Amendement N° CL373 (Adopté)

Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle

Déposé le 3 mai 2016 par : M. Le Bouillonnec, M. Clément.

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I. - Le titre V du livre IV du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le chapitre unique devient le chapitre Ier et est ainsi intitulé :

«  Révision et réexamen en matière pénale » ;

2° À l'article L. 451‑2, après le mot : « réexamen », sont insérés les mots : « en matière pénale » ;

3° Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :

«  Chapitre II
«  Réexamen en matière civile
«  Art. L. 451‑3. - Le réexamen d'une décision civile définitive rendue en matière d'état des personnes peut être demandé au bénéfice de toute personne ayant été partie à l'instance et disposant d'un intérêt à le solliciter, lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme que cette décision a été prononcée en violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne, pour l'intéressé, des conséquences dommageables auxquelles la satisfaction équitable accordée en application de l'article 41 de la convention précitée ne pourrait mettre un terme. Le réexamen peut être demandé dans un délai d'un an à compter de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme. Le réexamen d'un pourvoi en cassation peut être demandé dans les mêmes conditions.
«  Art. L. 451‑4. - Le réexamen peut être demandé :
«  1° Par la partie intéressée ou, en cas d'incapacité, par son représentant légal ;
«  2° Après la mort ou l'absence déclarée de la partie intéressée, par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin, ses enfants, ses parents, ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants, ou ses légataires universels ou à titre universel.
«  Art. L. 451‑5. - La demande en réexamen est adressée à la cour de réexamen. Celle-ci est composée de treize magistrats de la Cour de cassation, dont le doyen des présidents de chambre qui préside la cour de réexamen. Les douze autres magistrats sont désignés, par l'assemblée générale de la Cour de cassation, pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.
«  Chacune des chambres de la Cour de cassation y est représentée par deux de ses membres.
«  Douze magistrats suppléants sont désignés dans les mêmes conditions. Le président de chambre le plus ancien après le doyen des présidents de chambre est désigné suppléant de celui-ci.
« Art. L. 451‑6. - Lorsque la demande est manifestement irrecevable, le président de la cour de réexamen peut la rejeter par une ordonnance motivée non susceptible de recours.
«  Art. L. 451‑7. - Le parquet général près la Cour de cassation assure les fonctions du ministère public devant la formation de jugement.
«  Ne peuvent siéger au sein de la formation de jugement ou y exercer les fonctions du ministère public les magistrats qui, dans l'affaire soumise à la cour de réexamen, ont, au sein d'autres juridictions, soit assuré les fonctions du ministère public, soit participé à une décision sur le fond.
« Art. L. 451‑8. - La cour de réexamen rejette la demande si elle l'estime mal fondée. Si elle estime la demande fondée, elle annule la décision mentionnée à l'article L. 451‑3, sauf lorsqu'il est fait droit à une demande en réexamen du pourvoi du requérant.
«  La cour de réexamen renvoie le requérant devant une juridiction de même ordre et de même degré, mais autre que celle dont émane la décision annulée. Toutefois, si le réexamen du pourvoi du requérant, dans des conditions conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est de nature à remédier à la violation constatée par la Cour européenne des droits de l'homme, elle renvoie le requérant devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation.
«  Selon le cas, la cour de réexamen ou l'assemblée plénière de la Cour de cassation détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la décision annulée a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »

II. - Le I du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.

III. - À titre transitoire, les demandes de réexamen présentées en application des articles L. 451‑3 et suivants du code de l'organisation judiciaire et motivées par une décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme rendue avant l'entrée en vigueur du I. peuvent être formées dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur. Pour l'application des dispositions de ces articles, les décisions du Comité des ministres du Conseil de l'Europe rendues, après une décision de la Commission européenne des droits de l'homme, en application de l'article 32 (ancien) de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ou de l'article 5 (paragraphe 6) de son protocole n° 11, sont assimilés aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.

Exposé sommaire :

L'amendement a pour objet de permettre à toute personne de voir sa cause réexaminée en matière d'état des personnes après un constat de violation de la Cour européenne des droits de l'homme ayant donné lieu à une satisfaction équitable qui ne met pas fin aux conséquences dommageables.

Il est devenu nécessaire de créer dans ce domaine une possibilité que le législateur a introduit depuis plusieurs années en matière pénale et qui a été reconnue de manière prétorienne en matière administrative. En effet, en matière pénale, le réexamen d'une décision de condamnation, consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme  a été introduit par l'article 89 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes. Le régime du réexamen a été récemment modifié par la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014.  Par ailleurs, en matière administrative, le Conseil d'État a jugé dans une décision d'assemblée du contentieux du 30 juillet 2014 (M. Vernes, n° 358.564) que lorsque la violation constatée par la Cour européenne des droits de l'homme concerne une sanction administrative, pour laquelle ne joue pas l'autorité de chose jugée, le constat par la Cour européenne des droits de l'homme d'une méconnaissance des droits garantis par la Convention constitue un élément nouveau qui doit être pris en considération par l'autorité investie du pouvoir de sanction.

Afin d'introduire cette possibilité de réexamen en matière d'état des personnes, le présent amendement modifie le code de l'organisation judiciaire (I), en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer la procédure applicable en la matière (II) tout en prévoyant des dispositions d'entrée en vigueur (III).

Tout d'abord, le code de l'organisation judiciaire est modifié pour lever l'obstacle résultant de l'autorité de la chose jugée. En effet, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation en 2005, dès lors qu'aucune procédure de réexamen n'existe en droit interne, le caractère définitif du jugement rend irrecevable la demande déjà tranchée par un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée (Soc., 30 septembre 2005, pourvoi n° 04-47.130, Bull. 2005, V, n° 279 (rejet)). Cette position a été confirmée en 2013 (Civ. 2ème, 17 octobre 2013, pourvoi n°04-47.130). C'est la raison pour laquelle un article L. 451-3 est inséré dans le code de l'organisation judiciaire dont la rédaction adapte celle de l'article 622-1 du code de procédure pénale. L'article L. 451-4 prévoit qu'auront qualité pour demander le réexamen la partie intéressée ou son représentant légal, ainsi que les parents ou légataires. Est instituée au sein de la Cour de cassation une cour de réexamen, distincte de celle déjà prévue en matière pénale, en préciser la composition et définir la portée d'une décision rejetant ou à l'inverse accueillant la demande de réexamen. Enfin, selon le cas, la cour de réexamen ou l'assemblée plénière de la Cour de cassation, lorsqu'elle prononce l'annulation de la décision prononcée en violation de la Convention européenne des droits de l'homme, pourra déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la décision annulée a produits sont susceptibles d'être remis en cause.  (I).

Cette nouvelle procédure entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État qui définira les modalités d'application de cette nouvelle procédure, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi (II).

Afin d'assurer l'effectivité du droit conventionnel dans l'ordre juridique interne, les décisions de condamnation rendues par la Cour européenne des droits de l'homme avant l'entrée en vigueur du nouveau dispositif pourront donner lieu à réexamen (III).

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