Déposé le 18 novembre 2014 par : M. Urvoas.
I.- Après l'article 124 du Règlement, il est inséré un chapitre XIIbis ainsi rédigé :
Chapitre XIIbis : Propositions de loi présentées en application de l'article 11 de la Constitution
Art. 124‑1. Les propositions de loi présentées par des membres du Parlement en application de l'article 11 de la Constitution sont examinées, discutées et votées selon la procédure législative prévue par la première partie du présent titre sous réserve des dispositions particulières de la Constitution, des dispositions législatives prises pour leur application et de celles du présent chapitre qui leur sont applicables.
Art. 124‑2. Les propositions de loi présentées en application de l'article 11 de la Constitution enregistrées à la Présidence sont déposées dans les conditions prévues à l'article 81.
Art. 124‑3. Dès le dépôt d'une proposition de loi, le Président la transmet au Conseil constitutionnel en vue du contrôle prévu au quatrième alinéa de l'article 11 et du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution.
Cette transmission a pour effet de suspendre la procédure d'examen de la proposition de loi jusqu'à la publication auJournal officielde la décision du Conseil constitutionnel déclarant si la proposition de loi a obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.
Cette transmission a pour effet d'interdire le retrait de la proposition de loi, dans les conditions prévues à l'article 84, alinéa 2, jusqu'à la publication auJournal officiel de la décision du Conseil constitutionnel déclarant que la proposition de loi n'a pas obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.
Art. 124-4. Les propositions de loi présentées en application de l'article 11 de la Constitution ne peuvent faire l'objet d'une motion mentionnée à l'article 91, alinéa 6.
Art. 124-5. En cas de rejet par l'Assemblée nationale, en première lecture, d'une proposition de loi mentionnée à l'article 124-2, le Président en avise le Président du Sénat et lui transmet le texte initial de la proposition de loi.
II.- Le chapitre XIIbis, dans sa rédaction issue de la présente résolution, entre en vigueur à compter du 1er janvier 2015.
Cet amendement tend à tirer les conséquences des lois du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution (loi organique n° 2013‑114 et loi n° 2013‑1116), ainsi que de la décision du Conseil constitutionnel du 5 décembre 2013 (n° 2013‑681 DC).
À l'article 124‑1, il est pris acte de ce que des propositions de loi d'un nouveau type peuvent être déposées par « des membres du Parlement », c'est-à-dire des députés et/ou des sénateurs (au moins un cinquième d'entre eux). Elles seraient alors régies par les règles habituelles applicables aux propositions de loi, sous réserve des dispositions spécifiques ici proposées.
L'article 124-2 précise les conditions de dépôt des propositions de loi enregistrées à la Présidence de l'Assemblée nationale, ce qui a en particulier pour conséquence de préciser qu'elles seront soumises aux mêmes règles de recevabilité financière que les propositions de loi habituelles. Elles seront donc contrôlées formellement au dépôt par la délégation du Bureau, en application de l'article 89, alinéa 1er, du Règlement (auquel renvoie l'article 81). Cette solution semble conforme à la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2013‑681 DC : « la recevabilité des propositions de loi au regard de [l'article 40] doit être examinée systématiquement lors de leur dépôt ; (…) il ne saurait être dérogé à cette exigence pour le dépôt des propositions de loi présentées en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution » (cons. 8). La recevabilité financière sera, en tout état de cause, systématiquement contrôlée ensuite par le Conseil constitutionnel : « le Conseil constitutionnel sera appelé à se prononcer, dans les conditions fixées par l'article 2 de la présente loi organique, sur la conformité à la Constitution d'une telle proposition de loi avant toute discussion devant les assemblées ; (…) il lui appartiendra d'examiner à ce stade sa conformité à l'article 40 de la Constitution même si la question de sa recevabilité financière n'a pas été soulevée au préalable » (ibid.).
L'article 124‑3 prévoit la saisine obligatoire du Conseil constitutionnel par le Président de l'Assemblée nationale, conformément à l'article 1er, alinéa 2, de la loi organique du 6 décembre 2013, afin de vérifier la recevabilité et la constitutionnalité de la proposition de loi.
Il précise également, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision 2013‑681 DC, cons. 8), que la saisine de ce dernier entraîne la suspension de la procédure d'examen parlementaire de la proposition de loi. Celle-ci ne pourra, éventuellement, être entamée que si le Conseil constitutionnel a jugé la proposition de loi recevable et conforme à la Constitution et que si la période de recueil des soutiens des électeurs est terminée (ce qui donne lieu à une seconde décision du Conseil constitutionnel, relative au nombre de soutiens obtenus). Si un dixième des électeurs ont apporté leur soutien, la phase parlementaire de la procédure d'initiative partagée s'engage ; si ce nombre n'a pas été atteint, la proposition de loi peut malgré tout être examinée au Parlement dans les conditions de droit commun (décision 2013‑681 DC, cons. 34).
En outre, par dérogation à l'article 84, alinéa 2, selon lequel une proposition de loi peut être retirée à tout moment avant son adoption en première lecture par son auteur ou par le premier signataire, l'article 124-3 pose l'interdiction de retirer la proposition de loi. Il s'agit là aussi d'une exigence posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2013‑681 DC précitée (cons. 9 et 33) : il n'est possible ni de dessaisir le Conseil constitutionnel avant qu'il prononce sa première décision, ni d'empêcher le recueil des soutiens populaires, ni de faire obstacle à l'examen parlementaire d'une proposition de loi ayant recueilli le soutien d'un dixième des électeurs. Le retrait redevient possible, en revanche, si la proposition de loi a recueilli le soutien de moins d'un dixième des électeurs.
L'article 124-4 interdit le dépôt d'une motion de renvoi en commission à l'encontre d'une proposition de loi présentée en application de l'article 11 de la Constitution. Cette interdiction vaudrait tant pour l'examen d'une proposition de loi enregistrée à l'Assemblée nationale que pour celui d'une proposition de loi enregistrée au Sénat, examinée par ce dernier et transmise à l'Assemblée nationale.
Cette interdiction permettrait, d'une part, de simplifier la discussion parlementaire de ces propositions de loi (en réduisant les différents cas de figure susceptibles de se présenter devant chacune des deux assemblées : voir le tableau ci-dessous) et, d'autre part, de supprimer une dissymétrie quant aux effets de l'adoption d'une telle motion selon qu'elle intervient devant la première ou la seconde chambre saisie :
– si le renvoi en commission est adopté par lapremière chambre et que le texte ne revient pas ensuite en séance, l'écoulement du délai de six mois prévu à l'article 9 de la loi organique du 6 décembre 2013 entraîne un référendum (la seconde chambre n'ayant pas pu examiner le texte) ;
– si le renvoi en commission est adopté par laseconde chambre et que le texte ne revient pas ensuite en séance, le référendum est au contraire évité (la seconde chambre ayant bien examiné le texte, même si elle ne l'a ni adopté ni rejeté).
Première assembléeDeuxième assembléeConséquences
Absence d'inscription à l'ordre du jour–Référendum
Adoption d'une motion de renvoi en commission, non suivie d'un nouveau rapport et d'une reprise du débat en séance–Référendum
Rejet au fond ou par adoption d'une motion de rejet préalable (AN), d'une question préalable ou d'une exception d'irrecevabilité (Sénat)Absence d'inscription à l'ordre du jourRéférendum
Rejet au fond ou par adoption d'une motion de rejet préalable (AN), d'une question préalable ou d'une exception d'irrecevabilité (Sénat)AdoptionPas de référendum ; poursuite de la navette
Rejet au fond ou par adoption d'une motion de rejet préalable (AN), d'une question préalable ou d'une exception d'irrecevabilité (Sénat)Rejet au fond ou par adoption d'une motion de rejet préalable (AN), d'une question préalable ou d'une exception d'irrecevabilité (Sénat)Pas de référendum ; fin de la procédure
Rejet au fond ou par adoption d'une motion de rejet préalable (AN), d'une question préalable ou d'une exception d'irrecevabilité (Sénat)Adoption d'une motion de renvoi en commission, non suivie d'un nouveau rapport et d'une reprise du débat en séanceRéférendum
AdoptionAbsence d'inscription à l'ordre du jourRéférendum
AdoptionAdoption dans les mêmes termesPas de référendum ; éventuelle saisine du Conseil constitutionnel ; promulgation de la loi
AdoptionAdoption dans des termes différentsPas de référendum ; poursuite de la navette
AdoptionRejet au fond ou par adoption d'une motion de rejet préalable (AN), d'une question préalable ou d'une exception d'irrecevabilité (Sénat)Pas de référendum ; poursuite de la navette
AdoptionAdoption d'une motion de renvoi en commission, non suivie d'un nouveau rapport et d'une reprise du débat en séancePas de référendum ; suspension de la navette
À la différence des autres dispositions du présent amendement, cette interdiction des motions de renvoi en commission n'est pas une exigence constitutionnelle ou législative. Elle n'aurait de sens que si elle était également prévue dans le Règlement du Sénat.
Enfin, l'article 124-5 reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'article 9 de la loi organique du 6 décembre 2013 (« en cas de rejet de la proposition de loi en première lecture par la première assemblée saisie, son président en avise le président de l'autre assemblée et lui transmet le texte initial de la proposition de loi »), qui dérogent à l'article 115, alinéa 2, du Règlement.
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