M. Daniel Gibbes attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur la mise en œuvre des textes relatifs à la résolution du désordre juridique sur les propriétés foncières et immobilières dans les territoires ultramarins, en rappelant que l'absence de titre de propriété, qui est la conséquence de ce désordre, constitue pour leur développement un handicap majeur. En effet, alors que de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) prévoyait la mise en œuvre d'une procédure de titrement des biens qui restent non titrés depuis plusieurs dizaines d'années, corrigée par la loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 afin de mieux l'adapter aux situations spécifiques à l'outre-mer, ces dispositions n'ont connu aucun commencement d'application. Il est à noter qu'un tel dispositif est opérationnel en Corse depuis 2010 et qu'il n'a fallu que quatre ans pour le mettre en œuvre à compter de son autorisation par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006. La période de sept ans qui sépare de la promulgation de la LODEOM, sans que ses dispositions n'aient connu un commencement d'application, n'a pu qu'approfondir encore le désordre juridique de la propriété dans les territoires. Ce constat est d'autant plus dommageable que les résultats encourageants obtenus en Corse montrent qu'une solution est à portée, même si la résolution de l'ensemble des dysfonctionnements doit également passer par l'évolution de procédures juridiques encore inadaptées. Il en est ainsi, par exemple, de la procédure dite de la prescription trentenaire ou usucapion dont l'addition des très longs délais de mise en œuvre ou de contestation ne permettent pas de garantir au possesseur du bien d'être assuré de sortir, dans des délais raisonnables, d'une situation qui le maintient dans l'insécurité juridique. Le récent rapport sénatorial enregistré le 23 juin 2016 à la présidence du Sénat et présenté par la délégation sénatoriale à l'outre-mer, montre abondamment que ce désordre juridique touche sans distinction l'ensemble des territoires ultramarins y compris la Corse, dont la résolution appelle la définition et la mise en œuvre d'outils juridiques et techniques communs à la mesure de ce handicap. Aussi il lui demande de bien vouloir faire connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet majeur de développement de ces territoires, en termes de calendrier d'action et de financement d'une opération qui ne doit pas être simplement analysée comme étant un coût, mais comme un investissement à leur service.
En ce qui concerne les procédures de titrement dans les outre-mer et les intentions du Gouvernement à cet égard, il doit au préalable être rappelé que l'article 35 de la loi no 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (dite LODEOM) pose le principe de la création d'un groupement d'intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété dans les départements et régions d'outre-mer et à Saint-Martin. Une mission de préfiguration de cette structure lancée en mars 2010 a eu pour objectif d'expertiser les conditions de mise en œuvre de la reconstitution des titres. Cette mission s'est achevée en mai 2011 par la présentation du rapport final de la mission au ministère chargé de l'outre-mer. Le projet de décret a été préparé et devait préciser les règles d'organisation et de fonctionnement des GIP. Il a été retiré par le Gouvernement le 6 avril 2012, le Conseil d'État ayant souligné une divergence avec l'article 35 : le projet de décret créait un GIP par territoire tandis que la loi évoquait un GIP, disposition interprétée par le Conseil d'État comme un seul GIP pour l'ensemble des collectivités. A la suite de ce retrait et en raison de la situation des différentes collectivités ultramarines, il est apparu pertinent de modifier l'article 35 de la LODEOM pour introduire la possibilité d'utiliser les compétences des organismes existants afin d'éviter, autant que possible, la création d'organismes supplémentaires. Cette modification a été introduite par l'article 3 de la loi no 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution ou la constitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin. Le texte vise ainsi à donner de la souplesse aux collectivités pour adapter l'outil aux contraintes locales en prévoyant soit la création d'un GIP, soit l'attribution de la mission de titrement à un autre opérateur public foncier. Aujourd'hui, les établissements public d'État dénommés "Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques" créées en Guadeloupe et en Martinique poursuivent conformément à la mission dévolue par la loi le processus de régularisation des occupations sans titre des terrains ressortissant aux espaces urbains et aux secteurs occupés par une urbanisation diffuse délimités selon les modalités prévues aux articles L. 5112-1 et L. 5112-2 du code général de la propriété des personnes publiques. En revanche, pour l'heure, le projet de déploiement des organismes œuvrant pour le titrement ne s'est pas encore concrétisé en raison des hésitations de certains établissements publics fonciers ultramarins à prendre en charge une mission complexe qui les éloigne de leur cœur de métier. Cette question a été relancée par les ministères en charge du logement, des outre-mer, et de la politique de la ville dans le plan « Logement Outre-mer 2015-2020 » signé le 26 mars 2015. Le choix entre les structures qui pourraient prendre en charge cette mission fait l'objet d'une réflexion. Le ministère des outre-mer souhaiterait conduire une expérimentation de type GIRTEC pour tester sur un département ultra-marin le fonctionnement d'une telle structure compte tenu des spécificités marquées des collectivités d'outre-mer. Un marché public est en cours de rédaction. Il comprend deux volets : l'inventaire des informations pertinentes, et l'appui technique d'ordre juridique sur la constitution ou la reconstitution des titres de propriété doublé d'une mission prospective sur les améliorations à apporter au droit positif. En parallèle, le ministère des outre-mer, conformément aux engagements du Premier ministre, procède à l'expertise du rapport d'information du sénateur M. Thani MOHAMED SOILIHI pour déterminer dans quels véhicules juridiques ses mesures sont susceptibles d'être transposées. Cet enjeu de titrement se double de la problématique de la fiabilité des données cadastrales, ce qui rend la situation particulièrement complexe. Le ministère des outre-mer fait en effet sienne les conclusions de la mission de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) qui s'est penchée sur les problématiques foncières et le rôle des différents opérateurs aux Antilles et a mis en exergue la faible qualité des informations cadastrales aux Antilles comparativement à la Corse. Pour conclure, le ministère des outre-mer est pleinement mobilisé sur les enjeux de foncier, ainsi qu'en témoigne la récente création d'un établissement public foncier et d'aménagement à Mayotte par l'article 18 de la loi no 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, dont le décret d'application est en cours de consultation. Cette mobilisation se traduit également par la volonté d'accélérer les cessions du foncier de l'État pour favoriser la construction de logements sociaux et par la création d'un foncier solidaire qui interviendra dans les outre-mer en parallèle d'une politique visant à favoriser l'adressage avec une dotation prévue à cet effet dans le cadre du PLF 2017.
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