Déposé le 18 janvier 2016 par : M. Morel-A-L'Huissier, M. Gérard.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L'article 100 est ainsi rédigé :
« Art. 100 – En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à cinq ans d'emprisonnement, le juge des libertés et de la détention, après avoir été saisi par le juge d'instruction, peut autoriser par ordonnance écrite et motivée l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications ainsi que des communications et correspondances électroniques. Ces opérations sont faites sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention. » ;
2° Le deuxième alinéa de l'article 100-7 est ainsi rédigé :
« Aucune interception de télécommunications ni de communications électroniques ne peut avoir lieu concernant un avocat sans que le président du tribunal de grande instance, après avoir entendu le bâtonnier, se prononce par ordonnance écrite et motivée justifiant de la nécessité d'une telle mesure au regard de la proportionnalité de l'atteinte portée au secret professionnel. L'ordonnance doit alors énoncer et qualifier les indices graves préexistants à ladite saisine et déterminer que les interceptions n'ont d'autre objet que de rechercher d'éventuels indices concordants. Par ailleurs, la durée de l'interception est encadrée dans les conditions prévues par l'article 100‑2 du présent code. » ;
3° L'article 706‑95 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « télécommunications » sont insérés les mots : « ainsi que des communications et correspondances électroniques » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « ou à l'officier de police judiciaire commis par lui » sont remplacés par les mots : « par le juge des libertés et de la détention ».
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les communications et correspondances électroniques couvrent les données de connexion, le contenu de la correspondance en ligne, l'en-tête du message ainsi que les documents joints à la correspondance, le cas échéant. ».
Cet amendement vise à créer un article additionnel au chapitre sur la protection de la vie privée en ligne du projet de loi Pour une République numérique. Cet article renforce la protection du secret des communications privées et professionnelles et l'étend aux communications et correspondances électroniques.
Les écoutes téléphoniques, auxquelles il faut assimiler les interceptions de courriels et de SMS, constituent une mesure attentatoire aux libertés publiques grave qui nécessite un encadrement par un contrôle très strict. Or, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 avril 2014 n°2014‑390 QPC et la CEDH dans sa décision Koppc/Suisse du 25 mars 1998, ont suggéré que les articles 100 (pour les informations judiciaires) et 706‑95 (pour les enquêtes préliminaires ou de flagrance) du Code de procédure pénale sont insuffisamment protecteurs. C'est pourquoi, quel que soit l'état de la procédure, il convient de confier au juge des libertés et de la détention le soin de placer quiconque sur écoutes.
De plus, l'atteinte aux libertés publiques ne doit pouvoir concerner que les infractions les plus graves. La loi sur la géolocalisation de 2013 prévoit une application pour les infractions punies de trois ans d'emprisonnement. Les écoutes téléphoniques et les saisies informatiques étant d'un degré plus intrusif, il convient de ne les autoriser que pour les infractions punies d'une peine minimale de cinq ans d'emprisonnement.
En outre, il est à noter que la protection prévue par les articles du Code de procédure pénale ne fait pas mention à ce jour des communications et correspondances électroniques du professionnel. Or, le secret professionnel s'applique tout autant aux communications et aux correspondances électroniques de ces professionnels qu'à leurs communications téléphoniques. Afin d'assurer une protection du secret professionnel pleine et entière, dans l'intérêt des citoyens comme des professionnels astreints au secret professionnel, il convient donc de les ajouter aux articles 100 et 706‑95 du Code de procédure pénale.
Rappelons en effet que le secret professionnel est une obligation à laquelle est soumise le professionnel sans possibilité de s'y soustraire, le professionnel en question étant le dépositaire du secret livré par son patient, son client ou sa source. Le professionnel dépositaire ne peut donc faire courir le risque d'une violation du secret par une intrusion numérique : il importe donc de combler cette carence juridique l'exposant aux risques numériques.
La protection du secret professionnel ainsi consacrée et élargie se justifie tant par le respect du droit à la vie privée du patient, du client ou de la source, que par la protection des intérêts de la Nation dans la mesure où ces professions « à secret » sont exposées aux cyber attaques d'intérêts hostiles à la France.
Cet amendement permet ainsi de jeter les bases d'un cybersecret professionnel adapté à l'ère numérique.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.