Déposé le 8 juillet 2016 par : M. Ciot.
Après l'alinéa 1, insérer l'alinéa suivant :
« 1° A Au deuxième alinéa de l'article 61, après le mot : « objet », sont insérés les mots : « de prendre le nom d'un parent à l'égard duquel la filiation a été établie postérieurement à la déclaration de naissance ou » ; ».
La protection des droits des enfants compte parmi les sujets qui rassemblent, sans considération partisane, les députés de tous les bancs autour d'un même objectif. Le présent amendement, en apportant une précision technique au sein du code civil, permettra de d'épargner bon nombre de nos concitoyens des souffrances intimes causées par une histoire familiale troublée.
Ainsi que le proclame l'article 8 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989, tout enfant a le droit de « préserver son identité, y compris son nom ».
L'article 57 du code civil prévoit que l'acte de naissance, dressé dans les trois jours de l'accouchement, comporte la mention du nom de famille du nouveau-né. L'article 331‑21 du même code indique que, lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents simultanément, « ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux ».
Dans le cas toutefois où la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul des parents, c'est son nom qui est dévolu par l'enfant aux termes de l'article 331‑23. La même disposition précise toutefois que, en cas d'établissement du second lien de filiation et durant la minorité de l'enfant, les parents peuvent demander à l'officier d'état-civil de changer le nom porté sur l'acte de naissance.
Cette précision bienvenue pose cependant problème puisqu'elle protège davantage le droit du second parent à transmettre son patronyme que le droit de l'enfant à prendre le nom du second parent. En effet, la démarche ne peut être engagée qu'au cours de la minorité de l'enfant et, si son consentement est nécessaire passé treize ans, il ne peut décider lui-même de lancer la procédure. Par ailleurs, cette dérogation expire à la majorité de l'enfant.
En conséquence, le jeune adulte qui souhaite reconstituer la trame de son identité est contraint d'emprunter la voie de l'article 61 du code civil sur le changement de nom. Cette disposition prévoit une procédure lourde, comprenant publication au Journal Officiel et avis du Conseil d'État, et elle conditionne le sort réservé à la requête à l'existence d'un intérêt légitime au changement de nom. Or, et aussi surprenant que cela puisse paraître, si la jurisprudence admet pléthore de raisons légitimes de changer de nom (caractère ridicule ou infâmant du patronyme, francisation, relèvement d'un nom menacé d'extinction, etc.), elle est particulièrement stricte lorsqu'il s'agit de prendre le nom du parent qui ne l'a pas transmis. Un arrêt du 31 janvier 2014 a admis les motivations d'ordre affectif uniquement en présence de « circonstances exceptionnelles », c'est-à-dire en cas de détresse manifeste du demandeur étayée par des preuves circonstanciées.
Qu'un enfant reconnu par son père sur le tard, ou qu'un enfant accouché sous X qui retrouve sa mère des années plus tard, souhaite prendre le nom de ce parent ou l'accoler au sien, apparaît pourtant bien légitime. Marcel Pagnol, dans La fille du puisatier, a exprimé toute la douleur de ne pouvoir se rattacher à une histoire familiale : « Un premier né de Provence, on ne lui dit jamais son petit nom. On l'appelle par son nom de famille. » L'exigence du Conseil d'État est bien lourde pour un chagrin si intime. Si la jurisprudence ne juge pas qu'un enfant puisse porter le nom de celui que la République tient pour son père, ou le nom de celle que la République tient pour sa mère, il convient que la loi l'édicte clairement.
Le présent amendement propose de compléter le dispositif de l'article 61 du code civil, relatif à la procédure de changement de nom, qui établit une présomption de légitimité de la demande lorsque celle-ci vise à éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur. La même présomption de légitimité bénéficierait à l'enfant non reconnu à la naissance qui engage une démarche visant à prendre officiellement le nom du parent en question.
Cette évolution ne remettrait absolument pas en cause les conditions de forme exigées par la procédure de changement de nom. Elle ne porterait pas non plus atteinte au principe d'unicité du nom de famille au sein des fratries puisque la situation dans laquelle plusieurs enfants seraient issus de mêmes parents qui ne les reconnaîtraient ni à la naissance de l'un, ni à la naissance de l'autre, apparaît comme, au choix, foncièrement baroque ou manifestement frauduleuse.
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