Sous-amendements associés : 1580 1581 1582 1584 1585 1586 1587
Déposé le 27 juin 2016 par : M. Hammadi, Mme Chapdelaine, M. Bies, Mme Corre.
Après l'article 78‑2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 78‑2‑1‑A ainsi rédigé :
« Art. 78‑2‑1‑A. – I. – Les contrôles d'identité réalisés en application de l'article 78‑2 donnent lieu, à peine de nullité, à l'établissement d'un document dont un double est remis à l'intéressé et qui mentionne :
« 1° Les motifs invoqués justifiant le contrôle d'identité ;
« 2° L'identité de la personne contrôlée ;
« 3° La date et l'heure du contrôle ;
« 4° Le matricule, le grade et le service de l'agent ayant procédé au contrôle.
« II. – Le dispositif prévu au I peut être expérimenté par l'État dans les conditions prévues au présent article dans les départements ou territoires déterminés par arrêté du ministre de l'intérieur au plus tard le 30 juin 2017 ou, à défaut, sur l'ensemble du territoire national. La durée de l'expérimentation est de deux ans à compter de la date de publication de l'arrêté ou, à défaut, à compter du 30 juin 2017.
« III. – Les dispositions du présent article ne sont pas applicables pendant la période d'état d'urgence prévu par la loi n° 55‑385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. »
Le présent amendement a pour but l'expérimentation de la remise d'un récépissé à la suite d'un contrôle d'identité exécuté sur le fondement de l'article 78‑2 du code de procédure pénale. D'après diverses sources et divers rapports, des contrôles discriminatoires affectent le quotidien des plusieurs de nos concitoyens qui perçoivent ces opérations comme injustes et ciblés.
Une étude, menée conjointement en 2009 par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Open Society Justice Initiative sur cinq lieux répartis entre les gares parisiennes et leurs abords immédiats, a produit les premières données quantitatives sur ce phénomène. Les individus perçus comme « noirs » subissaient des contrôles de police à une fréquence six fois plus élevée que ceux perçus comme « blancs ». Les individus perçus comme « arabes », quant à eux, étaient contrôlés en moyenne huit fois plus fréquemment que les individus perçus comme blancs.
Au début de l'année 2012, l'organisation internationale Human Rights Watch (HRW) a rendu public un rapport intitulé « La base de l'humiliation, les contrôles d'identité abusifs en France ». En conclusion de ce rapport, l'organisation recommandait d'introduire la pratique du récépissé.
S'il n'est pas question de remettre en cause le professionnalisme et la qualité dont font preuve les fonctionnaires de police et les militaires de gendarmerie qui consacrent leur action à assurer la sécurité des Français, il revient aux pouvoirs publics de prendre la juste mesure des alertes qui leur sont adressées. De même, si les pratiques condamnables recensées demeurent en faible nombre au regard de l'activité des forces de l'ordre, le législateur ne saurait en détourner le regard au seul motif de leur faible fréquence. C'est ainsi que, lors de la dernière campagne présidentielle, le candidat François Hollande s'était engagé à lutter « contre le délit de faciès dans les contrôles d'identité par une procédure respectueuse des citoyens » (proposition numéro 30).
Selon ses thuriféraires, le récépissé de contrôle d'identité permettrait de répertorier les contrôles, d'évaluer leur fréquence, et de déterminer l'identité de la personne contrôlée et celle de l'agent qui a procédé au contrôle. La personne contrôlée disposerait alors d'une preuve du contrôle lui permettant, le cas échéant, de faire valoir le caractère abusif de celui-ci. Ce dispositif est appliqué en Grande-Bretagne, au Canada et dans certaines villes espagnoles depuis quelques années avec des effets, paraît-il, bénéfiques.
Au contraire, les contempteurs de la mesure dénoncent la perte de temps qu'elle induit, les raisons qui peuvent justifier de procéder à des contrôles successifs sur un même individu, et les conditions d'exercice difficiles auxquelles sont confrontés les policiers et gendarmes.
Face à ces argumentations contraires, et dans la mesure où l'inaction ne saurait être une réponse aux questions soulevées, le présent amendement propose de procéder à une expérimentation, pour une période limitée à deux ans et dans un nombre restreint de départements, du dispositif de récépissé. Si les résultats n'en sont pas concluants, il conviendra d'écarter définitivement sa revendication. Au contraire, si l'épreuve des faits génère un consensus - comme ce fut le cas des caméras mobiles, initialement en butte à l'hostilité des représentants syndicaux avant d'être finalement plébiscitées par eux -, il sera alors temps de procéder à une généralisation à l'ensemble du territoire.
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