Amendement N° SPE1761 (Adopté)

Croissance activité et égalité des chances économiques

Déposé le 12 janvier 2015 par : M. Ferrand, Mme Untermaier. Castaner. Grandguillaume. Robiliard. Savary. Tourret. Travert.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

I. Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462‑11 ainsi rédigé :

«  Art. L. 462‑11. – L'Autorité de la concurrence rend au ministre de la Justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
«  Elle fait toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans la perspective d'augmenter de façon progressive le nombre de ces offices. Ces recommandations sont rendues publiques tous les deux ans.
«  À cet effet, elle identifie le nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ainsi que le nombre d'associations, au sein des offices existants, de personnes répondant aux conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommées par le ministre de la Justice en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret et prenant notamment en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions.
«  Les recommandations relatives au nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ainsi qu'au nombre d'associations au sein des offices existants permettent une augmentation progressive du nombre d'offices à créer et du nombre de personnes à nommer en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants.
«  Lorsque l'Autorité de la concurrence délibère au titre du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »

II. L'article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'Ordre, est ainsi rédigé :

«  Art. 3. – I. – Dans la limite des besoins identifiés par l'Autorité de la concurrence dans les conditions prévues à l'article L. 462‑11 du code de commerce, le ministre de la Justice ne peut refuser une demande de création d'office d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation présentée par une personne remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommée en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
«  Si, dans un délai de six mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence mentionnées au même article L. 462‑11, le ministre de la Justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d'office ou d'associations au sein des offices existants au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d'intérêt en vue d'une nomination dans un office.
«  Un décret précise les conditions dans lesquelles le ministre de la Justice nomme dans un office les personnes remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommées en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
«  II. – Lorsque la création d'un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d'un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.
«  La valeur patrimoniale de l'office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d'exercice de la profession avant la création du nouvel office.
«  En cas de désaccord sur le montant ou sur la répartition de l'indemnisation, les parties peuvent saisir le juge de l'expropriation qui fixe le montant de l'indemnité dans les conditions définies au chapitre III du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
«  La demande d'indemnisation doit être accompagnée d'une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.
«  La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l'indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d'exercer ses fonctions avant l'expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.
«  III. – Les conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont fixées par décret. Seules peuvent accéder à cette profession les personnes ayant suivi la formation prévue par ce décret et ayant subi avec succès l'examen d'aptitude prévu par ce même décret. »

Exposé sommaire :

Le présent amendement vise à étendre à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation la libéralisation des conditions d'installation des autres officiers ministériels à laquelle procède l'article 17 du projet de loi.

En effet, en 2013, d'après les indications des représentants de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, la juridiction suprême de l'ordre judiciaire a jugé près de 28 719 affaires et s'est prononcée sur 333 questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), tandis que la juridiction suprême de l'ordre administratif a jugé 10 143 affaires et a traité 157 QPC. Au total, ce sont donc près de 40 000 pourvois qui ont été soutenus devant les cours suprêmes françaises l'an passé.

L'augmentation exponentielle du nombre des pourvois, encore récemment dénoncée (voir notamment l'article de MM. Denys de Béchillon et Marc Guillaume, « La régulation des contentieux devant les cours suprêmes. Enseignements des réformes étrangères et perspectives françaises »,JCPG, n° 46‑47, 10 novembre 2014, doctrine 1194), montre bien que le filtrage qu'exerceraient les quelque 108 avocats aux conseils soit ne fonctionne pas soit ne suffit pas.

Le nombre d'offices ministériels d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation est resté fixé à 60 depuis 1817 – et ce, malgré la « suppression dunumerus clausus » par un décret du 23 avril 2009 qui a permis au garde des Sceaux de créer davantage d'office. L'article 15 de ce décret a en effet modifié l'article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 pour permettre au garde des Sceaux de créer, par arrêté, « de nouveaux offices d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour des motifs tenant à la bonne administration de la justice, au vu notamment de l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions, après avis du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation et du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ». Or jusqu'à présent, cette faculté n'a pas été utilisée par le ministre de la Justice.

Un décret du 5 juin 2013 a porté de trois à quatre le nombre maximal d'associés au sein d'une société civile professionnelle d'avocats aux conseils. À ce jour, un seul office a fait usage de cette faculté nouvelle.

Face au « malthusianisme » qui caractérise la profession d'avocat aux conseils, vos rapporteurs estiment nécessaire de libéraliser les conditions d'installation de ces officiers ministériels :

1° en confiant à l'Autorité de la concurrence une compétence nouvelle (et complémentaire de celle qui lui serait reconnue pour les notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires), consistant à formuler, tous les deux ans, des recommandations qui, rendues publiques, viseraient à améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans la perspective de développer de façon progressive le nombre de ces offices ;

2° en imposant au ministre de la Justice de créer des offices d'avocat aux conseils dans la limite des besoins identifiés par l'Autorité de la concurrence en vertu de l'article L. 462‑11 [nouveau] du code de commerce ;

3° en imposant au garde des Sceaux de notifier aux offices existants la nécessité de proposer des associations aux personnes répondant aux conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommées en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ;

4° en permettant au garde des Sceaux de créer des offices si, dans un délai de six mois suivant la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence, il constate un nombre insuffisant de demandes de créations d'office ou d'associations au sein des offices existants au regard des besoins identifiés ;

5° en assortissant l'ensemble du dispositif de libéralisation des conditions d'installation des avocats aux conseils d'un mécanisme d'indemnisation du préjudice patrimonial causé aux offices existants – mécanisme qui reposerait sur les titulaires des offices nouvellement créés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.

Inscription
ou
Connexion