Déposé le 1er mars 2016 par : Mme Olivier, M. Rouillard.
L'article 122‑6 du code pénal est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Pour se défendre contre une personne qui a déjà commis à son encontre des actes de violences de manière réitérée, entretenant une menace permanente. »
Cet amendement vise à améliorer l'évaluation de la légitime défense. La réitération d'actes de violences entretenant une menace permanente doit permettre de faire reconnaître l'état de légitime défense.
Il s'agit de prendre en compte par exemple les cas de violences faites aux femmes poussant les victimes à se défendre contre leur agresseur. Dans ces cas, les actes de violences répétés et l'emprise de l'agresseur sur sa victime peuvent la placer dans un état de danger de mort permanent qui peut expliquer un geste pouvant paraître disproportionné en réponse immédiate.
Cette rédaction s'inspire de l'article 34 du Code criminel canadien qui n'a pas créé un régime spécifique aux femmes victimes de violences. En 1990, la Cour suprême du Canada (arrêt Lavallée) a acquitté MmeLavallée qui avait tué son compagnon violent alors qu'il quittait la chambre et lui tournait le dos. Cette situation interrogeait les critères d'actualité, de proportionnalité et de nécessité permettant de caractériser la légitime défense. Dans l'arrêt, la juge souligne que la légitime défense a été conçue pour un « hypothétique homme raisonnable », qui ne se trouve pas dans la situation des femmes victimes des violences de leur conjoint. Elle s'appuie sur les travaux de la psychologue américaine Leonor Walker qui montre le caractère cyclique de ces violences et leur impact psycho-traumatique nommé « syndrome de la femme battue ».
Au sujet du critère de « l'actualité », la juge écrit : « l'exigence posée […] qu'une femme battue attende que l'agression soit »en cours« pour que ses appréhensions soient reconnues comme juridiquement valables […] n'apporte rien à la société, si ce n'est peut-être le risque accru que la femme battue soit elle-même tuée, de l'obliger à attendre que le mari qui la maltraite se remette à la battre, pour pouvoir agir avec justification. » La jurisprudence Lavallée et celles postérieures ont été intégrées dans le code criminel canadien en 2012, à l'occasion d'une refonte générale de la définition de la légitime défense.
Selon l'art. 34 (2) de ce code, « la nature, la durée et l'historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d'emploi de la force avant l'incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace » doivent être pris en compte pour apprécier si la personne alléguant la légitime défense a agi de façon raisonnable.
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