Déposé le 11 mai 2015 par : Mme Boyer.
I. – Après l'article 47 du code civil, il est inséré un article 47‑1 ainsi rédigé :
« Art. 47‑1. – Tout acte étranger, civil ou non, quelle que soit sa nature juridique, qui constate, atteste, reconnaît ou prouve une filiation issue d'une procréation ou d'une gestation pour le compte d'autrui, est réputé nul, y compris dans les cas où elle concernerait un ou des parents de nationalité française.
« Sur l'ensemble du territoire français, aucune décision de quelque autorité que ce soit, aucun acte, quelle que soit sa nature juridique, ne peut avoir pour objet de reconnaitre la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui, y compris à l'égard de citoyens étrangers, quelle que soit leur nationalité. »
II. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 227‑12 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est supprimé ;
b) Au quatrième alinéa, les mots : « des infractions prévues par les deuxièmes et troisièmes alinéas » sont remplacés par les mots : « de l'infraction prévue par le deuxième alinéa ».
2° Après le même article 227‑12, il est inséré un article 227‑12‑1 ainsi rédigé :
« Art. 227‑12‑1. – Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la naissance d'un enfant par le recours à une mère porteuse est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.
« Est puni des peines prévues au premier alinéa le fait de s'entremettre ou la tentative de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double.
« La provocation, même non suivie d'effet, à l'une des infractions prévues au présent article, ou le fait de présenter l'une de ces infractions sous un jour favorable, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.
« Lorsque les délits prévus par le présent article sont commis à l'étranger par un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113‑6, et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113‑8 ne sont pas applicables. »
III. – Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 1er mai 2016 relatif aux propositions qu'il pourrait soumettre pour proposer l'adoption d'une convention internationale spécifique sur l'interdiction de la gestation et de la procréation par autrui.
Cet amendement est issu de ma proposition de loi visant à lutter contre le recours à une mère porteuse, déposée le 8 avril 2015.
Alors que des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), valident chaque fois encore un peu plus le recours à la Gestation Pour Autrui (GPA), que trois plaintes ont été déposées en France contre des agences américaines de mères porteuses et n'ont donné lieu à ce jour à aucune poursuite par les tribunaux français, 2015 se doit d'être une année décisive en ce qui concerne la GPA.
Si le premier ministre, Manuel Valls, tenait le 3 octobre 2014 de fermes déclarations contre la « marchandisation du corps des femmes », nous regrettons aujourd'hui que des actes n'aient pas pris le relais sur les paroles.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous devons légiférer afin de mettre en exergue la condamnation de ces actes.
Tout d'abord parce que la gestation pour le compte d'autrui comporte par sa nature même des dérives inacceptables, celles de l'aliénation et de la marchandisation du corps humain. La gestation pour le compte d'autrui procède d'une vision réductrice et fonctionnelle de la grossesse, alors que celle-ci engage l'ensemble du corps et le psychisme d'une femme. Elle comporte également un risque d'exploitation des femmes les plus vulnérables, dans la mesure où une « compensation financière » – sans même parler de rémunération – devrait obligatoirement être mise en place et risquerait d'amener certaines femmes à accepter les risques d'une grossesse pour autrui pour des raisons de survie dans le cadre d'une véritable industrie de la procréation. Ce type de pratiques, outre le trafic d'êtres humains auquel il conduit, donne lieu à un véritable proxénétisme procréatif. L'aliénation du corps humain résulterait également du fait que l'enfant serait l'objet de la convention de gestation pour le compte d'autrui et pourrait même être source de contentieux, alors même que l'enfant, qui ne peut être considéré comme la propriété de quiconque, ne devrait pas être l'objet d'un contrat de cession.
Ensuite parce que les risques de la gestation pour le compte d'autrui comportent des risques physiques et psychologiques pour la « gestatrice ». Toute grossesse peut entraîner des complications médicales, pouvant aller jusqu'au décès de la mère. Le fait pour une femme d'abandonner son enfant, quand bien même cet abandon procèderait d'un acte de « générosité » envers un autre couple, peut avoir des répercussions psychologiques lourdes et imprévisibles. L'institutionnalisation de l'abandon d'un enfant par sa mère méconnaît également les relations qui se nouent entre eux in utero, dont les recherches médicales récentes ont montré l'importance dans le développement psycho-affectif de l'enfant. Des risques existent également pour les enfants préexistants de la mère porteuse, qui peuvent être affectés par le fait de voir leur mère porter un enfant qui ne sera pas leur frère ou leur sœur et sont « témoins de sa remise à un autre couple ». Les risques pour le développement psychologique des enfants qui apprendront avoir « fait l'objet » d'un contrat pour leur conception et leur naissance apparaissent également importants.
La maternité par autrui est bel et bien une pratique intolérable qui doit nous faire réagir puisqu'elle fait violence à nos valeurs essentielles et à l'ordre public. De fait, celle qui est réalisée à l'étranger en contournant la loi française doit aussi être interdite, tout comme sa promotion ou la provocation à y avoir recours.
En effet, ce mouvement est aujourd'hui fortement appuyé par l'émergence de plusieurs sites internet d'agences commerciales visant un public français et consultables par tout citoyen français, ainsi qu'une multitude d'articles et de reportages présentant sous un jour favorable le recours à une mère porteuse .
L'intérêt supérieur de l'enfant est, avant toute chose, de naître dans le respect de sa dignité, c'est-à-dire avant tout d'être libre n'étant la propriété de personne. Vouloir passer outre cette étape, en particulier en plaidant pour la reconnaissance des maternités par autrui étrangères au nom de ce même intérêt, constitue une différence de statut entre les femmes selon les pays et est une interprétation hasardeuse de ce principe ou pire, une dénaturation volontaire d'un droit dans le but de satisfaire un projet parental dans lequel l'enfant serait l'objet à la fois d'un contrat et des sentiments égoïstes du couple acquéreur.
Dans ce contexte, demander l'interdiction d'une pratique tout en reconnaissant ses effets est intenable à terme, et dénote d'une volonté délibérée de légalisation des mères porteuses à terme ou d'une méconnaissance plate du droit.
C'est pourquoi, nous considérons que le recours à une mère porteuse doit être isolé au sein du code pénal et séparé du pur abandon d'enfant afin d'être érigé en délit spécial comme précisé dans cet amendement
De plus, la rédaction actuelle de l'article 227‑12 du code pénal ne prévoit pas d'appréhender la majorité des couples acheteurs, à savoir ceux qui fraudent la loi française en partant à l'étranger et qui reviennent demander la validité de leur méfait sur le sol français.
La modification de cet article via l'insertion d'un article 227‑12‑1 permet alors de déroger à l'article 113‑6 afin de condamner tous les auteurs d'infractions cherchant à contourner la loi française en la matière. De ce fait, de la même manière que le code pénal permet de passer outre le principe de la double incrimination notamment pour les cas de tourisme sexuel, la raison appelle à agir de même pour les cas d'atteinte violente à la dignité de la personne humaine que sont ces gestations et procréations par autrui, fruits d'un véritable tourisme procréatif.
L'article 227‑12 ne comporte pas non plus de sanctions en cas de présentation de ces infractions sous un jour favorable. Un tel mécanisme existe déjà pourtant sous l'empire de l'article 3421‑4 du code de la santé publique, à propos entre autres de l'usage illicite ou du trafic de stupéfiants. La cohérence de la répression pénale est aussi lourdement mise en cause entre d'une part l'interdiction de la publicité pour le tabac qui peut s'élever jusqu'à 100 000 euros et d'autre part l'absence de toute sanction pour ceux promouvant activement la marchandisation des personnes. C'est pourquoi, dans un souci d'adaptation de la loi pénale aux nouvelles situations, et afin de protéger la dignité de la femme et de l'enfant, il est indispensable de prévoir un interdit de la promotion du recours à une mère porteuse.
Afin de compléter la reconnaissance de ce délit à l'étranger et d'appréhender au mieux le principe de territorialité du code pénal, il est nécessaire d'ajouter au code civil un nouvel article 47‑1. En effet, la France interdit toute reconnaissance de ces délits quand ils sont faits à l'étranger. Donc pour les interdire sur notre sol, il ne peut y avoir de reconnaissance d'acte d'état civil étranger prouvant directement ou indirectement une filiation issue de cette pratique.
Enfin, la France doit reprendre le rôle par lequel elle a si souvent brillé dans son histoire en proposant l'adoption d'une convention internationale contre la procréation et la gestation par autrui. Il en va de la cohérence du raisonnement selon lequel le recours à une mère porteuse n'a pas sa place dans nos sociétés. Il en va en outre de la parole du Gouvernement qui a souligné plusieurs fois que la solution ne pouvait être uniquement nationale. En conséquence, la France doit proposer l'adoption d'une convention internationale spécifique sur l'interdiction de la gestation et de la procréation par autrui.
Après les paroles, les actes au nom de la dignité humaine.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les objectifs de cet amendement.
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