Déposé le 16 décembre 2013 par : M. Paul, Mme Lemaire.
Supprimer cet article.
Cet article présente un risque d'inconstitutionnalité.
L'article 4 de la Loi pour la Confiance dans l'Économique Numérique (LCEN) traite en effet de la responsabilité des hébergeurs. Il transpose le 1. de l'article 14 de la directive 2000/31/CE «sur le commerce électronique», qui dispose que :
«Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que: a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente ou b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible. 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire. 3. Le présent article n'affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d'exiger du prestataire qu'il mette un terme à une violation ou qu'il prévienne une violation et n'affecte pas non plus la possibilité, pour les États membres, d'instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l'accès impossible.»
L'article 4 a fait l'objet en 2004 d'intenses débats puis d'une saisine par 60 députés et 60 sénateurs. Dans sa décision, le Conseil Constitutionnel avait apporté une importante réserve d'interprétation dans le 9ème considérant de sa décision :
« Considérant que les 2 et 3 du I de l'article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d'écarter la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu'ils envisagent ; que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge ; que, sous cette réserve, les 2 et 3 du I de l'article 6 se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises du 1 de l'article 14 de la directive susvisée sur lesquelles il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer ; que, par suite, les griefs invoqués par les requérants ne peuvent être utilement présentés devant lui ; »
En toute logique, le Conseil Constitutionnel devrait donc à nouveau censurer tout élargissement de la responsabilité de l'hébergeur, tant on peut douter de la capacité de ce dernier à juger du caractère «manifeste» de bien des discriminations entre les hommes et les femmes. Bien que ces dernières soient réelles et sérieuses et justifient pleinement que le Parlement légifère sur cette question, nous ne souhaitons pas confier ce rôle de censeur à des sociétés privées. Hors des cas les plus patents, tels que la pédopornographie ou l'apologie de crimes contre l'humanité, il est essentiel qu'une autorité judiciaire indépendante ordonne ce retrait.
La société de l'information a profondément évolué ces dernières années. L'usage des «services» Internet est devenu massif. Les communications électroniques sont désormais essentielles à l'exercice des libertés fondamentales, à commencer par la liberté d'expression.
Nous déplorons déjà aujourd'hui la censure opérée par certains opérateurs privés, comme Apple ou Facebook. Ce dernier a encore récemment supprimé une photo de mammographie ou encore une copie de «L'origine du monde» de Courbet, selon des critères pour le moins arbitraire au regard de notre culture et de nos lois. N'accroissons pas encore le pouvoir de censure d'opérateurs privés. Il ne faut donc envisager de modifier les équilibres actuels qu'en prenant le temps d'une réflexion approfondie, d'une large consultation et d'un grand débat.
La présidente de la CNIL a d'ailleurs également récemment appelé à ouvrir un tel débat, en estimant que la législation actuelle atteint ses limites. Tout comme elle, les auteurs de l'amendement considère qu'il faut repenser notre pacte social sur Internet. Les révélations d'Edward Snowden ont, en effet, très sérieusement ébranlé la confiance tant dans les acteurs privés que dans la puissance publique. Nous ne pouvons pas faire aujourd'hui l'économie d'une approche globale. Aussi, nous demandons la suppression de cet article afin d'intégrer les réflexions sur son objet à une grande loi sur les libertés numériques.
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