Amendement N° CL75 (Non soutenu)

Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement

Déposé le 15 février 2016 par : M. Fenech.

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I. - L'article 56‑1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

«  Art. 56-1. - Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et spécialement motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision, accompagnée des éléments essentiels du dossier d'enquête, est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat. Celui-ci et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents, des données dématérialisées ou des objets se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents, des données dématérialisées ou des objets relatifs à d'autres infractions ou faits que ceux mentionnés dans la décision précitée.
«  Les experts désignés par le parquet ou sur commission rogatoire du juge d'instruction pour procéder à la saisie informatique de données dématérialisées doivent effectuer une copie du disque dur de l'ordinateur, objet des investigations, sans pouvoir saisir l'original, quelle que puisse être la durée des opérations de copie. Ils doivent procéder au remontage de l'original du disque dur à l'issue de leurs opérations sur place.
«  Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d'avocat.
«  Les dispositions des trois précédents alinéas sont édictées à peine de nullité.
«  Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à la saisie d'un document, d'une donnée dématérialisée ou d'un objet s'il estime que cette saisie serait irrégulière. Le document, la donnée dématérialisée ou l'objet doit alors être placé sous scellé fermé portant pour seule mention documents ou objets contestés. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres documents ou données dématérialisées ou d'autres objets ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document ou l'objet placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure. L'original ou la copie du dossier précité est également mis à la disposition du bâtonnier ou de son délégué et du conseil de l'avocat ayant fait l'objet de la perquisition.
«  L'avocat faisant l'objet d'une perquisition a la faculté de se faire assister par le conseil de son choix lors de la perquisition, qu'il soit ou non gardé à vue, et lors de l'audience du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation de la perquisition.
«  La décision de saisine du juge des libertés et de la détention par le magistrat ayant procédé à la perquisition doit être communiquée au bâtonnier ou à son délégué et à l'avocat de la personne ayant fait l'objet de cette mesure. Ceux-ci ont la possibilité de consulter le dossier de l'enquête ou de l'instruction transmis au juge des libertés et de la détention et au greffe de celui-ci dans un délai raisonnable, avant et pendant l'audience du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation.
«  Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel. La décision / l'ordonnance du premier président peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation par le magistrat qui a procédé à la perquisition, le bâtonnier ou son délégué ainsi que l'avocat ayant fait l'objet de la perquisition.
«  À cette fin, le juge des libertés et de la détention entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République dans l'hypothèse d'une enquête préliminaire, ainsi que l'avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et son conseil, et le bâtonnier ou son délégué. Il doit ouvrir le scellé en présence de ces personnes.
«  S'il estime qu'il n'y a pas lieu à saisir le document ou l'objet, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document, à son contenu ou à cet objet qui figurerait dans le dossier de la procédure.
«  Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction.
«  Il appartient au juge des libertés et de la détention qui se trouve dans l'incapacité de lire les données dématérialisées de la saisie informatique à partir de la copie d'un disque dur de désigner un expert chargé de distinguer les éléments intéressant l'enquête de ceux qui y sont étrangers. Le rapport remis par l'expert au juge des libertés et de la détention est communiqué au magistrat qui a procédé à la perquisition, au bâtonnier ou à son délégué présent lors de la perquisition, ainsi qu'à l'avocat ayant fait l'objet de la perquisition et à son conseil. Ce rapport est discuté de manière contradictoire devant le juge des libertés et de la détention lors de l'audience portant sur la contestation.
«  Les dispositions du présent article sont également applicables aux perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre des avocats, du Conseil national des barreaux ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats. Dans ce cas, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention sont exercées par le président du tribunal de grande instance qui doit être préalablement avisé de la perquisition. Il en est de même en cas de perquisition au cabinet ou au domicile du bâtonnier.
«  Les formalités mentionnées aux alinéas ci-dessus sont prescrites à peine de nullité.
«  Est irrégulière une saisie qui contrevient au secret professionnel de l'avocat, à tout secret protégé par la loi, à la présomption d'innocence et aux droits de la défense. »

II. – L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales est complété par VII ainsi rédigé :

«  VII. - Dans l'hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d'un avocat, ou les locaux de l'ordre des avocats ou du Conseil national des barreaux ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est renvoyé aux dispositions de l'article 56‑1 du code de procédure pénale. »

III. – L'article L. 450‑4 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  Dans l'hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d'un avocat ou les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats ou du Conseil national des barreaux, il est renvoyé aux dispositions de l'article 56‑1 du code de procédure pénale. »

Exposé sommaire :

La perquisition au cabinet d'avocat est par nature une mesure coercitive gravement attentatoire au secret professionnel de l'avocat. En pratique, elle constitue aujourd'hui une atteinte pure et simple au libre exercice de la profession d'avocat. Il est en effet constaté la multiplication des perquisitions et des écoutes téléphoniques visant les avocats de façon directe ou indirecte à la seule fin de collecte d'éléments pouvant être retenus à l'encontre de leurs clients. Pourtant, la protection du secret ne concerne pas seulement l'avocat et son cabinet mais l'ensemble des données personnelles que ses clients lui ont confiées, et ce où qu'elles se trouvent.

Il importe donc de refondre le régime des perquisitions du domicile et du cabinet de l'avocat, afin de veiller à la nécessaire protection du secret professionnel en n'autorisant que les mesures strictement nécessaires et proportionnées à l'objectif poursuivi, et d'harmoniser les différents textes régissant les perquisitions du domicile et du cabinet de l'avocat.

Ce texte doit également être l'occasion de réintroduire un régime des perquisitions fiscales en cabinet d'avocats. En effet,  dans le cadre de l'examen de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, le Parlement avait inséré dans l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales un paragraphe V bis aux termes duquel : « Dans l'hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d'un avocat, les locaux de l'ordre des avocats ou les locaux des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application de l'article 56-1 du code de procédure pénale ». Cette disposition était portée par l'article 38 de la loi.

Saisi de la constitutionnalité de la loi, le Conseil constitutionnel, par une décision du 4 décembre 2013 (n° 2013-679 DC), a observé que les dispositions des articles 38 et 40 de la loi permettaient aux administrations fiscale et douanière d'utiliser toutes les informations qu'elles recevaient, quelle qu'en soit l'origine, à l'appui des demandes d'autorisation de procéder à des visites domiciliaires fiscales opérées sur le fondement de l'article L. 16 B et qu'il en résultait que le législateur avait privé de garanties légales les exigences du droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile. Les articles 38 et 40 ont donc été annulés dans leur intégralité.

L'inconstitutionnalité ne concernait pas cependant les garanties prévues par le paragraphe V bis qui devait être ajouté à l'article L 16 B du LPF. Il apparaît, par conséquent, que le dispositif du paragraphe V bis devrait désormais être repris.

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