Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 6 juin 2016 à 21h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Article 6 a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

S’agissant du sous-amendement no 1488 , nous ne souhaitons pas faire mention des conflits d’intérêts qui, dès lors qu’ils constituent des manquements graves à la loi, sont nécessairement inclus dans la définition. Nous ne devons pas craindre de trop embrasser avec cette définition générale ; au contraire, l’application d’un texte législatif souffre souvent d’une précision excessive. Il n’est pas nécessaire de viser les conflits d’intérêts parce que ceux-ci constituent un manquement à la loi et sont donc couverts par la définition que je propose. Avis défavorable, donc.

Quant au sous-amendement no 1485 , si la commission l’a rejeté, c’est parce qu’elle a estimé que la faute ou le risque précédait la réalisation d’un préjudice. En quelque sorte, le risque inclut le risque d’un préjudice. Votre préoccupation me paraît donc satisfaite. Pour autant, je ne vois pas d’inconvénient à faire figurer la notion de préjudice si cette précision vous paraît utile. L’avis de la commission est formellement défavorable, mais à titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

La commission est également défavorable au sous-amendement no 1486 , car la mention qu’il propose d’ajouter est trop floue et n’apporterait rien à la définition que nous proposons.

De même, la précision du sous-amendement no 1487 nuirait à l’efficacité même de la loi. Il est évident que la fraude fiscale, à laquelle vous pensez sans doute, est un manquement à la loi et est donc couverte par la définition. Avis défavorable.

Avis également défavorable au sous-amendement no 1489 .

La question soulevée par le sous-amendement no 1490 est cruciale. En supprimant l’alinéa 3, on renoncerait au fait que l’alerte doit conserver un caractère désintéressé, ce à quoi nous sommes strictement opposés – il m’a semblé que cette idée faisait l’objet d’un consensus et que celui-ci était encore partagé ce soir sur ces bancs.

Sur le sous-amendement no 1492 du Gouvernement, la commission a émis un avis favorable. À titre personnel, je partage la position de Mme Mazetier et je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

L’amendement no 1019 rectifié de Mme Mazetier est identique au mien. Mon avis est par ailleurs défavorable sur les amendements nos 1324 , 721 , 528 et 1424 .

Je tiens toutefois à répondre brièvement sur le fond à M. Galut, qui a proposé la seule définition substantielle que l’on pourrait éventuellement imaginer de substituer au texte de la commission. Selon le texte de son amendement, « un lanceur d’alerte est une personne » – c’est important : il s’agit d’une personne physique ou morale – « qui signale ou révèle » – mon amendement no 1018 rectifié porte : « qui révèle » – « de bonne foi » – nous le disons ensemble – « une information relative à un crime, un délit, un manquement au droit en vigueur » – le texte de mon amendement indique : « un crime, un délit, un manquement grave à la loi ou au règlement » : jusqu’à ce point, mon amendement dit donc exactement la même chose que le vôtre, dans des termes à peine plus généraux et il me semble que, jusque-là, nous adoptons des logiques parfaitement identiques.

Vous évoquez ensuite « une menace ou un préjudice grave ». Comme je l’ai déjà dit, si notre assemblée juge utile d’ajouter la notion de préjudice à celle de risque, je n’y suis personnellement pas opposé, même si la commission a émis un avis défavorable à ce propos.

Nous n’avons pas utilisé la notion d’intérêt général, car elle est trop floue en droit français. Nous avons hésité, Monsieur Galut, car nous souhaitons que cette définition permette une opérationnalité et une effectivité de la protection qui sera mise en oeuvre. Les autorités qui auront à établir le fait qu’une personne a bien le statut de lanceur d’alerte devront le faire dans des conditions d’appréciation et d’intelligibilité appuyées sur un texte aussi clair que possible. La notion d’intérêt général nous a semblé trop imprécise – elle donne matière à des thèses entières –, alors qu’il nous faut pouvoir disposer d’un texte juridique effectif.

J’assume par ailleurs ma divergence et notre désaccord de fond sur le fait que le statut de lanceur d’alerte serait lié à des faits dont la personne concernée « a connaissance dans le contexte d’une relation de travail », car ce contexte est trop restrictif. La définition proposée par le texte de la commission est en effet bien plus large, car le lanceur d’alerte n’est pas, si j’ose dire, « prisonnier » d’une relation de travail ou d’une relation professionnelle, que ce soit dans le privé ou dans le public.

De fait, l’enjeu n’est en effet pas seulement la protection du lanceur d’alerte, même si elle est essentielle : il est aussi très important, comme le rappelle l’avis du Conseil d’État, de traiter l’alerte. En tant que citoyen, il m’importe que ces alertes lancées dans l’intérêt général, qu’elles émanent ou non d’une personne inscrite dans une relation de travail, soient traitées. J’assume donc un désaccord de fond avec vous sur ce point – c’est finalement le seul, de telle sorte que, pour atteindre l’objectif que vous poursuivez, il faut plutôt voter pour mon amendement.

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