité peut être demandée - ou porte-t-elle également sur ce qu'il est requis « en outre » ? Dans le premier cas, il s'agirait d'une victoire à la Pyrrhus dans l'objectif que poursuivait le législateur qu'il y ait davantage de formalisation de la saisine, lorsqu'il a adopté la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Cette formalisation de la saisine est importante parce que c'est la condition pour améliorer les chances de la conciliation. C'est également la condition pour que le bureau de conciliation et d'orientation, dans le cas où le défendeur ne se présente pas, puisse, sur la base d'une demande dont l'objet a été suffisamment développé, statuer en l'absence du défendeur, dans le respect du contradictoire. Les textes réglementaires et les textes législatifs doivent répondre à la même logique. Il souhaite connaître ses intentions sur ces différents points.

Réponse émise le 4 avril 2017

Tout en rappelant son attachement au paritarisme, gage de démocratie sociale et de participation des citoyens à l'œuvre de justice, la loi du 6 août 2015, relative à la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, a entendu inscrire les juridictions prud'homales dans la modernité. Accessible à tous, jugeant des litiges du travail qui sont souvent ceux d'une vie pour les salariés concernés, la justice prud'homale doit renforcer sa fonction conciliatrice mais également disposer de moyens juridiques, humains et budgétaires lui permettant de rendre des décisions dans un délai compatible avec le temps de l'économie. Pris pour l'application de la loi précitée, le décret du 20 mai 2016 poursuit l'objectif de rationaliser la procédure prud'homale, de l'introduction de l'instance devant le conseil de prud'hommes jusqu'au prononcé du jugement. La procédure d'appel connaît également une importante évolution puisqu'elle obéit désormais aux règles applicables à la procédure avec représentation obligatoire, celle-ci pouvant être exercée par un avocat ou un défenseur syndical. Depuis le 1er août 2016, la saisine du conseil de prud'hommes est ainsi faite par requête qui comprend, à peine de nullité, les mentions prévues par l'article 58 du code de procédure civile. Le texte prévoit qu'en outre, la requête contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. Sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, il résulte de la construction de l'article R. 1452-2 du code du travail que les seules mentions prescrites à peine de nullité sont celles prévues par l'article 58 du code de procédure civile, à savoir les éléments d'identification du demandeur et du défendeur ainsi que l'objet de la demande. D'après le livre Ier du code de procédure civile, applicable à l'ensemble des juridictions, ces mentions constituent de vices de forme dont la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public (article 114 du code précité). En outre, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief (article 115 du même code). La nullité n'est en conséquence pas encourue s'agissant de l'exposé sommaire des motifs de la demande et des chefs de celle-ci. En effet, la procédure prud'homale restant orale (article R. 1453-3 du code du travail, inchangé), le demandeur doit pouvoir exposer ses motifs, selon le cas, devant le bureau de conciliation et d'orientation, devant le bureau de jugement ou devant la formation de référé. Les chefs de demande peuvent également évoluer en cours de procédure. Il n'est donc pas apparu opportun au pouvoir réglementaire de sanctionner leur omission de l'acte introductif d'instance. S'il était devenu nécessaire que l'acte introductif d'instance en matière prud'homale réponde aux mêmes critères que dans les autres contentieux, il n'y avait pas lieu d'être plus sévère. En effet, il est apparu indispensable de préserver l'accessibilité de la juridiction prud'homale, devant laquelle l'assistance et la représentation n'est pas obligatoire. Des formulaires Cerfa ont d'ailleurs été constitués pour faciliter l'établissement de la requête par les justiciables. Des rubriques sont prévues pour exposer sommairement les motifs de la demande et pour mentionner ses différents chefs. Les règles nouvelles favorisent donc la formalisation de l'acte introductif d'instance et de la présentation, sans imposer la sanction de la nullité au-delà du droit commun, en garantissant l'accès au juge.

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