Déposé le 23 mai 2016 par : Mme Berger.
I.– Après l'article 41‑1‑1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41‑1‑2 ainsi rédigé :
« Art. 41‑1‑2. - Tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour les délits prévus aux articles 435‑3 et 435‑4 du code pénal, de conclure une convention de compensation d'intérêt public imposant la ou les obligations suivantes :
« 1° Verser une somme d'argent au Trésor public dont le montant est calculé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé dans la convention, à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;
« 2° Se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle du service mentionné à l'article 1er de laloi n° durelative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à un programme de mise en conformité destiné à s'assurer de l'existence et de la mise en œuvre en son sein des mesures et procédures listées au II, 2° de l'article 9 de la loi n° du relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
« Les frais occasionnés par le recours au service mentionné à l'article 1er de laloi n° du précitée à des experts, personnes ou autorités qualifiés, pour l'assister dans la réalisation d'analyse juridique, financière, fiscale et comptable nécessaire à sa mission de contrôle sont supportés par la personne morale mise en cause dans la limite d'un plafond fixé dans la convention.
« 3° Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la réparation des préjudices subis, réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à un an. La victime est informée de cette proposition.
La victime est informée de la décision du procureur de la République de proposer la conclusion d'une convention de compensation d'intérêt public à la personne morale mise en cause. Elle transmet au procureur de la République tout élément permettant d'établir la réalité et l'étendue de son préjudice.
« Lorsque la personne morale mise en cause donne son accord à la convention proposée, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal de grande instance aux fins de validation.
« Le président du tribunal de grande instance peut désigner, aux fins de validation de la convention, tout juge du tribunal.
« La convention de compensation d'intérêt public est jointe à la requête. Elle contient un exposé précis des faits, circonscrits dans l'espace et dans le temps, ainsi que la qualification juridique susceptible de leur être appliqués.
« Lors d'une audience publique, le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui constate l'acceptation par la personne morale mise en cause des termes de la convention.
« La personne morale dispose, à compter du jour de la validation de la convention, d'un délai de dix jours pour exercer son droit de rétractation. Le cas échéant, la rétractation est signifiée au procureur de la République par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« Lorsque la convention prévoit le versement d'une somme d'argent au Trésor public, le président ou le juge délégué vérifie que son montant est conforme aux limites fixées au deuxième alinéa. Il vérifie également que ce montant n'est pas manifestement insuffisant au regard de la gravité objective des manquements décrits dans la convention.
« L'ordonnance de validation n'a pas les effets d'un jugement de condamnation.
« L'ordonnance de validation n'est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire.
« L'ordonnance de validation et la convention sont publiées sur le site internet du service mentionné à l'article 1er de laloi n° du précitée accompagnées d'un communiqué de presse du procureur de la République.
« L'exécution des obligations fixées dans la convention éteint l'action publique. Le constat de l'extinction de l'action publique est notifié par le procureur de la République à la personne morale mise en cause ainsi qu'à la victime. Elle ne fait pas échec au droit de la victime de poursuivre la réparation de son préjudice devant la juridiction civile.
« Si le juge refuse de valider la convention, ou si la personne morale décide d'exercer son droit de rétractation ou si, dans le délai convenu dans la convention, la personne morale ne justifie pas de l'exécution intégrale des obligations fixées à sa charge, le procureur de la République retrouve alors la possibilité de mettre en mouvement l'action publique.
« A peine de nullité, la révocation de la convention par le procureur de la République pour cause d'inexécution des obligations y figurant, est notifiée à la personne morale mise en cause. Cette décision ne peut faire l'objet d'aucun recours et prend effet immédiatement. Le cas échéant, la révocation de la convention entraîne de plein droit la restitution des sommes d'argent versées au Trésor public au titre du deuxième alinéa. Elle n'entraine cependant pas la restitution des frais supportés par la personne morale et occasionnés par le recours par le service mentionné à l'article 1er de la loi n° du relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique à des experts, personnes ou autorités qualifiés, pour l'assister dans la réalisation d'analyse juridique, financière, fiscale et comptable nécessaire à sa mission de contrôle.
« La prescription de l'action publique est suspendue durant le délai fixé dans la convention. »
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur du présent article, un rapport portant sur la mise en œuvre de la convention de compensation d'intérêt public et sur son efficacité pour lutter contre la corruption transnationale.
Le rapport précise notamment les données statistiques relatives à la compensation d'intérêt public, les sommes versées en application des 1° et 3° de l'article 41‑1‑2, et présente les éléments nécessaires à la comparaison avec l'ensemble des procédures civiles, administratives et pénales de lutte contre la corruption en France et dans les autres États concernés par la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, signée le 17 décembre 1997.
Le projet de loi que nous examinons doit permettre de donner plus d'efficience à notre système juridique pour lutter contre la fraude des entreprises.
L'inadéquation de notre droit pour concrètement réprimer la corruption transnationale ouvre par ailleurs une brèche dans notre souveraineté. L'application extraterritoriale de leur droit par les États-Unis à nos entreprises trouve justement un fondement sinon légal, en tout cas politique dans les manques de notre système répressif.
Par conséquent, le présent amendement complète le droit pénal français en adjoignant un dispositif visant à conduire les agents économiques auteurs de fraude à participer à l'établissement des faits et à suivre des mesures réparatrices des atteintes portées à l'intérêt général comme aux éventuelles victimes.
Il permet donc au Ministère public, dans les différentes réponses possibles aux infractions de corruption d'agents publics étrangers, de mettre en place ces mesures correctives, dont le non-respect amènera les entreprises concernées à voir leur responsabilité pénale classique réengagée.
Ce mécanisme intègre notamment des mesures de réparation financière substantielles, à verser au Trésor public. Des mesures analogues à celles sanctionnant l'infraction de non-conformité prévue par le présent projet de loi pourront pareillement être instaurées, avec un suivi de la remise en conformité assuré par le service à compétence nationale anticorruption en lien avec le Parquet. Des mesures spécifiques de réparation des préjudices causés aux victimes de la fraude sont explicitement prévues, et pourront donc être intégrées aux engagements des entreprises contrevenantes.
Le système ainsi mis en place doit permettre de redonner une réalité à la lutte contre la corruption internationale, conformément à nos engagements internationaux, notamment dans le cadre de l'OCDE et en particulier la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de 1997.
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