Déposé le 6 juillet 2015 par : Mme Bareigts, M. Aboubacar, M. Letchimy, Mme Berthelot, les membres du groupe socialiste républicain citoyen.
« Section 1 bis
Article 1er bis
Après l'article 1680 du code général des impôts, il est inséré un article 1680‑1 ainsi rédigé :
« Dans les territoires régis par l'article 73 de la Constitution, les entreprises de moins de 250 salariés et d'un chiffre d'affaire annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total du bilan n'excédant pas 43 millions d'euros peuvent bénéficier à leur demande d'un dispositif dérogatoire au paiement des impositions de toute nature. Les personnes morales du secteur de l'économie sociale et solidaire au sens du II de l'article 1 de la loi n°2014‑856 relative à l'économie sociale et solidaire sont également éligibles à ce dispositif si elles emploient moins de 250 personnes et ont un budget inférieur à 50 millions d'euros.
« Les bénéficiaires de ce dispositif cèdent, par la seule remise d'un bordereau et pour sa valeur nominale augmentée des intérêts légaux et déduction faite des remboursements partiels déjà effectués, tout ou partie d'une créance liquide et exigible qu'elles détiennent sur une personne morale de droit public pour s'acquitter de tout ou partie d'un prélèvement obligatoire. Cette créance doit avoir été acquise dans les conditions prévues à l'article 37 de la loi n°2013‑100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Ce prélèvement obligatoire doit avoir été réclamé à l'entreprise au plus tôt à l'expiration du délai de paiement des créances ainsi cédées prévu au même article. La somme des créances ainsi cédées ne peut dépasser le montant des prélèvements obligatoires dont elles s'acquittent ainsi. Les créances ainsi cédées ne doivent pas faire l'objet d'un recours administratif ou juridictionnel toujours pendant. Leur montant et leur exigibilité doivent avoir été déterminés.
« Les créances ainsi cédées ne peuvent dépasser pour une même année ni 10 % du chiffre d'affaire du cédant ni la somme totale de 80 000 euros.
« Le dispositif est de droit pour les entreprises engagées dans une procédure du livre VI du code de commerce, à l'exception du titre I dudit livre. Il peut également être ouvert à d'autres entreprises ou personnes morales du secteur de l'économie sociale et solidaire placées en difficulté par des retards de paiement de personnes publiques, sur décision motivée du directeur départemental des finances publiques du département du siège social de l'entreprise ou de la préfecture à laquelle les statuts de l'association ont été déposés.
« Lors d'une cession d'entreprise, le cédant doit notifier à l'acheteur, à peine de nullité de la cession de l'entreprise, l'intégralité des créances pour lesquelles il a bénéficié du dispositif prévu à cet article et dont le fait générateur de la créance n'est pas encore clos.
« Si une créance cédée par ce dispositif fait l'objet d'un refus de payer de l'ordonnateur du comptable public en raison d'une irrégularité ou d'un recours juridictionnel, le cédant de la créance ou ses ayant-droit reste à payer au cessionnaire la différence entre les sommes effectivement perçues par ce dernier au titre de cette créance et le prix de cession originel de la cession, augmenté des intérêts afférents. »
Dans les outremers, les délais de paiement des pouvoirs publics peuvent dépasser plusieurs mois et dans certains cas dépasser un an de retard contre quelques semaines en France hexagonale. De tels délais ont évidemment des conséquences sur la pérennité des entreprises, et plus largement sur les finances de l'ensemble de la société civile. Les paiements dans les délais légaux permettraient de renforcer la capacité des entreprises à faire face à leurs propres obligations.
De plus, quand elles sont finalement payées, bien souvent les intérêts moratoires légaux n'ont pas été mandatés par les comptables publics. Les personnes morales n'osent alors pas les réclamer, de peur de mesures de rétorsion, réelles ou fantasmées, qui viendraient à les exclure de futurs marchés publics.
Enfin, les caractéristiques juridiques spécifiques des personnes morales de droit public empêchent un recouvrement en bonne et due forme, notamment en raison de l'insaisissabilité du domaine public.
De fait, toute tentative de renforcer les sanctions pour le non-respect de ces délais paraît vouée à un succès limité tant ces mauvaises pratiques semblent enracinées et le secteur privé dans une situation de dépendance l'empêchant de faire valoir ses droits. De même, les financements apportés par les banques, surtout dans le contexte de restriction des crédits, semblent insuffisants pour pallier au problème. Ainsi, l'article L313-23 du code monétaire et financier permet d'utiliser ces créances comme garanties d'emprunts, ce qui ne correspond pas nécessairement aux besoins d'entreprises dont beaucoup ne parviennent déjà pas à faire face à leurs obligations légales. Cette situation d'extrême dépendance au financement bancaire, alors que celui-ci restreint ses octrois de crédits, crée une véritable instabilité financière pour le secteur privé et concoure fortement au contexte économique délétère outremer.
Afin de limiter l'impact de ces mauvaises pratiques sur le secteur privé des outremers, déjà bien trop fragilisé, et dans l'esprit du l313-23 du code monétaire et financier, il est proposé de permettre aux entreprises d'outremer de payer une dette fiscale ou sociale qu'elles auraient acquise auprès des pouvoirs publics au titre des prélèvements obligatoires en cédant au Trésor public par simple remise d'un bordereau une créance qu'elles auraient acquise auprès d'une personne morale de droit public.
Plusieurs conditions devraient être remplies pour que ce dispositif soit invocable:
- D'une part, seules les TPE/PME pourront bénéficier de ce dispositif. En effet, les ETI et les grandes entreprises ont des moyens financiers leur permettant d'absorber dans leurs trésoreries de tels retards de paiement. Les personnes morales du secteur de l'ESS d'une taille comparable aux TPE/PME peuvent également bénéficier de ce dispositif.
- D'autre part, les prélèvements obligatoires que les personnes morales du secteur privé souhaitent ainsi céder doivent leur être exigés en dehors du délai légal de paiement des créances ainsi cédées prévu par la législation. Un tel délai est supposé éviter une utilisation abusive de ce dispositif comme d'une liquidité supplémentaire au compte de l'entreprise.
- Les créances cédées ne pourront dépasser 10% du chiffre d'affaire du cédant ni la somme totale de 80000 euros. Les créances ainsi acquises pourront être recouvrées plus aisément par les pouvoirs publics du fait de leur petite taille relative. Cela évitera également que le dispositif ne prenne trop d'importance dans la comptabilité du cédant.
- Seules les entreprises étant concernées par le livre VI du code de commerce, relatif aux difficultés des entreprises, bénéficient automatiquement de ce dispositif. Pour les autres personnes morales, la décision est prise par le directeur départemental des finances publiques qui ne peut la prendre que s'il justifie de difficultés causées par des retards de paiement de personnes publiques. Il a ainsi une compétence liée pour accepter d'ouvrir le dispositif mais pas pour refuser de l'ouvrir.
Pour éviter des difficultés similaires à celles rencontrées dans l'application du l313-23 du code monétaire et financier, dit « loi Dailly », deux contraintes sont également rajoutées en contraignant le cédant d'une entreprise à notifier à son acheteur toutes les créances non encore closes, afin d'éviter qu'un acheteur mal informé n'acquière une entreprise en pensant qu'elle a encore des rentrées financières prévues et découvre qu'elles ont déjà été cédées par le biais de ce dispositif. De plus, il est également prévu un dispositif visant à ne pas faire assumer le risque d'annulation de la créance par le cessionnaire public. Celui-ci, si la créance venait à être annulée (notamment dans les cas d'annulation contentieuse), pourrait se retourner contre le cédant pour obtenir le paiement du solde entre la valeur de la créance au moment de la cession et sa valeur finale.
Une fois la créance cédée, les pouvoirs publics bénéficiant de la garantie de l'Etat pourront plus aisément que le secteur privé se retourner les uns contre les autres pour obtenir le paiement des créances ainsi acquises. La charge financière est néanmoins nulle pour les pouvoirs publics puisque les dettes non payées aux entreprises signifient bien souvent des prélèvements obligatoires non payés et que par hypothèse les intérêts moratoires couvrent déjà tout coût lié à l'éventuel retard de paiement : il s'agit ici de retirer une étape à un circuit financier qui conserve son intégrité afin de le rendre plus efficace et plus fluide, tout en limitant les fermetures d'entreprises ou d'associations.
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