Déposé le 23 mai 2016 par : Mme Gaillard.
Supprimer les alinéas 14 à 17.
SCISSION CL262
L'amendement reprend l'essentiel de la proposition de loi déposée le 29 mars 2016 (n°3607). Toutefois, tenant compte des travaux du Conseil d'État publiés postérieurement, il retient une définition plus large du lanceur d'alerte, qui n'est plus restreinte au seul champ de la relation de travail.
L'amendement retient aussi que la protection doit être assurée par une Autorité indépendante. Celle-ci peut être uniquement dédiée à l'alerte.
Cette protection pourrait aussi être exercée par le Défenseur des droits, comme le proposait le Conseil d'État, ce qui exigerait un amendement organique. L'amendement présent confère à l'autorité des pouvoirs comparables à ceux du Défenseur des droits.
Cette protection pourrait encore être assurée par la Haute autorité de transparence de la vie publique, ce qui présenterait l'avantage de conférer à une autorité indépendante déjà existante cette nouvelle mission.
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Les lanceurs d'alerte ont, au cours des cinquante dernières années, contribué à une meilleure information des institutions et des citoyens et à la sauvegarde de vies humaines, du patrimoine, des biens et ressources publiques, renforçant ainsi la responsabilité et la gouvernance citoyennes et démocratiques.
Alors que l'alerte éthique ne figure pas dans le droit français, de nombreux textes internationaux reconnaissent le lanceur d'alerte, qu'il s'agisse de conventions internationales ratifiées par la France, ou de droit souple dans les domaines des droits de l'Homme, du droit du travail, du droit pénal, de la lutte anti-corruption ou de la gouvernance.
Au niveau international, le rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté d'opinion et d'expression a rappelé en 2004 que les lanceurs d'alerte doivent être protégés contre toute sanction s'ils agissent de bonne foi. Le rapporteur spécial de l'ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression a, quant à lui, inscrit en 2015 dans ses recommandations pour la protection des lanceurs d'alerte : « La législation de l'État doit protéger toute personne qui divulgue des informations qu'elle a des motifs raisonnables de considérer véridiques au moment de leur divulgation et qui portent sur des faits attentatoires à un intérêt public précis ou le menaçant, tels qu'une violation du droit national ou international, un abus d'autorité, un gaspillage, une fraude ou des atteintes à l'environnement, à la santé ou à la sécurité publiques. Après avoir pris connaissance des faits, les autorités doivent enquêter et remédier aux actes illicites allégués sans exception fondée sur les motifs présumés ou la « bonne foi » de la personne qui a divulgué l'information ».
Au niveau européen, faisant suite aux Résolution 1729 (2010) et Recommandation 1916 (2010) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, la Recommandation Rec(2014)7 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur la protection des lanceurs d'alerte, adoptée le 30 avril 2014 demande aux États « de disposer d'un cadre normatif, institutionnel et judiciaire pour protéger les personnes qui, dans le cadre de leurs relations de travail, font des signalements ou révèlent des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l'intérêt général ». Elle a été complétée par la Résolution 2060 et la Recommandation 2073 du 23 juin 2015, appelant à étendre la protection accordée aux services de sécurité nationale et de renseignement, et à adopter « un instrument juridique contraignant (convention) consacré à la protection des donneurs d'alerte sur la base de la Recommandation CM/Rec(2014)7 ».
La législation française a, quant à elle, accumulé les dispositions relatives aux lanceurs d'alerte dans des textes épars. L'essentiel de ces dispositions figure dans le code du travail. Hors ces dispositions partielles disséminées, cinq articles de cinq lois différentes de 2007 à 2013 protègent des signalements sectoriels.
Ces textes n'assurent pas une protection générale et effective des lanceurs d'alerte.
D'une part, ils n'assurent pas une égalité de traitement à l'ensemble des lanceurs d'alerte en accordant une protection inégale dans le cadre du contrat de travail, et sans prévoir de protection juridique pour les lanceurs d'alerte non liés par un contrat de travail. De plus, les dispositions actuelles divergent en ce qui concerne le détail de la liste des protections accordées, introduisant une première incertitude juridique.
D'autre part, les textes actuels divergent quant aux procédures comme aux destinataires du signalement.
Enfin ils n'opèrent aucune hiérarchisation des injonctions qui peuvent être contradictoires selon les statuts et les exigences déontologiques (obéissance et respect de la hiérarchie, devoir de réserve, discrétion et secret professionnel).
Le dispositif français très émietté se présente donc sous la forme d'un millefeuille, paradoxal, lacunaire, aux injonctions contradictoires, sans définition globale du lanceur d'alerte, sans autorité indépendante ni moyens dédiés, ni soutien aux victimes. Il n'offre pas de sécurité juridique et ne répond qu'imparfaitement à la nécessité d'une protection effective du lanceur l'alerte. De plus, celui-ci doit, quel que soit le texte protecteur, patienter le temps de la procédure pour faire valoir ses droits ; une réparation a posteriori, qui n'efface pas une moyenne de dix années de licenciement, de procédures et de déchéance sociale ne constitue pas une alternative au silence.
Une dizaine de pays dans le monde a adopté une loi unique dédiée à la protection des lanceurs d'alerte.
L'objectif de cette proposition de loi répond à cet objectif de protection effective, en amont et en aval, par la clarification du dispositif et son unification.
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Le I du présent article définit le lanceur d'alerte. Il s'inspire de la recommandation précitée du Conseil de l'Europe. Il tient aussi compte de la proposition du Conseil d'État, qui propose de définir un socle protecteur pour toute personne qui, confrontée à des faits constitutifs de manquements graves aux dispositions en vigueur ou porteurs de risques graves, décide librement et en conscience de lancer une alerte dans l'intérêt général, et sur lesquelles se fonderait l'harmonisation des dispositifs sectoriels existants relatifs aux lanceurs d'alerte.
Le II du présent article précise les mécanismes de l'alerte et les voies et étapes du signalement. Il prévoit que le signalement soit préalablement effectué en interne ou auprès de l'Agence nationale de l'alerte ou d'une autorité administrative ou judiciaire ou d'un parlementaire avant d'être rendu public.
Le III du présent article pose le principe de la nullité des obligations de confidentialité dès lors qu'elles viseraient à faire obstacle à une révélation ou un signalement, dans la limite du champ défini au I du présent article.
Le IV du présent article réserve le signalement à une autorité judiciaire ou à l'Agence nationale de l'alerte dans le cas où l'information divulguée relève du secret défense ou du secret des affaires.
En effet, aucun secret professionnel n'est pas intangible. Il doit être mis en balance avec la nécessité de dévoiler un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général. S'agissant des avocats, cette exception s'inscrit dans la ligne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de déclaration de soupçon (Michaud contre France, 6 décembre 2012, n°12323/11).
Elle s'inscrit également dans la ligne d'une jurisprudence de cette cour, très protectrice des lanceurs d'alerte (CEDH, 12 févr. 2008, n° 14277/04, Guja c/ Moldavie ; 26 févr. 2009, n° 29492/05, Koudechkina c/ Russie; 8 janv. 2013, n° 40238/02, Bucur et Toma c/ Roumanie.; 19 févr. 2009, n° 4063/04, Martchenko c/ Ukraine; CEDH, 21 juin 2011, n° 28274/08, Heinisch c/ Allemagne.)
Si le secret est pénalement protégé, il convient, comme le demande le Conseil d'État, d'opérer une conciliation l'intérêt qui s'attache à une protection de ce secret et celui lié à la révélation de faits. C'est pourquoi le lanceur d'alerte ne bénéficie pas du dispositif de l'amendement en cas de divulgation publique de secrets protégés : il doit en informer l'autorité en charge de la protection de l'alerte ou de l'autorité judiciaire. A défaut, il pourra faire l'objet de poursuites pénales, sur le fondement de l'article 226-13 du code pénal.
Le V du présent article prévoit pour les administrations et les entreprises d'une obligation de publicité des modalités de signalement d'une alerte à l'Agence nationale de l'alerte.
Le VI du présent article pose le principe que le lanceur d'alerte est protégé contre toutes représailles.
Par sa généralité, il s'agit de viser toutes les représailles directes ou indirectes ciblant le lanceur d'alerte, dès lors que les éléments de fait et de preuve permettent d'établir un lien entre le signalement et les mesures de rétorsion.
Pour l'application de ce principe, l'amendement reprend les dispositions qui existent déjà dans notre législation en retenant les critères les plus protecteurs. Ces textes disposent tout particulièrement qu'aucune personne ne peut faire l'objet de mesures de rétorsion ou de discrimination pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Ils prévoient aussi un aménagement de la charge de la preuve en cas de procès : il incombe à la partie adverse, au vu des éléments produits par le lanceur d'alerte, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement.
Inspirées de celles qui concernent les salariés protégés, les dispositions précisent que toute rupture de la relation de travail ou révocation qui résulterait d'un signalement ou tout acte contraire est nul de plein droit. La nullité emporte la réintégration du salarié dans son emploi.
En cas de licenciement d'un lanceur d'alerte dans une entreprise privée, l'article donne compétence au conseil de prud'hommes pour intervenir en référé afin de prendre des mesures conservatoires de maintien du lanceur d'alerte dans son emploi.
De même un référé administratif est prévu pour la protection de l'agent public.
Le VII du présent article pose le principe d'une indemnisation du lanceur d'alerte au regard du dommage moral et financier subi le cas échéant. Pour assurer l'effectivité de ce principe de droit commun de réparation civile, il confie à l'Agence nationale de l'alerte de déterminer le montant de la réparation financière. Cette indemnisation est assurée par le fonds prévu à l'article L. 422-1 du code des assurances.
Le VIII du présent article institue une autorité administrative indépendante, l'Agence nationale de l'alerte. Il fixe sa composition et les modalités de désignation de ses membres, ainsi que la durée de leur mandat.
Le IX du présent article précise les missions de l'Agence nationale de l'alerte. Elle est en charge de recueillir et traiter les alertes, de conseiller, accompagner et protéger le lanceur d'alerte et d'informer le public sur la législation en matière d'alerte. Il dresse encore la liste des personnes ou organisations habilitées à saisir l'agence nationale de l'alerte et prévoit que celle-ci dispose d'un pouvoir d'auto-saisine.
Le X du présent article précise les pouvoirs de l'Agence nationale de l'alerte.
Il permet à l'Agence nationale de l'alerte de demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant elle, l'autorise à procéder à toutes vérifications ou enquêtes et à recueillir toute information qui lui apparaît nécessaire sans que son caractère secret ou confidentiel puisse lui être opposé.
Il définit les cadres et les conditions de saisine par l'Agence de différentes autorités judiciaires.
Il donne la possibilité à l'Agence nationale de l'alerte de recommander de procéder aux modifications réglementaires qui lui paraissent utiles.
Il lui permet également de consulter le Conseil d'État ou la Cour des comptes et de rendre publics leurs avis, de même que de leur demander de faire procéder à toutes études.
Le XI du présent article dispose des sanctions pénales en cas d'entrave au signalement d'une alerte ou de mesures de rétorsion à l'encontre d'un lanceur d'alerte.
Le XII du présent article prévoit également dans les administrations publiques la possibilité de sanctions disciplinaires pour toute personne ayant entravé le signalement d'une alerte ou engagé des mesures de rétorsion à l'encontre du lanceur d'alerte suite à son signalement. L'autorité investie du pouvoir d'engager des poursuites disciplinaires est alors saisie par l'Agence nationale de l'alerte.
Le XIII du présent article liste les dispositions existantes abrogées par la présente loi dans un souci d'efficacité et d'harmonisation de la législation.
Le XIV du présent article est une disposition de coordination : dès lors que ce statut global est créé, il n'y a pas lieu de prévoir de nouveaux statuts particuliers dans le projet de loi. Il prévoit la possibilité pour l'AGRASC de financier le dispositif et garantit la recevabilité financière de l'amendement.
Le XV prévoit la possibilité pour le juge de prononcer d'office une amende civile en cas de procédure en diffamation abusive ou dilatoire. Cet article a une portée générale, mais il tient compte en particulier de la situation des lanceurs d'alerte; Les lanceurs d'alerte externes sont, en particulier, susceptibles de faire l'objet de procédures en diffamation revêtant un caractère abusif. Le recours à de telles procédures reste cependant dissuasif pour les lanceurs d'alerte, compte tenu de leur relative célérité et de leur facile médiatisation. Le montant de l'amende est comparable à celui qui est prévu à l'article 177-2 du code de procédure pénale.
Le XVI du présent article corrige les précédentes lois comportant des dispositions relatives aux lanceurs d'alerte qui en faisant une référence erronée à l'article 226-10 du code pénal sur la dénonciation calomnieuse créaient une nouvelle infraction pénale.
L'article 7 généralise à l'ensemble des administrations publiques la mise en place d'un dispositif interne, sur le type de celui proposé par le texte d'origine pour l'AMF et l'autorité de contrôle prudentiel.
Enfin l'article 8 est modifié : la conformité aux codes de conduite est trop extensive et potentiellement intrusive dans la vie privée des salariés. Le dispositif mis en place dans les entreprises doit être limité aux signalements prévus au I
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