Déposé le 23 mai 2016 par : Mme Mazetier, M. Popelin, Mme Untermaier, Mme Chapdelaine, M. Roman, Mme Karamanli, M. Valax, Mme Appéré, Mme Sommaruga, Mme Le Dissez, M. Mennucci, Mme Dagoma, Mme Zanetti, Mme Laurence Dumont, Mme Descamps-Crosnier, M. Dosière, les membres du groupe socialiste républicain citoyen.
I.Après l'article 41-1-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 41-1-2. I. – Tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus aux articles 433-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1 du code pénal, au huitième alinéa de l'article 434-9 et au deuxième alinéa de l'article 434-9-1 du même code ainsi que, le cas échéant, pour des infractions connexes, de conclure une convention judiciaire d'intérêt public imposant la ou les obligations suivantes :
« 1° Verser une amende pénale d'intérêt public au Trésor public dont le montant est calculé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé dans la convention, à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;
« 2° Se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle d'un commissaire à l'exécution du programme de conformité désigné par la personne morale concernée avec l'accord du service mentionné à l'article 1er de la loi n° du relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, après avis de la personne morale concernée, à un programme de mise en conformité destiné à s'assurer de l'existence et de la mise en œuvre en son sein des mesures et procédures énumérées au II de l'article 131-39-2 du code pénal ;
« Les frais occasionnés par le recours, par le service mentionné à l'article 1er de la même loi ou par le commissaire à l'exécution du programme de conformité, à des experts, personnes ou autorités qualifiés, pour l'assister dans la réalisation d'analyse juridique, financière, fiscale et comptable nécessaire à sa mission de contrôle sont supportés par la personne morale mise en cause dans la limite d'un plafond fixé dans la convention.
« 3° Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la réparation du préjudice commis, réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à un an.
La victime est informée de la décision du procureur de la République de proposer la conclusion d'une convention judiciaire d'intérêt public à la personne morale mise en cause. Elle transmet au procureur de la République tout élément permettant d'établir la réalité et l'étendue de son préjudice.
« II. – Lorsque la personne morale mise en cause donne son accord à la proposition de convention, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal de grande instance aux fins de validation. Ce dernier, ou le juge délégué par lui, prend sa décision à l'issue d'une audience publique.
« La victime est convoquée à l'audience par un avis mentionnant qu'elle pourra présenter des observations devant le juge.
« La convention est jointe à la requête. Elle contient un exposé précis des faits, circonscrits dans l'espace et dans le temps, ainsi que la qualification juridique susceptible de leur être appliquée.
« Les représentants légaux de la personne morale demeurent responsables en tant que personnes physiques.
« La personne morale dispose, à compter du jour de la validation de la convention, d'un délai de dix jours pour exercer son droit de rétractation. La rétractation est notifiée au procureur de la République par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« L'ordonnance de validation n'emporte pas déclaration de culpabilité et n'a ni la nature ni les effets d'un jugement de condamnation.
« L'ordonnance de validation n'est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire.
« Lorsqu'un commissaire à l'exécution du programme de conformité est désigné en application du 2° du I, l'ordonnance de validation et la convention sont publiées sur le site internet du service mentionné à l'article 1er de la loi n° du relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
« L'exécution des obligations fixées dans la convention éteint l'action publique. Elle ne fait pas échec au droit de la ou les personnes ayant subi un préjudice du fait des manquements constatés, sauf l'État, de poursuivre la réparation de leur préjudice devant la juridiction civile.
« La ou les personnes mentionnées à l'alinéa précédent ont la possibilité, au vu de l'ordonnance de validation, lorsque la personne morale auteur des faits s'est engagée à leur verser des dommages et intérêts, d'en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile.
« Si le juge refuse de valider la convention, ou si la personne morale décide d'exercer son droit de rétractation ou si, dans le délai convenu dans la convention, la personne morale ne justifie pas de l'exécution intégrale des obligations fixées à sa charge, le procureur de la République peut engager des poursuites. Dans l'hypothèse où la convention a été mise en œuvre dans le cadre d'une information judiciaire, il est procédé comme indiqué au dernier alinéa du III ci-dessous.
« À peine de nullité, la révocation de la convention par le procureur de la République, pour cause d'inexécution des obligations y figurant, est notifiée à la personne morale mise en cause. Cette décision prend effet immédiatement. Le cas échéant, la révocation de la convention entraîne de plein droit la restitution de l'amende pénale d'intérêt public versée au Trésor public prévue par le 1° du I. Elle n'entraîne cependant pas la restitution des frais supportés par la personne morale et occasionnés par le recours par le service mentionné à l'article 1er de la même loi à des experts, personnes ou autorités qualifiés, pour l'assister dans la réalisation d'analyse juridique, financière, fiscale et comptable nécessaire à sa mission de contrôle.
« La prescription de l'action publique est suspendue durant le délai fixé dans la convention.
II. Après l'article 180-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 180-2 ainsi rédigé :
« Art. 180-2. Lorsque le juge d'instruction est saisi de faits qualifiés de l'un ou plusieurs des délits mentionnés au I de l'article 41-1-2, que la personne morale mise en examen reconnaît les faits et qu'elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l'accord du procureur de la République, prononcer, par ordonnance, la transmission de la procédure au procureur de la République aux fins de mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 41-1-2.
« La demande ou l'accord du procureur de la République en vue de la mise en œuvre de la procédure de convention judiciaire d'intérêt public peut être exprimé ou recueilli au cours de l'information ou à l'occasion de la procédure de règlement prévue à l'article 175.
« L'instruction est suspendue en ce qu'elle concerne la personne morale faisant l'objet de la transmission pour mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 41-1-2. Les mesures prononcées, le cas échéant, au titre du contrôle judiciaire sont maintenues à l'égard de cette personne jusqu'à la validation de la convention.
« L'instruction se poursuit à l'égard des autres parties à la procédure.
« En cas d'échec de la procédure prévue à l'article 41-1-2 dans un délai de trois mois à compter de sa transmission au procureur de la République, ou en cas d'inexécution totale de la convention conclue dans les conditions prévues, le procureur de la République transmet la procédure au juge d'instruction, accompagnée des réquisitions aux fins de reprise de l'information.»
La justice française n'a à ce jour condamné définitivement aucune société française pour corruption active d'agent public étranger depuis 2000, date de la création de cette infraction.
Par ailleurs, les procédures pour atteinte à la probité concernant les personnes morales sont particulièrement longues. Lorsque les sanctions interviennent, c'est tardivement, et elles sont très légères et donc disproportionnées par rapport à la gravité des faits. En outre, la sanction perd son sens lorsqu'elle est prononcée cinq ou six ans après les faits.
Enfin, pour des faits analogues, nos entreprises sont frappées à l'étranger de sanctions lourdes et rapidement exécutées. Les sommes importantes versées par l'entreprise à ce titre sont récupérées par d'autres Etats.
Il est donc indispensable de sortir dustatu quo actuel pour que la France retrouve sa souveraineté dans le domaine pénal et que son dispositif répressif ait un caractère réellement dissuasif.
C'est l'objectif de cet amendement, avec la création d'une conventionjudiciaire d'intérêt public qui vise à garantir l'efficacité de la réponse pénale s'agissant de réprimer l'ensemble des atteintes à la probité. Il ne s'agit pas du dispositif de transaction pénale qui figurait dans l'avant-projet de loi.
À la différence de ce dernier, le dispositif proposé confie à un magistrat du siège le soin d'homologuer la convention de transaction, à l'occasion d'une audience publique et contradictoire. De surcroît, il est expressément prévu que le juge du siège peut refuser cette homologation conformément aux exigences qui découlent du principe constitutionnel de séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement. La souveraineté du juge du siège est donc parfaitement protégée : il n'est pas lié par la convention et pourra en refuser la validation au regard de la nature des faits, la situation de la victime ou des intérêts de la société.
Par ailleurs, alors que le dispositif initialement envisagé par l'avant-projet de loi ne pouvait être mis en œuvre qu'avant la mise en mouvement de l'action publique, l'amendement proposé prévoit la possibilité de conclure une convention judiciaire d'intérêt public lorsque le juge d'instruction est saisi de faits délictueux tenant à la commission d'infractions par des personnes morales. La réintroduction du juge d'instruction au centre du dispositif permet de respecter pleinement le principe de séparation de l'action publique et des autorités de jugement, à rebours de toute critique tenant à la faible maîtrise du dispositif par les autorités judiciaires.
Ce dispositif s'adresse uniquement à l'entreprise comme personnemorale. La convention conclue ne peut dégager ni atténuer la responsabilité des dirigeants et personnes physiques responsables de l'infraction, et n'empêche donc en rien les poursuites contre ceux-ci.
Dans la rédaction proposée, les personnes ayant subi un préjudice sont associées en amont de la procédure. Le procureur de la République est en effet tenu de rechercher ces personnes, de les informer sans délai afin qu'elles soient mises en mesure de présenter leurs observations ainsi que tous éléments afin d'apprécier l'étendue de leur préjudice.
Il est explicitement prévu que« si la personne morale mise en cause justifie de la réparation du préjudice commis, le procureur de la république doit lui proposer de réparer les dommages causés par les manquements constatés dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois ». De surcroît, le procureur de la République« informe la ou les personnes ayant subi un préjudice de cette proposition ». Le dispositif est donc susceptible d'inclure, outre l'amende pénale d'intérêt public qui a un objet d'ordre punitif, l'indemnisation des personnes ayant subi un préjudice qui a une fonction réparatrice, selon des modalités propres à assurer son caractère effectif.
Il prévoit également que les personnes ayant subi un préjudice pourront prendre part à l'audience publique et contradictoire d'homologation de la convention.
Enfin, ce dispositif impose la mise en œuvre d'un mécanisme de recouvrement similaire à celui dont bénéficient les personnes ayant subi un préjudice dans le cadre de la procédure de composition pénale prévue à l'article 41-2 du code de procédure pénale pour les personnes physiques.
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