Déposé le 8 juin 2013 par : M. Abad, Mme Vautrin.
Rédiger ainsi cet article :
« Le chapitre II du titre II du livre IV du code de la consommation est ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« ACTION EXERCÉE DANS L' INTÉRÊT D'UN GROUPE DE CONSOMMATEURS
« Art. L. 422‑1. – Lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, ont subi des préjudices individuels causés par le fait d'un même professionnel, et ayant une origine commune, toute association visée à l'article L. 421‑1 peut agir en réparation au nom de ces consommateurs, sans avoir à justifier de l'existence d'un mandat devant le tribunal de grande instance du siège social du professionnel mis en cause.
« Art. L. 422‑2. – Préalablement à toute décision statuant sur le bien-fondé des prétentions, le juge saisi statue sur la recevabilité de l'action visée à l'article L. 422‑1.
« Il s'assure que le recours à cette action est justifié par les circonstances tenant :
« – au nombre ou la dispersion des consommateurs ;
« – à la similarité des situations juridiques des membres du groupe de consommateurs ;
« – à la vraisemblance des moyens de fait et de droit invoqués à l'appui des prétentions au regard de l'objet du litige ;
« Art. L. 422‑3. – S'il déclare l'action recevable, le juge définit en fonction de la similarité des questions de faits et de droit, la composition du groupe, ou, au besoin, des sous-groupes de consommateurs représentés par l'association.
« Il détermine dans cette décision, les conditions de la notification d'un avis aux consommateurs représentés, qui peut être individuelle ou collective.
« La notification individuelle peut se faire par courrier électronique.
« Lorsque la notification individuelle est impossible ou serait susceptible d'entraîner des frais manifestement disproportionnés, le juge ordonne une notification collective par tous moyens appropriés.
« Les frais de notification peuvent être avancés par le fonds d'aide prévu à l'article L. 571‑1 ou le bureau d'aide juridictionnel de la juridiction saisie.
« La décision qui déclare recevable l'action ne peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond.
« Art. 422‑4. – L'avis visé à l'article L. 422‑3 mentionne :
« – l'indication de la juridiction devant laquelle l'action est introduite ;
« – l'identification précise de l'association demanderesse ;
« – l'extrait de la décision du juge qui définit la composition du groupe ou du sous-groupe de consommateurs ;
« – la composition du groupe de consommateurs représentés ;
« – la faculté pour tout consommateur, soit d'intervenir en qualité de partie à l'instance, soit de s'exclure du groupe des consommateurs représentés ;
« – tout renseignement que le juge estimerait utile à l'information des consommateurs ;
« – la date de prononcé de la décision devant statuer sur le bien-fondé des prétentions.
« Art. L. 422‑5. – La déclaration du consommateur visant à s'exclure ou à intervenir à l'instance est adressée au greffe de la juridiction saisie, par voie postale, par courrier électronique, ou par émargement d'un registre tenu au greffe de la juridiction saisie.
« Lorsque le consommateur déclare vouloir être partie à l'instance, il indique le nom de son représentant à l'instance, qui peut être l'association demanderesse.
« Dans le cas d'une instance pour laquelle le montant du préjudice individuel allégué est inférieur à un montant défini par décret en Conseil d'État, le consommateur qui ne s'est pas exclu volontairement de l'instance avant le prononcé de la décision statuant sur le bienfondé des prétentions, est réputé être partie à l'instance.
« Il peut à tout moment intervenir à l'instance pour soutenir l'action de l'association demanderesse.
« Art. L. 422‑6. – Toute décision au fond revêt un caractère contradictoire à l'égard des consommateurs représentés dès lors que l'association demanderesse a régulièrement comparue devant la juridiction saisie.
« Elle a autorité de la chose jugée à l'égard de l'association demanderesse et à l'égard de tous les consommateurs représentés.
« Art. L. 422‑7. – Toute transaction, renonciation, ou conciliation doit être homologuée par le juge saisi. Ce dernier vérifie qu'une telle décision ne lèse pas les intérêts des consommateurs représentés.
« Le désistement de l'association demanderesse, n'empêche pas la poursuite de l'instance par tout consommateur représenté.
« Art. L. 422‑8. – Lorsque le juge saisi de l'action de groupe décide d'indemniser le préjudice subi par les consommateurs, en condamnant le professionnel mis en cause au paiement de dommages et intérêts, il procède :
« – par voie d'allocation individuelle, à condition que les consommateurs représentés puissent être identifiés et que leurs préjudices puissent faire l'objet d'une évaluation. Dans cette hypothèse, il fixe les conditions et délais dans lesquels les consommateurs représentés pourront faire valoir leur droit de créance.
« – par voie d'allocation collective, s'il n'est pas en mesure d'identifier les consommateurs représentés ou si la distribution d'allocations individuelles doit entraîner des frais manifestement disproportionnés.
« Tout reliquat des sommes allouées est successivement attribué :
« – en premier lieu à l'association demanderesse en défraiement des dépenses qu'elle a engagées et qui, non comprises dans les dépens, n'ont pas été remboursées par la partie adverse en application de l'article 700 du code de la procédure civile ;
« – en deuxième lieu et à condition qu'il ait attribué une aide à l'association demanderesse, au bureau de l'aide juridictionnelle en remboursement du montant de ladite aide ;
« –et, en dernier lieu, au fonds d'aide d'accès à la justice visé à l'article L. 571‑1.
« Art. L. 422‑9. – Le juge saisi peut ordonner à l'encontre du professionnel mis en cause par l'action de groupe chacune des mesures prévues aux articles L. 421‑1, L. 421‑2, L. 421‑6 et L. 421‑9.
« À moins que le juge n'en dispose autrement, chaque consommateur représenté peut se prévaloir à l'encontre de ce professionnel, de tout injonction prononcée sur le fondement des dispositions précitées.
« Art. L. 422‑10. – Lorsque, en application des articles 696 et 700 du code de la procédure civile, l'association demanderesse est condamnée au paiement des frais et dépens, ce paiement ne peut excéder un montant fixé par décret.
« Les frais et dépens de l'instance ne peuvent être mis à la charge des consommateurs représentés. »
Le mécanisme proposé par le projet de loi est trop complexe. Monsieur Luc Chatel avait suggéré dans une proposition de loi n°3055 lors de la douzième législature, une autre procédure plus appropriée particulièrement sur la reconnaissance des victimes, qui sont regroupés au préalable de la décision du juge.
L'action de groupe est aujourd'hui une procédure nécessaire pour la protection du consommateur. Nous sommes confrontés à la deuxième grande révolution consumériste en trente ans.
Les années 6070 avaient vu l'avènement de la société de consommation, avec en particulier l'arrivée de la grande distribution, qui allait révolutionner nos comportements. Il avait fallu constituer un nouveau cadre juridique afin de garantir au consommateur une bonne information et une bonne protection. Les lois SCRIVENER s'y sont en particulier employées à l'époque.
La nouvelle révolution consumériste concerne aujourd'hui l'explosion des services au particulier. Elle se caractérise par une multiplication et une mondialisation de l'offre de services traditionnels (banques, assurances) ou liées aux nouvelles technologies (téléphonie fixe ou mobile, internet, télévision câblée...) et une complexification des contrats.
Si on ne peut nier que ces innovations ont profité au consommateur, force est de constater que de nombreux dysfonctionnements se développent dans les relations commerciales.
Un ménage moyen gère environ 25 types de contrats pour sa vie quotidienne et si les nouvelles technologies simplifient la démarche commerciale, elles ont tendance à complexifier la relation client, comme en témoignent 15% des consommateurs français victimes d'un litige avec leur fournisseur chaque année en France. Il est donc incontournable de rassurer les consommateurs, de leur redonner confiance par des mesures appropriées de protection, tout en permettant aux entreprises de poursuivre la recherche d'innovations.
Les pouvoirs publics se sont d'ailleurs saisis de la question: les 534 millions d'euros, montant record de l'amende décidée par le Conseil de la Concurrence à l'encontre des trois principaux opérateurs de téléphonie mobile en décembre 2005, ou encore la condamnation des treize grandes marques de parfums pour entente commerciale à 46,2 millions d'euros d'amende en mars 2006, sont des symboles importants à l'attention de tous les consommateurs.
En sanctionnant ainsi les opérateurs, les distributeurs ou les industriels pour entente illicite, le Conseil de la Concurrence traduit une des grandes évolutions de ces dernières années en matière de responsabilisation des entreprises vis-à-vis de leurs clients.
Pourtant on ne peut que regretter l'aspect partiel de la justice rendue, puisque cette somme ira à l'État et non dans les mains des consommateurs floués. Ces derniers risquent d'avoir le sentiment partagé d'avoir été défendus, puisque les fauteurs sont sanctionnés, mais également d'être privés d'une indemnité en réparation au préjudice qu'ils ont indéniablement subi.
Ces exemples récents doivent nourrir notre réflexion sur l'impérieuse nécessité de mettre en place en France un système de recours collectif soigneusement encadré.
D'aucuns avanceront que les 18 associations de consommateurs agréées par les pouvoirs publics exercent déjà toute leur vigilance à leur service, et que le droit français, aujourd'hui, dispose déjà d'une procédure d'action en représentation conjointe.
Pourtant, il suffit de rappeler que cette procédure a été utilisée 5 fois seulement depuis sa mise en place en 1992, pour illustrer les insuffisances du système actuel. En effet, à cause du risque financier qu'elle représente et de la lourdeur de gestion de milliers de dossiers, les associations de consommateurs hésitent à s'engager dans cette procédure.
Une autre objection couramment entendue pointe du doigt le risque que représente le recours collectif pour la compétitivité des entreprises françaises. Cette crainte est souvent associée au chiffon rouge des abus des class actions états-uniennes.
À tous ceux qui voudraient agiter la «menace » des dérives américaines, il faut rappeler ici que c'est précisément pour éviter les dérives du système américain qu'il est important que la France se saisisse de cette question. En effet, il est hors de question de le voir se développer en France, d'autant que le contexte juridique américain est différent.
Il faut garder en mémoire que d'autres modèles peuvent nous inspirer dans notre démarche, le Québec en est le meilleur exemple, et souligner tous les aspects positifs que présente le recours collectif.
Il permet d'économiser les ressources des tribunaux et des parties en permettant qu'un litige qui concerne plusieurs dizaines à plusieurs millions de consommateurs puisse être traité de manière économique; il permet aux consommateurs de s'adjoindre les services d'avocats compétents et d'accroître ainsi leur pouvoir de négociation face aux défendeurs, il a enfin ce rôle dissuasif qui permettrait de soutenir l'autorégulation qui commence à se développer au sein de toutes les entreprises, en obligeant les sociétés multinationales à une plus grande vigilance et une plus grande transparence.
D'ailleurs, une telle inquiétude devrait encourager la nécessité de mettre en place une procédure de recours soigneusement encadrée, telle que préconisée dans le rapport parlementaire «de la conso méfiance à la conso confiance », remis au Premier Ministre en
juillet 2003.
Dans ce dernier, il est clairement démontré que l'on assiste en Europe à une généralisation du mouvement en faveur des recours collectif, comme en témoigne encore dernièrement le Livre Vert de Neelie KROES, commissaire en charge de la Concurrence, sur les demandes d'indemnisation pour infraction aux règles de concurrence de l'Union Européenne.
La raison et l'ambition politique commandent que l'on anticipe la question afin de mieux l'encadrer, et non d'attendre une directive européenne que l'on s'empressera de dénoncer comme étant encore une atteinte à l'indépendance politique de la France.
L'instauration d'un recours collectif ne répond pas à un caprice qui suivrait la mode du tout-juridique, mais à un constat fort: les consommateurs, isolés et démunis, sans recours possible pour faire valoir leurs droits, sont découragés. Qui, en effet, irait engager une action en justice pour un préjudice de quelques dizaines d'euros ?
Il est de plus en plus illusoire de penser que la France pourra demeurer encore longtemps à l'écart d'un mouvement général qui touche progressivement l'ensemble des pays développés. Le temps est venu de mettre en place, dans la sérénité et en l'encadrant strictement un mode de recours collectif qui répond à des besoins réels plutôt que de la subir sous la pression des événements.
La présente proposition de loi vise à instaurer un recours collectif pour les consommateurs orchestré au tour de quatre règles simples: en premier lieu, empêcher les demandes abusives, en limitant l'accès au recours aux associations agréées et en confiant au juge le contrôle préalable à l'instance. Deuxièmement, le juge précisera les mesures de publicité pour rechercher les victimes concernées. Ensuite, en dessous d'un certain montant de dommage, les consommateurs pourraient être automatiquement associés par défaut à l'action des associations, au dessus de ce montant, il faudrait effectuer une démarche volontaire pour participer. Enfin, la gestion des créances sera assurée par le tribunal lui-même.
Il semble inévitable et responsable, à la lumière de l'actualité récente, mais également dans la droite ligne du souhait exprimé par le Président de la République en janvier 2005 et en réponse aux appels légitimes des associations de consommateurs, que le législateur prenne ses responsabilités et crée une procédure de recours collectif en France, pour une plus grande protection du consommateur, c'est-à-dire de chacun d'entre nous.
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