Déposé le 15 février 2016 par : Mme Capdevielle.
Le deuxième alinéa de l'article L.561-27 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il dispose également d'un accès direct aux traitements de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours et à l'exclusion de celles relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes ».
Aux termes de l'article 230-10 du code de procédure pénale, « Les personnels spécialement habilités des services de la police et de la gendarmerie nationales désignés à cet effet ainsi que les personnels spécialement habilités de l'Etat investis par la loi d'attributions de police judiciaire, notamment les agents des douanes, peuvent accéder aux informations, y compris nominatives, figurant dans » les traitements de données personnelles d'antécédents judiciaires.
Le principe d'un accès direct au TAJ par Tracfin est d'ores et déjà juridiquement possible dans deux hypothèses :
-dans un objectif de recrutement (article L. 234-2 du CSI tel que modifié par la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire)
-pour les besoins relatifs à l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ainsi que pour les besoins relatifs à la prévention du terrorisme (article L. 234-4 du CSI issu de la loi sur le renseignement du 24 juillet 2015 tel que précisé par un projet de décret en conseil d'Etat actuellement en cours d'examen par celui-ci).
Si l'accès direct au TAJ par Tracfin a été progressivement introduit à la faveur de la loi de programmation militaire de 2013, puis de la loi sur le renseignement de 2015, l'objet même de ces lois a, de fait, limité les possibilités d'accès du service aux missions relatives à la prévention du terrorisme et à l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale. Or, il serait logique de prévoir un accès direct au TAJ pour l'exercice de l'ensemble des missions de Tracfin, y compris pour samission de lutte contre le blanchiment de capitaux.
TRACFIN est destinataire d'environ 38 000 informations annuelles émanant principalement des professionnels assujettis, lesquels portent à sa connaissance des flux financiers atypiques. L'action de TRACFIN consiste à contextualiser et analyser l'information reçue avant, le cas échéant, de l'enrichir et de l'externaliser, notamment à l'autorité judiciaire dès lors qu'il existe une présomption d'infraction pénale. En effet, l'article L. 561-23 du code monétaire et financier prévoit que« lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment du produit d'une infraction punie d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou du financement du terrorisme (…) le service (…) saisit le procureur de la République par note d'information ». Il est important de souligner qu'alors que la transmission d'information à d'autres services de l'Etat relève du pouvoir d'appréciation de Tracfin (article L. 561-29 du CMF), la transmission d'information à l'Autorité judiciaire par Tracfin est obligatoire dès lors que les conditions mentionnées à l'article L. 561-23 sont réunies. 592 transmissions ont ainsi été adressées par TRACFIN à l'autorité judiciaire et aux services de police judiciaire en 2014.
Or, l'activité de contextualisation et d'analyse des flux dès leur réception, ainsi que la nécessaire articulation de l'action de TRACFIN avec celle de l'autorité judiciaire et des services délégués par celle-ci, implique très fréquemment la consultation du TAJ (environ 9000 consultations du TAJ annuelles). Ces consultationss'effectuent actuellement de manière indirecte, à la fois par l'intermédiaire de l'OCRGDF et par le biais des trois officiers de liaison police/gendarmerie présents à TRACFIN.Néanmoins, compte tenu de l'augmentation massive et continue du flux d'informations à traiter par TRACFIN (18 000 informations reçues en 2009, 28 000 en 2013 et 38 000 en 2014), le système de consultation indirecte trouve ses limites et l'accès direct de TRACFIN au TAJ prévu en matière de prévention du terrorisme ne répond que très partiellement à la problématique. Surtout, ce système ne correspond pas à la réalité l'analyse initiale de l'information financière reçue, stade auquel TRACFIN ignore encore si les flux portés à sa connaissance sont susceptibles d'être mis en lien avec du financement du terrorisme ou du blanchiment d'une infraction pénale. Il est en effet difficile pour Tracfin d'apprécier la pertinence d'une information sans une consultation du TAJ, c'est la qualité et l'intérêt des informations transmises à la Justice qui s'en trouverait compromise.
L'élargissement de cet accès ne contrevient à aucune norme d'ordre constitutionnel ou conventionnel dans la mesure où il estpleinement justifié par les missions du service et où il exclut les données relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes.
Enfin, il est important de rappeler :
-d'une part, que Tracfin est un service de renseignement spécialisé qui ne peut agir d'initiative (il faut que le service ait été destinataire d'une déclaration ou une information de soupçon préalable pour mettre en œuvre des investigations, notamment la consultation du TAJ);
-d'autre part, que l'accès au TAJ sera réservé à des agents spécialement habilités et que la traçabilité des consultations sera assurée à la fois par le TAJ et par le système d'information de Tracfin (STRATRAC) dans la mesure où toute consultation constitue un acte d'investigation qui doit être mentionné dans chaque dossier ouvert dans STARTRAC.
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