Amendement N° AC209 (Rejeté)

Création architecture et patrimoine

Déposé le 14 septembre 2015 par : Mme Attard, Mme Pompili.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° L'article L. 111‑1 est ainsi modifié :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé :

«  Les créations appartiennent en principe au domaine public, à l'exception des œuvres de l'esprit. Constitue une œuvre de l'esprit au sens du présent code une création originale portant l'empreinte de la personnalité de son auteur et bénéficiant d'une mise en forme. Une création ne satisfaisant pas à l'un de ces critères appartient au domaine public. L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre,…(le reste sans changement) » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

«  Les reproductions fidèles d'œuvres de l'esprit en deux dimensions appartenant au domaine public appartiennent au domaine public. La personne qui les réalise ne peut prétendre au bénéfice du droit de propriété décrit au présent article.
«  Lorsqu'une œuvre appartient au domaine public, sa reproduction et sa représentation sont possibles sans restriction. Toute clause contractuelle contraire est considérée comme nulle et nulle d'effet. » ;

2° L'article L. 113‑4 est complété par la phrase suivante :

«  La propriété ainsi reconnue à l'auteur d'une œuvre composite est sans effet sur l'appartenance éventuelle au domaine public des œuvres qui y sont incorporées. » ;

3° Le second alinéa de l'article L. 123‑1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

«  Au terme de ce délai, l'œuvre appartient irrévocablement au domaine public. » ;

4° L'avant-dernier alinéa de l'article L. 331‑5 est complété par une phrase ainsi rédigée :

«  Les mesures techniques ne peuvent en outre s'opposer au libre usage d'une œuvre appartenant au domaine public. » ;

5° Après l'article L. 335‑2‑1, il est inséré un article L. 335‑2‑2 ainsi rédigé :

«  Art. L. 335‑2‑2. – Est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait de porter atteinte à l'intégrité du domaine public en faisant obstacle ou en tentant de faire obstacle à la libre réutilisation d'une œuvre qui s'y rattache ou en revendiquant abusivement des droits sur celle-ci. » ;

6° L'article L. 342‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  Lorsqu'une base de données contient des œuvres de l'esprit appartenant au domaine public, sous quelque forme que ce soit, le producteur de la base ne peut ni interdire ni s'opposer à leur extraction ou à leur réutilisation. ».

II. – L'article L. 451‑5 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  Lorsque ces biens correspondent à des œuvres appartenant au domaine public au sens de l'article L. 111‑1 ou L. 123‑1 du code de la propriété intellectuelle, les musées ne peuvent interdire la reproduction de ces biens notamment par la peinture, le dessin, la photographie ou la vidéo, sauf pour des motifs strictement limités à des nécessités de conservation des originaux, ni empêcher la diffusion ou la réutilisation, y compris à des fins commerciales, de copies effectuées à partir de ces biens. ».

Exposé sommaire :

L'article 1 du présent projet de loi affirme la liberté de la création artistique. Elle est cependant restreinte en France par le droit patrimonial que détiennent les auteurs, jusqu'à 70 ans après leur décès. Le législateur a ainsi souhaité que les œuvres de l'esprit profitent d'abord à leur auteur, avant de devenir librement accessibles à l'ensemble de la société. Cependant, chaque artiste se nourrit de ceux qui l'ont précédé. Comme l'affirmait Bernard de Chartres au XIIe siècle : « Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu'eux, ce n'est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c'est parce que nous sommes élevés par eux. »

Afin de mieux protéger la liberté de création, il est nécessaire que les œuvres du passé, qui constituent le domaine public, soient librement accessibles, réutilisables et modifiables. Nombre d'auteurs ont ainsi réutilisé les personnages mythologiques, pour le plus grand bonheur du public.

Les jugements des tribunaux nous montrent cependant une dérive de plus en plus fréquente : après épuisement des droits patrimoniaux d'une œuvre, des ayants-droit s'appuie sur d'autres législations pour empêcher la libre utilisation d'œuvres. Il peut s'agir du droit des marques, des bases de données, voire de la loi définissant l'accès aux documents administratifs.

Le domaine public aujourd'hui, au sens de la Propriété Littéraire et Artistique, constitue encore seulement une construction jurisprudentielle, se définissant négativement comme l'ensemble des œuvres de l'esprit non protégées par le droit d'auteur. Or cette notion constitue un élément d'équilibrage essentiel pour la diffusion du savoir et la promotion de la culture. Il importe donc d'introduire dans la loi une définition positive du domaine public, afin de le consacrer, de le promouvoir et de le garantir contre les atteintes qu'il pourrait subir.

Le présent amendement introduit une définition positive dans le Code de Propriété Intellectuelle, sur laquelle la jurisprudence des tribunaux pourra désormais s'appuyer.

Enfin, le présent amendement vise à mieux défendre le domaine public contre les atteintes qu'il peut subir, notamment les pratiques dites de « copyfraud » (revendications abusives de droits sur les œuvres du domaine public). En affirmant que les reproductions d'œuvres du domaine public doivent elles-mêmes appartenir au domaine public, on garantit notamment que l'intégrité du domaine public ne soit pas atteinte à l'occasion des opérations de numérisation du patrimoine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.

Inscription
ou
Connexion