Déposé le 3 juin 2014 par : M. Tourret, M. Schwartzenberg, M. Carpentier, M. Chalus, M. Charasse, Mme Dubié, M. Falorni, M. Giacobbi, M. Giraud, Mme Hobert, M. Krabal, M. Jérôme Lambert, M. Moignard, Mme Orliac, M. Robert, M. Saint-André.
Après l'alinéa 16, insérer les cinq alinéas suivants :
« Iter. – Après l'article 708 du même code, il est inséré un article 708‑1 ainsi rédigé :
« Art. 708‑1. – Le procureur de la République ou le juge de l'application des peines prennent toutes les dispositions utiles afin qu'aucune femme enceinte ne puisse être placée ou maintenue en détention au-delà de la douzième semaine de grossesse. Cette disposition ne concerne pas les crimes. Elle ne concerne pas non plus les délits commis contre les mineurs. Durant cette période, la peine est suspendue. » .
« Iquater. – L'article 720‑1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le seuil de deux ans prévu au premier alinéa est porté à quatre ans lorsque la suspension s'applique à une femme enceinte de plus de douze semaines. » .
« Iquinquies. – Le premier alinéa de l'article 729‑3 du même code est complété par les mots : « ou lorsqu'il s'agit d'une femme enceinte de plus de douze semaines ». ».
1 - Actuellement les femmes représentent moins de 4 % - 3,3 % en janvier 2013, soit 2215 femmes - de la population carcérale.
Il existe 1794 places en quartier « femmes » dont 72, soit 4,3 % réservées aux femmes avec enfant. 25 établissements pénitentiaires ont aménagé une ou deux cellules pouvant accueillir les mères et leurs enfants.
Il y aurait tous les ans environ 50 enfants de moins de 18 mois vivant dans les prisons françaises selon les règles définies par l'article 401 du code de procédure pénale et de la circulaire du 16 août 1999. En 2014, il y aurait actuellement 26 enfants âgés de moins de 18 mois vivant en prison. Sur les trois dernières années, il y a eu 146 enfants de moins de 18 mois vivant en prison du fait de l'incarcération de leur mère. Le temps moyen passé en prison pour un bébé est de 4 à 5 mois, ils sortent le plus souvent en même temps que leur mère. En Europe, ce sont 500 nourrissons qui vivent en détention.
L'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant des Nations Unies du 20 novembre 1989 rappelle que : « les états parties veillent à ce que les enfants ne soient pas séparés de ses parents contre leur gré ».
Dès 2010, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son rapport annuel, souhaitait que soit engagée une réflexion sur l'aménagement des peines des mères détenues avec des enfants ou sur la suspension de peine pendant la maternité. Aucune avancée n'a eu lieu depuis ce rapport. C'est pourquoi Monsieur Jean-Marie DELARUE fut amené dans son avis du 8 août 2013 à revenir sur ces propositions.
Il rappelle que la détention des mères avec leurs enfants n'est qu'un palliatif visant à concilier l'inconciliable : « la présence d'une enfant auprès de sa mère et le caractère insupportable de la présence d'un jeune enfant en prison ».
Dans sa recommandation 1469 du 30 juin 2000, le conseil des ministres du Conseil de l'Europe a estimé « que les prisons ne constituent pas un environnement approprié pour les bébés et les jeunes enfants » mais il rappelle aussi, comme le soulignent les experts, qu'une séparation précoce avec la mère engendre chez l'enfant des difficultés durables pour ce dernier.
En prison, les liens qui se créent entre la mère et l'enfant sont d'autant plus forts et fusionnels que la mère passe énormément de temps seule avec l'enfant. L'épanouissement de l'enfant est entravé par la détention, notamment lorsque l'enfant prend conscience de l'enfermement à partir de 10 mois environ.
Tomber enceinte ou être enceinte est une épreuve supplémentaire pour les femmes qui se voient transférées dans un autre établissement si celui où elles sont incarcérées ne dispose pas de places spécifiques pour l'accueil des femmes enceintes. Une femme enceinte va également être mise à part, séparée des autres détenues, ce qui créé un isolement de la future mère.
Être enfermée pendant sa grossesse peut également avoir des conséquences sur le déroulement de celle-ci puisque les craintes classiques des femmes enceintes sont amplifiées à cause de l'incarcération.
Certaines détenues relatent le stress qu'elles vivent la nuit, la peur d'avoir des contractions ou de perdre les eaux en cellule pendant la nuit et de ne pas être entendues. Il semblerait par ailleurs que certaines femmes aient été menottées pendant l'accouchement.
Une étude menée au Royaume-Uni a démontré la réalité de l'effet nuisible de l'enfermement sur le comportement des enfants qui ont été portés par leur mère en prison. Il est incontestable que l'enfant porté par sa mère alors que celle-ci est emprisonnée est une victime collatérale de l'emprisonnement.
2 - Une femme enceinte doit pouvoir porter son enfant en dehors de tout lieu d'incarcération, pour un principe d'humanité évident.
Il appartiendra au juge compétent de prendre toutes dispositions utiles à ce sujet, comme l'indiquera de façon expresse le nouvel article 708‑1 du code de procédure pénale.
Cette disposition ne sera pas applicable aux femmes qui ont commis des crimes. Elle ne sera pas non plus applicable aux femmes ayant commis des délits à l'encontre d'enfants mineurs.
Pour permettre aux magistrats compétents d'appliquer ce nouveau principe, les disposition de la libération conditionnelle parentale applicables aux peines de quatre ans, prévues par l'article 729‑3, sont élargies aux femmes enceintes, et dans cette hypothèse le délai permettant une suspension de peine est porté de deux à quatre ans.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.