Déposé le 15 février 2015 par : M. Le Fur, M. Aboud, Mme Ameline, Mme Arribagé, M. Aubert, M. Berrios, M. Bertrand, M. Censi, M. Cinieri, M. Darmanin, M. Delatte, M. Foulon, M. Gilard, M. Hetzel, M. Laffineur, M. Larrivé, M. Le Ray, Mme Levy, M. Lurton, M. Philippe Armand Martin, M. Mathis, M. Perrut, M. Poisson, Mme Rohfritsch, M. Verchère.
I. – L'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« Le budget de la collectivité territoriale est complété par un rapport sur la dette qui comporte :
« – le montant et les caractéristiques des emprunts contractés ;
« – un bilan des remboursements effectués ;
« – une présentation de l'évolution de la dette à moyen terme ;
« – le niveau de risque des emprunts contractés.
« Ce rapport est transmis en même temps que le budget au représentant de l'État. »
II. – L'article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le rapport sur la dette fait apparaître un niveau de risque excessif des emprunts contractés, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'État dans un délai de trente jours à compter de la transmission prévue aux articles L. 2131-1, L. 3131-1 et L. 4141-1, propose à la collectivité territoriale, dans un délai de trente jours à compter de la saisine, les mesures nécessaires à la réduction de ce risque et demande à l'organe délibérant une nouvelle délibération. »
La crise financière que nous connaissons n'épargne aucun secteur de notre économie et de nos territoires. À l'instar des établissements financiers privés et des entreprises, les collectivités territoriales sont en effet affectées, dans le cadre de leurs politiques d'emprunts, par les bouleversements financiers actuels. Les difficultés rencontrées par la Banque de financement des collectivités, Dexia a, pour certaines d'entre elles, mis en évidence une prise de risque excessive dans les orientations des politiques d'emprunt.
L'actualité des quatre dernières années a mis en évidence que des villes comme Saint-Étienne, Tulle, Lamballe ou Lille, ou encore le département de la Seine-Saint-Denis étaient pris au piège des emprunts toxiques. En effet, certaines collectivités territoriales ont contracté des emprunts à taux variables adossés à des mécanismes financiers « complexes » qui sont souvent des contrats d'options spéculatifs et risqués, indexés sur des valeurs incertaines et volatiles comme les variations de change, les écarts de taux d'intérêts, voire le prix du baril de pétrole.
Combien représentent-ils dans la dette des collectivités, qui s'élève environ à 67 milliards d'euros ? 20 % à 40 % selon les sources : l'estimation varie selon que l'on s'adresse au ministère de l'intérieur ou aux agences de notation.
Selon le rapport du 13 décembre 2011 de la commission d'enquête parlementaire sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, le montant des « emprunts toxiques » souscrits par les collectivités locales s'élève à 18,8 milliards d'euros, dont 15,7 milliards sont « à très fort risque » et ces emprunts concerneraient 4 000 collectivités.
Dans son rapport spécial n° 1198 annexe 2 du 16 octobre 2008 portant sur les crédit au titre de la loi de finances pour 2009 des crédits de l'administration générale et territoriale de l'État, l'auteur de cet amendement tenait à mettre en exergue l'énorme responsabilité des banques, et notamment de Dexia, et les limites du mécanisme actuel de contrôle.
L'auteur du présent amendement avait souligné à maintes reprises, tant dans son rapport, que dans l'hémicycle que les défauts du contrôle de légalité ne permettaient pas d'exonérer la responsabilité des exécutifs locaux, coupables d'avoir cédé à certaines tentations.
Les critiques émises par l'auteur de cet amendement ont d'ailleurs été reprises par la Cour des comptes, qui, dans son rapport de juillet 2011, préconisait le vote d'une loi interdisant ce genre de produit financier, ainsi que la création d'une agence de financement des collectivités locales.
De même la commission d'enquête parlementaire sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux précitée a-t-elle mise en cause « les politiques commerciales »agressives« d'établissements bancaires qui auraient notamment placé ces emprunts auprès de petites communes (moins de 10 000 habitants) » et mis en exergue que « l'État, pour sa part, aurait »largement failli dans sa mission de surveillance et de contrôle ».
En l'état de notre droit, le contrôle de légalité n'a pas les moyens juridiques de contrôler la validité des emprunts réalisés par les collectivités territoriales. En revanche, les mécanismes d'alerte auraient pu et dû fonctionner.
L'auteur de cet amendement n'a pas eu, lors de la précédente législature, dans le cadre de son rapport spécial sur les crédits de l'administration territoriale et générale de l'État, connaissance de préfet ayant alerté les élus locaux quant aux risques liés à ces emprunts. Le réseau des comptables publics ne semble pas avoir davantage réagi.
La commission d'enquête parlementaire sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux soulignait d'ailleurs dans son rapport du 13 décembre 2011 qu'au cours des auditions menées « Nombre d'intervenants ont souligné l'incapacité des services préfectoraux à alerter les collectivités territoriales quant aux risques induits par les prêts structurés qu'elles ont contractés. En ce sens, les difficultés liées à la gestion de la dette locale résultent pour partie des insuffisances du contrôle de légalité » et qu'il « était clairement apparu au cours des auditions, « que le contrôle de légalité, réalisé par le préfet, » n'avait « pas permis d'identifier les risques associés aux produits structurés ».
Le paradoxe du contrôle de légalité, c'est qu'il se montre parfois tatillon sur des détails alors qu'il ignore totalement des sujets majeurs comme celui lié au risque de la dette. Cette crise doit donc nous amener à nous interroger sur une éventuelle modification du cadre législatif de ce contrôle.
Afin de tirer les leçons de la crise et de prévenir l'apparition de difficultés comparables, le gouvernement avait chargé en 2009 l'inspection des finances d'établir, un rapport sur « le recours par les collectivités territoriales aux produits structurés ».
Ce dernier établi par M. Éric Gissler, a comporté une série de propositions qui devaient conduire, en juin, à la « Charte de bonne conduite » annexée au rapport et citée dans la circulaire du 25 juin 2010 sur les produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements. Les termes de la charte résultent également d'échanges avec les représentants des banques et des collectivités.
Selon ce document, les établissements bancaires devaient notamment s'engager à :
- ne plus proposer de produits exposant à des risques sur le capital ou reposant sur certains indices à risques élevés ;
- ne plus proposer de produits avec des effets de structure cumulatifs ;
- présenter leurs produits selon une classification comportant 5 niveaux de risques (de 1 à 5 et de A à E) ;
- reconnaître le caractère de non professionnel financier des collectivités locales et le français comme langue exclusive des documents.
Quant aux collectivités territoriales, celles-ci devaient développer la transparence des décisions concernant leur politique d'emprunts et de gestion de dette, ainsi que l'information financière sur les produits structurés qu'elles ont souscrits.
Si la charte Gissler a constitué une avancée indéniable, elle présente néanmoins des limites et ne saurait cependant suffire à éviter que certaines collectivités ne se hasardent dans des politiques d'emprunts risquées et dépendantes des produits d'emprunts structurés. Le développement des emprunts dits toxiques montre en effet les limites du contrôle que l'État effectue par son représentant sur les territoires sur les politiques d'emprunt.
C'est pourquoi il convient de modifier le code général des collectivités territoriales afin, d'une part, de compléter le budget des collectivités par un rapport circonstancié sur les emprunts et, d'autre part, d'élargir les compétences de contrôle des représentants de l'État dans les territoires et des chambres régionales des comptes sur les emprunts des collectivités.
Tels sont, les objectifs du présent amendement.
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