Amendement N° AC347 (Adopté)

Création architecture et patrimoine

Déposé le 14 septembre 2015 par : le Gouvernement.

Le code du patrimoine est ainsi modifié :

I. – La dernière phrase de l'article L. 111‑7 est supprimée.

II. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier est complété par quatre articles L. 111 – 8 à L. 111 – 11 ainsi rédigés :

«  Art. L. 111 – 8. – L'importation de biens culturels appartenant à l'une des catégories prévues à l'article 1 de la convention de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science, et la culture concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, signée à Paris le 14 novembre 1970, en provenance directe d'un État non-membre de l'Union européenne et Partie à cette Convention, est subordonnée à la production d'un certificat ou tout autre document équivalent autorisant l'exportation du bien établi par l'État d'exportation lorsque la législation de cet État le prévoit. A défaut de présentation dudit document, l'importation est interdite.
«  Art. L. 111 – 9. – Sous réserve des dispositions de l'article L. 111‑10, il est interdit d'importer, d'exporter, de faire transiter, de vendre, d'acquérir et d'échanger des biens culturels présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique lorsqu'ils ont quitté illicitement le territoire d'un État dans les conditions fixées par une résolution du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies adoptée en ce sens.
«  Art. L. 111 – 10. – Dans le cas où les biens culturels se trouvent dans une situation d'urgence et de grave danger en raison d'un conflit armé ou d'un catastrophe sur le territoire de l'État qui les possède ou les détient, l'État peut, à la demande de l'État propriétaire ou détenteur, mettre provisoirement à disposition des locaux sécurisés pour les recevoir en dépôt et en informa l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.
«  L'État rend les biens culturels à l'État propriétaire ou détenteur après cessation de la situation ayant occasionné leur mise à l'abri ou à tout moment à la demande de ce dernier.
«  Les biens culturels accueillis dans les conditions du présent article sont insaisissables pendant la durée de leur séjour sur le territoire national.
«  Pendant leur mise en dépôt sur le territoire national, des prêts peuvent être consentis, après accord de l'État qui les a confiés, pour faire circuler ces biens culturels dans le cadre de l'organisation d'expositions nationales ou internationales, destinées à faire connaître ce patrimoine en danger. En cas de sortie du territoire national, l'État qui accueille l'exposition garantit l'insaisissabilité des biens concernés pendant la durée de l'exposition.
«  Art. L. 111‑11. – Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décrets en Conseil d'État. ».

III. – L'article L. 114‑1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

«  II. – Est puni des mêmes peines le fait pour toute personne d'importer un bien culturel en infraction aux dispositions de l'article L. 111‑8.
«  III. – Est puni des mêmes peines le fait pour toute personne d'importer, d'exporter, de faire transiter, de vendre, d'acquérir ou d'échanger un bien culturel en infraction aux dispositions de l'article L. 111‑9.
«  Les auteurs des infractions aux interdictions définies à l'article L. 111‑9 encourent, en outre, la confiscation des biens en cause. ».

IV. – Le titre II du livre Ier est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

«  Chapitre IV
«  Annulation de l'acquisition d'un bien culturel en raison de son origine illicite.
«  Art. L. 124‑1. - La personne publique propriétaire d'un bien culturel appartenant au domaine public mobilier au sens de l'article L. 2112‑1 du code général de la propriété des personnes publiques peut agir en nullité de la vente, de la donation entre vifs ou du legs de ce bien lorsqu'il lui est apporté la preuve qu'il a été volé ou illicitement exporté après l'entrée en vigueur, à l'égard de l'État d'origine et de la France, de la convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture en date du 14 novembre 1970.
«  La personne publique propriétaire demande en outre au juge judiciaire d'ordonner la restitution du bien à l'État d'origine ou au propriétaire légitime s'il en a fait la demande.
«  La personne publique propriétaire a droit au remboursement du prix d'acquisition par le vendeur.
«  Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. ».

Exposé sommaire :

Il apparaît aujourd'hui nécessaire en raison de l'intensification du trafic mondial de biens culturels et de la situation actuellement dramatique au plan patrimonial de certaines zones de conflit, qui favorise ce phénomène, de renforcer notre législation en matière de circulation illicite des biens culturels et de lutte contre ce fléau. Dans cet objectif, quatre mesures complémentaires sont proposées dans cet amendement.

Les contrôles exercés en France sur les mouvements internationaux des biens culturels sont orientés vers l'exportation, principalement par souci de protection du patrimoine national, et ne prennent pas spécifiquement en compte l'importation. Il est donc proposé de compléter le code du patrimoine en créant une faculté de contrôle douanier à l'importation spécifique pour les biens culturels.

L'introduction de ce contrôle à l'importation (L. 111-8) permettra une meilleure mise en conformité avec les engagements internationaux de la France, en complétant en particulier l'application au plan national de la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture en date du 14 novembre 1970, dite Convention UNESCO de 1970.

Il est d'ailleurs retenu que ce dispositif de contrôle à l'importation s'applique aux biens culturels en provenance des Etats Parties à la Convention de 1970, non membres de l'Union européenne, et qui ont mis en place un dispositif de certificat ou d'autorisation à l'exportation de biens culturels.

L'amendement prévoit également le principe d'interdiction d'importer, d'exporter, de faire transiter et de faire commerce de biens culturels ayant quitté illicitement un État lorsqu'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU a été prise en ce sens (L. 111-9).

Seront ainsi concernés par exemple les biens culturels irakiens et syriens, qui ont été enlevés illégalement d'Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, conformément à l'article 17 de la résolution 2199 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sont contraignantes pour les États mais les règlements déjà adoptés par l'Union européenne comportant des interdictions d'importer, d'exporter et de transférer des biens culturels qui en sont illicitement issus (Règlement (CE) n° 1210/2003 du Conseil du 7 juillet 2003 pour l'Irak et Règlement (UE) n° 1332/2013 du Conseil du 13 décembre 2013 pour la Syrie) demandent à ce que les Etats membres prévoient des sanctions dans leur droit interne pour rendre ces mesures de restriction effectives.

Le présent amendement prévoit donc la mise en place d'une sanction pénale, avec une peine complémentaire permettant la confiscation des biens culturels en cause.

L'amendement introduit ensuite un nouvel article L. 111-10 permettant la création en France de refuges.

La Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1954, dite Convention de la Haye, prévoit la création de refuges pour abriter des biens culturels mobiliers en cas de conflit armé par chaque État partie à la Convention sur son propre territoire.

Dans cet esprit et sur le modèle de la loi fédérale suisse sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, de catastrophe ou de situation d'urgence (LPBC) du 20 juin 2014, il est proposé de prévoir la mise à disposition en France des locaux sécurisés pour recevoir en dépôt les biens culturels,se trouvantdans une situation d'urgence et de grave danger en raison d'un conflit armé ou d'une catastrophe sur le territoire d'un État étranger qui les possède ou les détient.

La situation géopolitique actuelle rend nécessaire de prévoir un tel dispositif d'accueil qui pourrait permettre à la France d'offrir une protection temporaire à des éléments du patrimoine mobilier des pays concernés par des conflits, exposés à de graves menaces de destruction ou de disparition. Elle pourrait aussi trouver à s'appliquer dans des situations de catastrophe naturelle comme le Népal vient de le connaître.

Les biens culturels étrangers ainsi accueillis sont insaisissables pendant la durée de leur séjour sur le territoire national et pourront circuler dans le cadre d'expositions nationales ou internationales, destinées à faire connaître ce patrimoine en danger.

Enfin, dans l'objectif de mieux appliquer les engagements de la France qui a ratifié en 1997 la Convention UNESCO de 1970, il est proposé de prévoir un dispositif législatif permettant aux propriétaires publics de biens acquis de bonne foi mais dont il s'avérerait qu'en réalité ils ont été volés ou exportés illicitement dans un autre Etat partie à la convention, de demander au juge judiciaire l'annulation du contrat (vente, donation entre vifs) ou du legs par lequel il en a fait l'acquisition.

Sur le modèle des actions en nullité pour vice du consentement en droit civil (erreur sur les qualités substantielles, dol, violence), il s'agit de consacrer la possibilité pour le propriétaire public d'un bien culturel qui découvre son origine illicite de faire annuler l'acte d'acquisition. En matière de dol (manœuvre frauduleuse ayant pour but de tromper l'acquéreur), l'action en nullité est ouverte à l'acquéreur à compter du jour où il découvre le vice.

Le contrat ou legs étant annulé par le juge judiciaire, un déclassement du domaine public n'est pas nécessaire puisque l'acte civil qui avait constitué la première étape de la procédure d'intégration du bien dans le domaine public mobilier en raison de son intérêt public culturel est anéanti.

Le propriétaire public ayant été de bonne foi par hypothèse au moment de l'acquisition, il apparaît légitime de lui permettre d'obtenir le remboursement du prix d'acquisition versée à son vendeur.

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