Déposé le 13 juin 2016 par : M. Lurel, Mme Berthelot, Mme Louis-Carabin, M. Aboubacar, M. Jalton, M. Said, M. Fruteau, M. Letchimy, M. Naillet, M. Premat, M. Hanotin, M. Lesterlin, Mme Povéda, M. Pouzol, Mme Olivier, M. Mennucci, M. Demarthe, Mme Laurence Dumont, Mme Rabin, Mme Le Houerou, M. Pupponi, M. Blein, Mme Lepetit, M. Allossery, Mme Appéré, M. Bies, Mme Bourguignon, M. Bricout, Mme Capdevielle, Mme Carrillon-Couvreur, M. Cordery, Mme Corre, M. Philippe Doucet, Mme Françoise Dumas, M. Gille, Mme Got, M. Juanico, M. Kalinowski, Mme Lang, Mme Linkenheld, Mme Lousteau, Mme Maquet, M. Pauvros, Mme Pochon, M. de Rugy, Mme Sommaruga, Mme Tolmont, M. Buisine, Mme Dagoma, M. Savary, M. Frédéric Barbier, M. Ménard, M. Grellier, M. Goua, M. Rogemont, Mme Guittet, M. Féron, Mme Gueugneau, M. Belot, les membres du groupe Socialiste écologiste républicain.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l'article 24bis est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ceux qui auront fait, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'apologie, la négation ou auront contesté ou minimisé de façon outrancière des crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis de façon non exclusive :
« 1° Par l'article 7 du statut de la cour pénale internationale créée à Rome le 17 juillet 1998 ;
« 2° Par l'article 212‑1 du code pénal ;
« 3° Par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 ;
« 4° Par l'article 1 de la loi n° 2001‑434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité » ;
2° À l'article 48‑2, après le mot : « Résistance », sont insérés les mots : « , des déportés, ou de toute autre victime de crimes contre l'humanité ».
A l'initiative de M. Jean-Claude Gayssot, le Parlement a adopté en juillet 1990, une proposition de loi visant à créer une nouvelle infraction pour punir pénalement les propos révisionnistes relatif à la négation du crime contre l'humanité que constitue la Shoah.
Depuis lors, l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse punit d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende toute personne ayant contesté l'existence de crimes contre l'humanité définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par des membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 de ce statut, soit par une personne reconnue coupable d'un tel crime par une juridiction française ou internationale.
L'article 48-2 de la même loi donne par ailleurs la possibilité à toute association, déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont les statuts prévoient la défense de l'honneur de la Résistance ou des déportés, d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour l'apologie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes de collaboration ou en cas de révisionnisme.
Si les articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, qui répriment respectivement la provocation à la discrimination et à la haine raciales, la diffamation et l'injure, permettent - très rarement- de sanctionner des propos qui pourraient remettre en cause la réalité de l'esclavage, il s'avère cependant que le délit d'apologie de l'esclavage et d'atteinte à l'honneur des descendants des victimes n'existe pas dans notre régime juridique.
Ainsi, si le législateur a choisi de qualifier la traite négrière et l'esclavage comme crime contre l'humanité par la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001, les conséquences qui en sont tirées par nos juridictions ne sont que quasi hypothétiques.
L'unique disposition conférant une éventuelle portée judiciaire à la loi de 2001 est son article 5 qui introduit un article 48-1 à la loi de 1881. Cet article donne en effet la possibilité à toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont les statuts prévoient la défense de la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants, d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de provocation à la discrimination, à la haine, ou à la violence raciale, de diffamation ou d'injure raciale. Toutefois, l'article précise que « quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes ».
Si cette disposition est donc une avancée - si tant est que l'association ayant pour but de défendre la mémoire de la traite soit toutefois reconnue comme ayant un rôle de lutte contre le racisme-, il aurait été plus logique dans une optique réellement normative de viser l'infraction d'apologie de crime contre l'humanitéet d'atteinte à l'honneur des descendants des victimes pour les faits de remise en cause du crime contre l'humanité que constituent la traite et l'esclavage.
C'est ainsi que, s'appuyant sur l'imprécision de l'arsenal juridique, la Cour de Cassation a jugé, dans un arrêt du 5 février 2013, que « si la loi du 21 mai 2001 tend à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, une telle disposition législative, ayant pour seul objet de reconnaître une infraction de cette nature, ne saurait être revêtue de la portée normative attachée à la loi et caractériser l'un des éléments constitutifs du délit d'apologie ». Ce faisant, la Cour de cassation a ainsi cassé un arrêt rendu par la cour de Fort-de-France qui a condamné de ce chef des propos tenus sur Canal+ qui évoquaient «les bons côtés de l'esclavage et les colons qui étaient très humains avec leurs esclaves, qui les ont affranchis et qui leur donnaient la possibilité d'avoir un métier». D'autres affaires, telle celle jugée par le tribunal correctionnel de Basse-Terre le 18 septembre 2015concernant des propos tenus publiquement faisant manifestement l'apologie de l'esclavage (« sale nègre, fils de pute, esclave, fils de vieille négresse »), ne peuvent uniquement être jugées qu'au titre de propos racistes et non d'apologie de l'esclavage et de la traite.
Dès lors, en l'état actuel du droit, de tels propos ne constituent, aux yeux de la loi, ni une provocation, ni une apologie, ni une négation de ce crime contre l'humanité, ni une atteinte aux descendants des victimes.
Le présent amendement propose ainsi d'étendre les dispositions de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 à la remise en cause du crime contre l'humanité que constituent la traite et l'esclavage.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.