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Vincent Ledoux
Question N° 99719 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 11 octobre 2016

M. Vincent Ledoux alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la révision du cadre national pour l'utilisation des produits phytosanitaires. À la suite de la requête de l'Association nationale des pommes et des poires, le Conseil d'État a enjoint le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, la ministre des affaires sociales et de la santé et la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer d'abroger l'arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. En application de la décision du Conseil d'État, les différents ministères concernés envisagent donc de restreindre davantage l'usage des produits phytosanitaires. En effet, dans l'optique vertueuse de protéger l'environnement, le Gouvernement condamne finalement les agriculteurs. Parmi les propositions des ministères pour faire évoluer l'arrêté de 2006 se trouvent l'augmentation des zones non traitées (ZNT) « eau » et une application effective des ZNT « zones non cultivées adjacentes ». Par ailleurs, il est envisagé d'instaurer une ZNT de 5 mètres à 20 mètres autour des habitations et des lieux de résidence ainsi que de modifier les modalités de calcul de la vitesse du vent (passage d'un indice de mesure niveau 3 de l'échelle de Beaufort à une vitesse limite de 19 km/h). Enfin, le Gouvernement envisage de modifier le délai de réentrée (DRE), c'est-à-dire la durée pendant laquelle il est interdit de pénétrer dans le lieu qui a été traité, en allongeant la liste des produits exigeant un DRE de 48 heures. Cette liste de mesures, si elle est appliquée, viendrait réduire la surface exploitable pour les agriculteurs. La surface agricole utile (SAU) moyenne d'une exploitation agricole du Nord et du Pas-de-Calais étant de 61 ha, la disparition d'environ 130 000 ha dans la région menacerait 2 130 exploitations agricoles. Pour chaque exploitation menacée, on estime à 7 le nombre d'emplois induits. Près de 15 000 salariés du Nord et du Pas-de-Calais verraient donc leur emploi mis en péril. Par ailleurs, en 2010, la SAU de la métropole européenne de Lille (MEL) était de 26 693 ha soit 43,7 % du territoire. Une projection de 20 mètres à la limite des villes et villages impacterait quasiment toutes les terres agricoles de la MEL. C'est une véritable dégradation pour l'économie agricole française. En France, le Gouvernement est compétent pour encadrer l'utilisation et la mise sur le marché des produits phytosanitaires. À l'échelle départementale, les préfets fixent par voie d'arrêté une liste des « lieux sensibles » en conformité avec l'article 53 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Cette répartition des compétences n'est pas identique à chaque État membre de l'Union européenne ce qui entraîne une définition différente des ZNT. Ainsi, compte tenu des propositions interministérielles pour l'évolution de l'arrêté de 2006, la France risque de subir une distorsion de concurrence avec les producteurs des autres États membres de l'Union européenne. Une telle réglementation est peu favorable aux agriculteurs. Pour autant, ces derniers sont déjà engagés dans des pratiques plus vertueuses que par le passé : le traitement tôt le matin, tard le soir et dans des conditions climatiques idéales. Aussi, une étude publiée en septembre 2016 sur le site du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer recense une baisse de 10 % des phytosanitaires dans les cours d'eau entre 2008 et 2013. Les agriculteurs sont favorables pour poursuivre l'amélioration de leurs pratiques mais pas au point de perdre des récoltes et des capacités moindres de nourrir les concitoyens. Le « Produire et consommer en France » n'est pas un slogan, ce sont des emplois, des terroirs et des paysages. Dès lors, il l'invite à mieux considérer les agriculteurs dans l'élaboration des mesures encadrant l'usage des produits phytosanitaires et souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse émise le 27 décembre 2016

Par décision du 6 juillet 2016, le Conseil d'État a enjoint le Gouvernement à abroger l'arrêté du 12 septembre 2006 encadrant la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans un délai de 6 mois pour un motif procédural, sans remettre en cause le fond des dispositions. En effet, le Conseil d'État a jugé que le texte aurait dû faire l'objet d'une notification auprès de la Commission européenne et des autres États membres pour une partie de ses dispositions. L'arrêté du 12 septembre 2006 définit des règles d'utilisation des produits phytosanitaires en tenant compte du droit européen. En particulier, il impose plusieurs mesures de protection d'importance concernant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, telles que l'interdiction de traitement au-delà de certaines vitesses de vent pour limiter la dérive des produits, la fixation de délais de rentrée dans les parcelles après traitement, la protection de la qualité de l'eau. Le Gouvernement doit appliquer la décision de justice dans les meilleurs délais pour sécuriser juridiquement les dispositions permettant d'encadrer l'usage des produits phytosanitaires. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement envisage, à titre conservatoire, de notifier à la Commission européenne les dispositions actuelles de l'arrêté du 12 septembre 2006. Il importe toutefois que les discussions puissent se tenir sur les attentes des parties prenantes sur ces dispositions. Il a été indiqué que, si des mesures consensuelles de nature réglementaire émergeaient au cours des consultations, elles pourraient être intégrées au projet d'arrêté qui sera notifié. Le Gouvernement entend également examiner, avec l'ensemble des parties prenantes, toutes les dispositions qui peuvent être prises et les outils qui peuvent être mobilisés pour compléter ces dispositions réglementaires et répondre aux nouvelles préoccupations de santé publique et de protection de l'environnement. Il s'agit notamment : - d'étudier les dispositions les plus adaptées, y compris législatives, à la mise en œuvre d'une mesure transversale d'encadrement et de limitation de l'usage des produits phytopharmaceutiques à proximité des habitations ; - de généraliser d'ici au 1er février 2017 la mise en œuvre du dispositif d'encadrement par les préfets des conditions d'épandage des produits phytopharmaceutiques à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables (écoles, hôpitaux, …), en application de l'article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime ; - de contribuer à travers le plan Écophyto 2 à l'amélioration du matériel d'épandage utilisé par les agriculteurs afin de limiter efficacement la dérive des produits phytosanitaires, en tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques et des performances des nouveaux matériels disponibles ; - de poursuivre et achever les travaux en cours sur l'identification et la cartographie des cours d'eau tels que définis dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ces actions seront engagées et pilotées par les ministères chargés de l'agriculture, de l'environnement, de la santé et de la consommation. Toutes les parties prenantes seront associées et une restitution sur l'état d'avancement sera effectuée dans les prochains mois.

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