Amendement N° 553 rectifié (Adopté)

Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement

Sous-amendements associés : 571

Déposé le 1er mars 2016 par : le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

«  I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
«  1° Les articles 77‑2 et 77‑3 sont ainsi rédigés :
«  Art. 77‑2. – I. – Toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d'une peine privative de liberté et qui a fait l'objet d'un des actes prévus aux articles 56, 61‑1, 62‑2, 76 ou 706‑141 à 706‑158, peut, six mois après l'accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec accusé de réception ou déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure afin de faire ses observations.
«  Dans le cas où une demande prévue par le premier alinéa a été formée, le procureur de la République, doit, lorsque l'enquête lui paraît terminée et s'il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure de l'article 390‑1, aviser celle-ci ou son avocat de la mise à disposition, à son avocat ou à elle-même si elle n'est pas assistée par un avocat, d'une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations dans un délai d'un mois, selon les formes mentionnées à l'alinéa précédent. Lorsqu'elle a déposé plainte, la victime dispose alors des mêmes droits et en est avisée dans les mêmes conditions.
«  Pendant ce délai d'un mois, le procureur ne peut prendre aucune décision sur l'action publique, hors l'ouverture d'une information ou l'application des dispositions de l'article 393.
«  II. – À tout moment de la procédure, et même en l'absence de demande prévue par le premier alinéa du I, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la victime et à la personne suspectée pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat.
«  III. – Dans les cas mentionnés aux I et II, les observations de la personne ou de son avocat, qui sont versées au dossier de la procédure, peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l'enquête et sur les modalités d'engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles peuvent comporter, le cas échéant, des demandes d'actes que la personne estime utiles à la manifestation de la vérité.
«  Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations. Il en informe les personnes concernées.
«  IV.– Si, à la suite d'une demande formée conformément au I par une personne déjà entendue en application des articles 61‑1, 62‑2 ou 76, l'enquête préliminaire se poursuit et doit donner lieu à une nouvelle audition de la personne en application de l'article 61‑1, celle-ci est informée, au moins dix jours avant cette audition, qu'elle peut demander la consultation du dossier de la procédure par un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier ou par elle-même si elle n'est pas assistée par un avocat. Le dossier est alors mis à disposition au plus tard cinq jours ouvrables avant l'audition de la personne. En l'absence d'une telle information et de la mise à disposition du dossier, la personne peut demander le report de son audition. Les dispositions du présent alinéa ne s'appliquent pas si la personne est à nouveau entendue dans le cadre d'un garde à vue sans avoir été préalablement convoquée ; dans ce cas, l'avocat de la personne ou, si elle n'est pas assistée par un avocat, la personnepeut cependant consulter le dossier de la procédure dès le début de la garde à vue.
«  Art. 77‑3. – La demande mentionnée au premier alinéa de l'article 77‑2 est faite au procureur de la République sous la direction duquel l'enquête est menée. À défaut, si cette information n'est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'un des actes mentionnés à cet article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l'enquête. » ;
«  2° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 393, les mots : « et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » sont remplacés par les mots : « , sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu'il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d'engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. ».
«  II. – Les I et IV de l'article 77‑2 du code de procédure pénale sont applicables aux personnes ayant fait l'objet d'un des actes prévus aux articles 56, 61‑1, 62‑2, 76 ou 706‑141 à 706‑158 du même code après l'entrée en vigueur de la présente loi. »

Exposé sommaire :

L'article 24 du projet de loi instituait une phase de règlement contradictoire facultatif et simplifié, destinée à s'appliquer dans les enquêtes longues et complexes, en prévoyant d'ouvrir aux personnes ayant fait l'objet d'une mesure d'investigation depuis plus de six mois au cours d'une enquête préliminaire ouverte depuis plus d'un an la faculté de demander au procureur de la République un accès au dossier afin de formuler, pendant un délai d'un mois, des observations.

La commission des lois, adoptant un amendement de son rapporteur, a profondément réécrit cet article afin de prévoir que ce règlement contradictoire s'appliquerait dans toutes les enquêtes préliminaires, quelle que soit leur durée, et même en l'absence de demande des personnes intéressées.

Le texte retenu oblige ainsi le procureur, lorsqu'il estime son enquête terminée, à systématiquement communiquer le dossier de la procédure aux personnes qu'il envisage de poursuivre autrement que dans le cadre d'un défèrement aux fins de convocation par procès-verbal ou de comparution immédiate, et de leur donner, à elles et aux victimes ou plaignants, un délai d'un mois pour formuler des observations, délai pendant lequel il ne peut prendre de décision sur l'action publique.

Ces dispositions constituent un bouleversement majeur, totalement inapplicable et sur le fond profondément injustifié, de la procédure pénale.

Elles obligent en effet le procureur, avant toute décision de poursuite à l'issue d'une enquête préliminaire, notamment avant une convocation par officier de police judiciaire, une citation directe, une ordonnance pénale, une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou d'ouverture d'information, de communiquer le dossier à la personne suspecte et la victime, et d'attendre un mois leur éventuelles observations avant de prendre sa décision.

Cette communication du dossier et ce délai d'attente d'un mois seraient ainsi applicables, au vu de l'évaluation réalisée par le ministère de la justice, dans environ 375 000 procédures chaque année, et l'impact de cette réforme en ETP de magistrats du parquet et fonctionnaires du greffe serait donc extrêmement important.

Cette réforme mettrait par ailleurs totalement fin, hors le cas limité de la flagrance, à la pratique du traitement en temps réel, en interdisant au procureur de décider du mode de poursuites, à l'issue de l'audition de la personne au cours de l'enquête, notamment le recours à la COPJ qui intervient dans 150 000 procédures chaque année.

Si après la communication de l'entier dossier – qui ne pourra pas intervenir immédiatement, sauf à créer une nouvelle charge inacceptable pour les services enquêteurs, et après le délai d'observations d'un mois, le procureur décide cependant d'une COPJ, il appartiendra aux forces de l'ordre de convoquer à nouveau la personne pour lui signifier ces poursuites, ce qui aggravera encore le poids de leur tâche. L'impact de la réforme sur les forces de police et de gendarmerie serait donc également extrêmement important. Si le procureur renonce à une COPJ et décide d'une citation directe par un huissier, l'impact sur les frais de justice sera alors considérable, puisque 150 000 citations devraient s'ajouter aux 30 000 citations annuelles.

Enfin, sur le fond, dans la très grande majorité des procédures, dans lesquelles les faits sont soit simples soit non contestés, cette phrase contradictoire obligatoire et systématique ne sera d'aucune utilité pour l'exercice des droits de la défense.

Le Gouvernement estime donc indispensable de revenir à un dispositif plus proche de celui du projet initial, ce qui est l'objet du présent amendement.

Ce dispositif est cependant modifié et amélioré sur plusieurs points, afin de prendre en compte certaines des interrogations et critiques pertinentes de la commission des lois.

En premier lieu, le critère de l'enquête préliminaire de plus d'un an, condition du reste difficile à connaître par la personne, n'est pas retenu. En revanche est maintenue la condition essentielle consistant en une demande formée par une personne mise en cause six mois auparavant au cours de l'enquête. Cette condition est doublement indispensable, d'une part pour s'assurer que ce dispositif ne s'appliquera que si la personne suspectée estime nécessaire de faire des observations, d'autre part pour tenir compte des contraintes matérielles des enquêteurs et des parquets qui exigent de leur donner un délai d'au moins six mois pour clôturer et enquête et prendre une décision sur l'action publique sans imposer une possible phase contradictoire. Ce délai de six mois sera du reste une incitation pour clôturer rapidement les enquêtes simples, et son non-respect constituera un indice d'une possible complexité du dossier, justifiant donc l'ouverture, à la demande, d'une phase contradictoire.

En deuxième lieu, en cas de demande, la communication du dossier ne devra intervenir, comme le proposait le texte de la commission, que lorsque l'enquête sera terminée, critère clair et objectif, similaire à celui de l'avis de fin d'information prévu par l'article 175, et non lorsque le procureur estimera la procédure communicable.

En troisième lieu, la communication ne devra être faite qu'aux personnes que le parquet envisage de poursuivre, ainsi que le précisait le texte de la commission. Plus précisément, ce ne sera que si le parquet envisage des poursuites par COPJ ou citation directe que la communication sera nécessaire. En effet, dans tous les autres cas, elle n'est pas justifiée : en cas de défèrement, l'article 392 prévoit déjà une procédure contradictoire ; en cas d'ouverture d'information, la procédure devient alors par nature totalement contradictoire ; en cas de CRPC, la procédure est non seulement contradictoire, mais exige l'accord de la personne ; enfin, en cas d'ordonnance pénale, outre que cette procédure s'applique dans des affaires simple, l'ordonnance est susceptible d'opposition par la personne.

En quatrième lieu, ce dispositif ne s'appliquera que pour les infractions punis d'une peine privative de liberté, car il serait excessif de le prévoir non seulement pour des contraventions, mais également pour des délits non punis d'une peine d'emprisonnement, délits qui ne permettent ni le placement en garde à  vue, ni l'assistance d'un avocat au cours de l'audition libre.

En cinquième lieu, il est précisé que le dispositif s'applique à la victime ayant déposé plainte, ce qui est plus exact et cohérent que le projet, qui parlait de façon générale de la victime, même en l'absence de plainte, ou que le texte de la commission, qui parlait à la fois de la victime et du plaignant. En effet, au cours de l'instruction, le contradictoire ne s'applique qu'à la victime qui s'est constituée partie civile, et il est donc logique qu'il s'applique au cours de l'enquête à la victime qui a déposé plainte.

En sixième lieu, le droit à l'accès au dossier en cas de poursuite de l'enquête et de nouvelle audition est mieux précisé, dans un IV de l'article 77-2 : ce droit ne s'appliquera que si la personne qui a fait la demande a déjà été entendue, en audition libre ou garde à vue, et pas si elle a simplement fait l'objet d'une perquisition ou d'une saisie, qui peut en effet concerner une personne en fuite et qui n'est interpellée que six mois plus tard et qui aurait alors communication du dossier dès sa première audition ; il est précisé qu'à défaut d'information sur la mise à disposition du dossier cinq jours ouvrables avant l'audition, la personne pourra demander le report de celle-ci, ce qui, à défaut d'une telle demande, évitera une annulation de la procédure ; ces règles s'appliqueront en cas de nouvelle audition libre, mais pas en en cas de garde à vue sans convocation préalable, donc faisant suite à une interpellation, car la personne ne peut évidemment être informée cinq jours auparavant, et dans ce cas sera uniquement prévu l'accès au dossier.

Il est par ailleurs précisé que la demande est en principe adressée au procureur saisi des faits, et uniquement à défaut, si cette information n'est pas connue de la personne, au procureur de la République dans le ressort duquel l'enquête a été menée.

Enfin, les modalités d'application dans le temps des nouvelles dispositions sont précisées. La demande de règlement contradictoire de l'enquête ne pourra être formée que par les personnes ayant fait l'objet d'un acte de procédure après l'entrée en vigueur de la loi, et non pas par toutes les personnes  déjà entendues six mois auparavant. Le procureur pourra toutefois, dès cette entrée en vigueur, communiquer le dossier en application du II de l'article 77-2. Cela permettra une montée en puissance progressive de la réforme sans désorganiser le fonctionnement des parquets.

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