Déposé le 27 juin 2016 par : Mme Capdevielle, M. Premat, M. Bays, Mme Martinel, Mme Orphé, Mme Bruneau, M. Yves Daniel, M. Aylagas, Mme Povéda, Mme Troallic, M. Mesquida, Mme Pochon, Mme Bouziane-Laroussi, M. Cherki, M. Bleunven, M. Sebaoun, M. Roig, Mme Crozon, M. Capet, M. Vignal.
Cet amendement a été déclaré irrecevable après diffusion en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale.
Cet amendement vise à lutter contre les contrôles d'identité abusifs et discriminatoires, et à renforcer la confiance que nos concitoyens placent dans les forces de l'ordre, sans toutefois remettre en cause l'usage ciblé et approprié des contrôles d'identité dans un objectif de prévention et de répression de la délinquance.
La réalité des contrôles discriminatoires est aujourd'hui un problème reconnu qui affecte au quotidien des milliers de nos concitoyens. La généralité et l'imprécision de sa rédaction actuelle favorisent ces dérives et contribuent aux violations graves et répétées des droits fondamentaux, comme la liberté de circulation, la protection contre l'arbitraire, la protection de la vie privée et la non-discrimination.
La formulation actuelle de l'article 78‑2 permet aux forces de l'ordre de procéder à des contrô1es sans lien nécessaire avec la prévention ou la répression d'un acte de délinquance, et sans avoir à justifier du motif du contrôle.
Des décisions de la Cour d'Appel de Paris du 24 juin 2015 ont rappelé l'État à son devoir d'assurer dans les opérations policières « le principe d'égalité de traitement que toute personne est légitimement en droit d'attendre du service public de la justice ». Condamnant l'État pour faute lourde dans le cadre de cinq contrôles jugés discriminatoires, les arrêts sont extrêmement clairs sur l'obligation de l'État « de prendre toute mesure nécessaire afin d'éviter toute discrimination », devoir auquel il a manqué. Ils notent aussi que l'absence de toute trace des contrôles d'identité effectués prive les victimes de la possibilité de déposer un recours effectif en cas de discrimination ou d'abus.
Ces arrêts suivent les observations du Défenseur des Droits qui avaient souligné dans une décision du 3 février 2015 que l'absence de ces mesures constitue un manquement équivalent « à fermer les yeux sur la gravité de tels actes et à les considérer comme des actes ordinaires.” Le Défenseur précise qu'il est nécessaire d'encadrer suffisamment les pratiques de contrôles, de sorte que tout contrôle soit basé sur des critères objectifs, et non sur des critères subjectifs, tels que le “ressenti”, ou l'”instinct” des agents comme c'est actuellement trop souvent le cas.
La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme en la matière, et notamment les arrêts Gillan et Quinton c/Royaume Uni (arrêt du 12 janvier 2010, numéro 4159/05) et Goussinski c/Russie (arrêt du 19 mai 2004, numéro 70276/01), souligne aussi la nécessité, pour un policier qui contrôle une personne, de « démontrer l'existence d'un motif raisonnable de soupçonner une infraction » compte tenu qu'« accorder un pouvoir aussi étendu aux policiers fait naître un risque clair d'arbitraire ».
Un usage discriminatoire du pouvoir de contrôle contribue à l'érosion de la confiance à l'égard des forces de l'ordre, d'autant plus prononcée que le contrôle est intrusif et souvent accompagné d'une palpation ou d'une fouille. Cet effondrement de la confiance envers la police peut créer une réticence à signaler des activités criminelles ou suspectes ou à coopérer avec la police ou lui fournir des renseignements. Les fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent directement de cette relation dégradée : leurs conditions de travail en sont extrêmement détériorées par le stress permanent engendré par des situations trop souvent conflictuelles.
Lorsque police et gendarmerie cessent ainsi d'être perçues comme les institutions protectrices des libertés publiques et de la sécurité qu'elles devraient être, c'est leur capacité à remplir leurs missions fondamentales - dans le respect des valeurs républicaines et avec le souci de la paix et de la cohésion sociale - qui est remise en cause.
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