Déposé le 14 janvier 2015 par : M. Ferrand.
La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères est ainsi modifiée :
1° À l'article premier les mots : « et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d'une personne morale y ayant son siège ou un établissement » sont remplacés par les mots : « ou à toute personne morale y ayant son siège, ou son établissement principal, ou une agence, succursale ou filiale » ;
2° Au même article, les mots : « la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public, précisés par l'autorité administrative en tant que de besoin » sont remplacés par les mots : « l'ordre public ou aux intérêts fondamentaux de la nation ».
3° À l'article 1bis, les mots : « et règlements » ainsi que « de demander, de rechercher ou » sont supprimés.
4° À l'article 2, les mots : « ministre compétent » sont remplacés par « premier ministre ou son délégué ».
5° Au même article, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret précise les modalités de mise en œuvre de l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent. »
6° Après le mot : « punie », la fin de l'article 3 est ainsi rédigée : « de 3 ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. »
Comme l'a rappelé le rapport de la Délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2014, l'espionnage économique emprunte aussi des voies légales. « En effet, dans nos sociétés contemporaines, le droit est une arme d'une redoutable efficacité, qu'il soit détourné afin par exemple de voler des savoir-faire (notamment à l'occasion de contentieux déclenchés à cette fin) ou qu'il soit au contraire pensé comme un puissant instrument de prédation » (p. 39).
Or, pour se prémunir contre cette ingérence légale, il convient d'adapter notre législation. Dans cet esprit, le présent amendement tend à modifier, dans un but de clarification et de simplification, la loi n° 68-678 modifiée du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères. Parfois improprement appelée « loi de blocage », cette loi adoptée en 1968 puis modifiée en 1980, est en réalité une loi de procédure : elle est destinée essentiellement à aiguiller vers la procédure de la commission rogatoire internationale les avocats étrangers qui cherchent à se faire communiquer des pièces et renseignements en vue de cibler les actions en justice qu'ils comptent mener à l'encontre de la personne ciblée.
La présente loi rappelle donc que la commission rogatoire internationale, mise en œuvre par un juge, est le mode choisi par notre pays pour la collecte de preuves au plan international telle que régie notamment en matière civile et commerciale par la Convention de la Haye du 18 mars 1970 ratifiée par la France. Le recours à cette procédure, grâce à l'intervention d'un juge, permet d'éviter les demandes abusives entraînant des transferts d'informations tous azimuts et sans nécessairement de liens avec le litige en cours ou envisagé (ces demandes sont connues sous le vocable de « fishing expeditions » ou « pêches aux renseignements »)
Eu égard à la multiplication des procédures étrangères à l'occasion desquelles nos entreprises sont contraintes de communiquer des volumes de plus en plus considérables de documents dématérialisés, il importe de confirmer l'applicabilité de la loi de 1968 tout en renforçant son intelligibilité pour renforcer la sécurité juridique de ceux qui sont objets de demandes du type du discovery.
Dans cette perspective, le présent amendement poursuit plusieurs objectifs :
- Dans un but de clarification de l'article 1er, il est précisé que les dispositions de l'article visent les personnes physiques mais aussi les personnes morales ayant leur siège ou leur établissement principal, une agence, succursale ou filiale en France. En effet, les notions de « dirigeant, représentant, agent ou préposé d'une personne morale » prêtaient à confusion, d'autant qu'aujourd'hui les personnes morales peuvent se voir infliger en tant que telles les sanctions pénales prévues pour violation de la loi de 1968 (le code pénal reconnaissant depuis 1994 la responsabilité pénale des personnes morales.)
- La deuxième modification proposée pour l'article 1er a trait aux motifs pour lesquels une personne doit s'opposer à une demande directe de transferts d'informations à des autorités administratives ou judiciaires étrangères. Ces motifs sont réduits au nombre de deux et renvoient à des notions précises et connues de la jurisprudence. D'une part, le refus de transmission directe d'informations peut se fonder sur l'ordre public, une notion familière aux juridictions françaises qui refusent l'exequatur des jugements étrangers non conformes à l'ordre public international français (ex. pas de garanties d'un procès équitable dans certains Etats). D'autre part, le refus de transfert d'informations pourra se fonder sur le risque d'atteinte aux « intérêts fondamentaux de la nation » tels qu'entendus par l'article 410-1 du code pénal.
- L'amendement propose également de lever, au sein de l'article 1 bis, la réserve de l'existence de règlements permettant de déroger à la loi en raison de son risque d'inconstitutionnalité.
- Au sein du même article, il est aussi proposé de supprimer l'incrimination des personnes qui demandent ou recherchent à se faire communiquer directement des preuves. Comment reprocher en effet à des avocats étrangers de faire usage du discovery en adressant des demandes d'informations, fussent-elles d'un volume considérable, à des entreprises en France ? Comme la Cour du Delaware le souligne, dans un arrêt du 21 février 2014, il est autant logique que les Américains considèrent le discovery comme le meilleur système de collecte des preuves qu'il est normal que les Français portent le même jugement appréciatif sur le système de la commission rogatoire internationale.
- Le présent amendement précise par ailleurs, à l'article 2, l'obligation pour les personnes objets de demandes de discovery d'informer sans délai le Premier ministre ou son délégué. Il prévoit qu'un décret vienne détailler les modalités de dépôt de la demande et de son instruction. Naturellement, la Délégation interministérielle à l'intelligence économique, placée auprès du Premier ministre, pourrait centraliser les déclarations et apporter le soutien nécessaire aux entreprises françaises confrontées à ces procédures.
- Enfin, le présent amendement vise à renforcer les peines encourues par les entreprises qui violeraient cette loi. Il s'agit tout à la fois de protéger le patrimoine stratégique de notre pays et de doter cette loi de peines réellement dissuasives pour le monde économique afin d'asseoir sa crédibilité aux yeux des juridictions étrangères qui accepteront ainsi son application.
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