Déposé le 14 septembre 2015 par : Mme Buffet.
Après l'alinéa 27, insérer l'alinéa suivant :
« 5° bis À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 523‑10 du code du patrimoine, les mots : « à la demande de la personne projetant d'exécuter les travaux » sont remplacés par les mots : « à la demande de l'État » ».
La loi 2003‑707 du 1er août 2003 a privatisé la maîtrise d'ouvrage des fouilles archéologiques prescrites par les services de l'État lorsque des diagnostics sont positifs. Depuis cette date, c'est l'aménageur qui sélectionne soit l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), soit un opérateur agréé, public ou privé, pour réaliser les fouilles et les rapports. Les aménageurs privés n'étant pas soumis à l'obligation d'appels d'offres, l'Inrap ou les services de collectivité agréés ne sont pas nécessairement consultés pour un projet de fouille. Le rôle de l'État se limite à l'agrément des opérateurs en fonction de sept spécialités chronologiques, ainsi qu'à la prescription et au contrôle des opérations.
Les décisions politiques prises en 2003 ont aujourd'hui des conséquences majeures sur l'ensemble de la discipline : dispersion croissante des données archéologiques, pression continue sur les prix exercés par les aménageurs au détriment de la qualité scientifique des opérations, dumping social et scientifique entre opérateurs, défaillance structurelle du contrôle scientifique, dégradation continue des conditions de travail des personnels, logique de concurrence, y compris entre services publics, au détriment des coopérations entre chercheurs. Pour l'essentiel, ces dysfonctionnements ont pour origine le transfert à l'aménageur de la maîtrise d'ouvrage des fouilles effectué en 2003. Ce sont aujourd'hui des critères exclusivement économiques, et non scientifiques, qui motivent le choix de l'opérateur et des équipes.
Le récent rapport de la députée Martine Faure a parfaitement caractérisé la situation résultant de la loi de 2003 : « L'ouverture de l'activité de fouille à la concurrence a introduit la possibilité de dérives commerciales qu'une régulation insuffisante du dispositif a été incapable de combattre ». « Certaines entreprises privées se sont lancées dans le secteur de l'archéologie préventive avec pour souci premier de dégager des bénéfices commerciaux […] adoptant un comportement parfois prédateur afin d'obtenir le plus de marchés de fouilles possibles ». « Dans un marché concurrentiel, ces pratiques de dumping économique et social, bien éloignées du respect des exigences scientifiques de la discipline archéologique, ont, semble-t-il et malheureusement, eu tendance à se répandre, entraînant une grande partie de la profession vers le bas. » (rapport M. Faure, p. 21).
Face à ce constat accablant, le projet de loi ne propose que le renforcement des conditions d'agrément (article 20‑4e) et l'examen par l'État des projets d'intervention des opérateurs avant l'attribution des marchés (article 20‑5e). Ces mesures ne peuvent, seules, enrayer les logiques commerciales qui prévalent aujourd'hui au détriment de la qualité scientifique et patrimoniale des interventions . Concernant le renforcement des agréments et du contrôle des opérateurs, le livre blanc de l'archéologie préventive a montré que les dispositions législatives et réglementaires actuellement en vigueur sont déjà souvent inappliquées. Concernant les projets scientifique et technique des fouilles, les évolutions proposées ne remettent pas en cause la capacité pour un aménageur de choisir l'opérateur de son choix en faisant prévaloir des intérêts économiques et non scientifiques. L'étude d'impact du projet de loi indique d'ailleurs que 46 % des autorisations de fouilles préventives délivrées chaque année sont attribuées à des aménageurs privés qui demeureraient libres de ne consulter qu'un seul opérateur.
Pourtant, dans le même temps, le gouvernement tirant les conclusions des principes affirmés dans la convention de Malte, propose d'inscrire dans la loi que l'État « est destinataire de l'ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations archéologiques » (article 20‑2e-c). Sous certaines conditions, il propose en outre d'appliquer, comme prévu depuis 2001 pour les vestiges immobiliers, les règles de propriété publique au mobilier archéologique découvert à l'occasion de fouilles ou fortuitement (article 20‑8e). En mettant en extinction le régime de propriété privée instauré sous Vichy pour ce bien collectif, ces évolutions marquent une avancée majeure dans la reconnaissance de l'intérêt général du patrimoine archéologique. Elles ne rendent que plus paradoxal le maintien d'une maîtrise d'ouvrage des aménageurs sur les fouilles destinées à sauvegarder les informations scientifiques constituées par ce patrimoine.
Si, comme précisé par l'article L521‑1 du code du patrimoine, l'archéologie préventive relève de missions de service public (mission patrimoniale de préservation des archives du sol, mission scientifique de développement de la connaissance), c'est bien parce que les fouilles archéologiques ne sont pas réalisées au profit de l'aménageur mais au bénéfice de toute la collectivité.
Sans remettre en cause l'existence éventuelle d'entreprises privées dont l'activité, au regard des dérives constatées, devrait être strictement encadrée du point de vue scientifique et économique, l'amendement propose de revenir, pour les fouilles préventives, à la maîtrise d'ouvrage publique. Il ouvre en outre la possibilité pour l'État de déléguer cette compétence à une collectivité dans le cadre du régime de délégation prévu à l'article L 1111‑8‑1 du CGCT.
La charge de travail nouvelle pour les services régionaux de l'archéologie induite par une maîtrise d'ouvrage sur les fouilles préventives ne serait pas sensiblement supérieure à ce qui est proposé par le projet de loi concernant l'instruction préalable des projets scientifiques et techniques d'intervention. Elle serait largement compensée par un allègement concomitant des procédures de contrôle qui seraient, de ce fait, rendues nettement moins complexes.
La possibilité ouverte aux collectivités d'exercer cette compétence par délégation pour le compte de l'État constituerait quant à elle une simplification administrative et sécuriserait juridiquement l'intervention de ces services en élargissant le champ des opérations pouvant être réalisées dans le cadre de la procédurein house.
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