Déposé le 21 juillet 2014 par : Mme de La Raudière, M. Poisson.
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 8231‑1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 8231‑1. – Constitue le délit de marchandage l'opération constitutive d'un prêt illicite de main-d'œuvre qui a pour conséquence de causer un préjudice au salarié qu'il concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail. ».
2° Le premier alinéa de l'article L. 8241‑1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'œuvre est interdite.
« Constitue un prêt de main-d'œuvre illicite au sens du présent article toute mise à disposition de personnel à but lucratif impliquant l'abandon général au profit de la société utilisatrice de la direction du personnel et de la conduite de l'exécution de la prestation. » ;
3° Le cinquième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« 3° De prestations de services entraînant la mise à disposition de personnel et exécutées sous la responsabilité du prestataire employeur. ».
L'objet de cet amendement est de modifier ensemble les articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail afin de permettre de mieux identifier les infractions en cas de prêt de main-d'œuvre illicite et de délit de marchandage. L'imprécision juridique de ces deux notions a pour conséquence de faire peser un risque pénal sur chaque chef d'entreprise de services, alors même qu'aucune infraction n'est commise.
Cet amendement a pour but de contribuer à libérer l'économie des entreprises prestataires de services, tout en renforçant la protection des salariés et des employeurs en définissant plus précisément les situations illicites justifiant une sanction.
Le prêt de main-d'œuvre illicite est actuellement défini comme étant toute opération à but lucratif ayant pour seul objet le prêt de salarié.
Le délit de marchandage est actuellement défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'œuvre qui a pour conséquence de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou conventionnelles.
Toutes les entreprises prestataires de services (forces de vente, nettoyage, accueil, gardiennage, informatique, maintenance, sous-traitance en général) sont amenées à mettre à disposition leur personnel auprès d'une société cliente. L'inspecteur du travail, les syndicats, le personnel peuvent, sur le fondement des articles précités, saisir le juge pénal pour que l'entreprise prestataire de service et l'entreprise cliente soient condamnées pour les délits de marchandage et/ou de prêt de main-d'œuvre illicite.
L'imprécision actuelle des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail ne permet pas une application prenant en compte l'évolution et la complexité accrue des tâches développées par les entreprises prestataires de services.
La généralité et l'imprécision du contenu de ces articles sont à l'origine de nombreux contentieux à l'occasion desquels des sous-traitants ou prestataires de services ont été soit condamnés pénalement, civilement, soit au contraire relaxés après de longues et injustes poursuites.
Cette situation fait peser un risque anormal sur l'entrepreneur prestataire de services, ce qui justifie de donner une définition des éléments constitutifs du prêt de main-d'œuvre illicite, tout en préservant la possibilité pour le salarié de poursuivre pénalement l'employeur, lorsqu'une infraction est réellement commise.
Dans cet esprit, il convient de préciser les éléments constitutifs du prêt de main-d'œuvre illicite et de limiter le délit de marchandage à l'infraction de ce prêt de main-d'œuvre illicite ainsi précisée qui entraîne pour les salariés un préjudice particulier.
À titre d'exemple, un prestataire de services pourra être condamné conjointement avec le donneur d'ordre pour l'infraction relative au délit de prêt de main-d'œuvre illicite alors même que cette entreprise bénéficie d'un savoir spécifique et qu'elle encadre ses salariés dans l'exercice d'une mission bien définie contractuellement. En effet, le simple fait que les salariés mis à disposition tentent d'opérer une confusion et invoquent des faits isolés que l'on peut qualifier de dérapages, peut aboutir à une condamnation du chef d'entreprise devant une juridiction répressive compte tenu du caractère imprécis de l'infraction.
Une illustration tout aussi pertinente, relève du fait que les salariés du prestataire de services peuvent alors même que l'opération de prêt de main-d'œuvre est licite, obtenir la condamnation de leur employeur pour délit de marchandage. Il suffit tout simplement que les intéressés démontrent qu'ils bénéficient de moins d'avantages que ceux des salariés du donneur d'ordres pour arriver à obtenir cette condamnation alors même que leur situation est différente et que leur employeur applique l'ensemble des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles.
Par ailleurs, l'objet de cet amendement est aussi de faire correspondre les textes de loi avec la jurisprudence actuelle qui, au fil des années, a heureusement défini les situations où des prestations de service ne relevaient pas de ces infractions.
Le 1° propose de lier le délit de marchandage à la réalisation du prêt de main-d'œuvre illicite, dès lors que celui-ci entraîne un préjudice particulier pour le salarié c'est-à-dire s'il a pour objet et effet d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif.
Les 2° et 3° proposent donc de mieux définir le prêt de main-d'œuvre illicite en précisant les conditions dans lesquelles il est constitué : il est désormais caractérisé par l'abandon général de la direction du personnel et de la conduite de l'exécution de la prestation au profit de la société utilisatrice. Est exclue de son périmètre la prestation de service impliquant la mise à disposition de personnel et exécutée sous la responsabilité du prestataire de service.
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