Amendement N° CF6 (Non soutenu)

Loi de finances pour 2014

(1 amendement identique : 61 )

Déposé le 10 décembre 2013 par : M. Carrez.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Cet article vise à étendre le champ de l'abus de droit aux actes qui ont « pour motif principal » d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales au lieu d'un motif exclusivement fiscal. Cette disposition s'appliquerait aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2016.

La rédaction actuelle de l'article L.64 du LPF permet de sanctionner (remise en cause du schéma + pénalité de 80%) les montages à but « exclusivement » fiscal. Il est vrai que cette notion a pu être contournée par certaines entreprises peu citoyennes en ajoutant une « pincée » d'autres motifs (motif économique, commercial, …) pour contourner l'esprit et la lettre de la loi.

On peut donc concevoir que le législateur souhaite faire évoluer le texte pour retenir une notion de but « essentiellement / principalement » fiscal, comme cela existe déjà dans d'autres pays. Il n'en demeure pas moins que cette nouvelle notion est  particulièrement imprécise, alors qu'une abondante jurisprudence sur l'abus de droit dans sa version actuelle (« exclusivement ») donnait une vision correcte aux entreprises de ce que l'administration entendait faire.

Dans l'attente de précisions jurisprudentielles sur la nouvelle notion (il faudra attendre une durée de l'ordre de 10 ans pour y voir plus clair vu les délais de procédure Tribunal administratif + Cour ad. d'appel + Conseil d'Etat), les entreprises seront dans un flou juridique qui est toujours préjudiciable.

Plus encore, vouloir obliger le Conseil d'État ou la Cour de cassation, qui ont à juger l'abus de droit, à ne plus appliquer en matière fiscale le concept de fraude à la loi peut paraître à bien des égards utopique.

En effet, pour apprécier si le seul motif d'une opération est fiscal, le Conseil d'État compare l'avantage économique et l'avantage fiscal retirés respectivement par le contribuable de l'opération critiquée. Si l'avantage fiscal est prépondérant par rapport à l'avantage économique, il considère que le contribuable a été inspiré par un motif exclusivement fiscal. Cette jurisprudence a d'ailleurs été récemment confirmée dans l'affaire dite des « coquillards » le 17 juillet dernier.

Ainsi, pour qu'un montage ne soit pas artificiel, il ne suffit pas qu'il présente un intérêt économique pour l'opérateur, si faible soit-il, il faut encore que cet avantage économique soit prépondérant par rapport à l'avantage fiscal.

Enfin, compte tenu de la nature pénale de la sanction attachée au régime de l'abus de droit (majoration de 80 %), il est indispensable de préserver la sécurité juridique des contribuables. Le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans sa jurisprudence : la pénalité de 80 % présente bien le caractère de « punition ».

Dans ces conditions, la jurisprudence du Conseil constitutionnel pose une exigence de clarté de l'infraction au titre du principe de légalité des délits et des peines. Ainsi, le champ d'application de l'abus de droit doit être suffisamment clair et précis afin notamment d'exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines.

Or, la nouvelle définition de l'abus de droit qui vise à caractériser d'actes abusifs ceux poursuivant un but « principalement fiscal » donne des marges d'appréciation et de subjectivité significatives contraires au principe de légalité des délits et des peines prévu par la Constitution.

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