Déposé le 26 septembre 2016 par : M. Laurent, M. Hutin.
Compléter cet article par les sept alinéas suivants :
« III. – Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire : Encadrement des écarts de rémunération au sein d'une même entreprise
« Art. L. 3230‑1. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux personnels et aux dirigeants, qu'ils soient ou non régis par le présent code, des sociétés, groupements ou personnes morales, quel que soit leur statut juridique, et des établissements publics à caractère industriel et commercial.
« Art. L. 3230‑2. – Le montant annuel du salaire minimal appliqué dans une entreprise mentionnée à l'article L. 3230‑1 ne peut être inférieur à la vingtième partie du montant annuel, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature qui la composent, de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans l'entreprise.
« Art. L. 3230‑3. – Toute convention ou décision ayant pour effet de porter le montant annuel de la rémunération la plus élevée définie à l'article L. 3230‑2 à un niveau supérieur à vingt fois celui du salaire minimal appliqué dans la même entreprise est nulle de plein droit si ce salaire n'est pas simultanément relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article.
« Art. L. 3230‑4. – Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'information et de consultation du personnel sur les écarts de rémunération pratiqués dans les entreprises mentionnées à l'article L. 3230‑1, dans le cadre de la consultation sur la politique sociale prévue à l'article L. 2323‑15. »
« III. – Les entreprises mentionnées à l'article L. 3230‑1 du code du travail dans lesquelles l'écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l'article L. 3230‑2 du même code disposent d'un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230‑2. »
Cet amendement vise à encadrer les rémunérations au sein d'une entreprise en instaurant une limite constituée par un rapport de 1 à 20 entre salaire le plus bas et salaire le plus haut. Cet amendement reprend l'article 1 de la proposition de loi de notre collègue Gaby Charroux.
La procédure proposée à l'article 54bis marque un progrès important en donnant une valeur légale au « say and pay ». Il convient toutefois d'introduire dans la loi une échelle de décence.
La rémunération des dirigeants du CAC40 a été à l'origine de plusieurs scandales au cours de la dernière décennie : MM.Zacharias (2006), Morin (2009), Azema (2011), Lévy (2012), Viehbacher (2014) ou plus récemment MM.Kron (2015), Tavarès et Ghosn en 2016. Pas une année sans que la rémunération ou les indemnités de départ d'un dirigeant français choquent les Français et entretiennent la défiance. Les dirigeants de grandes entreprises qui d'une part demandent aux salariés des efforts et d'autre part se voient octroyés de telles rémunérations font preuve d'une indécence dérangeante. Comment justifier la prime exceptionnelle de 3,8 millions d'euros versée à Patrick Kron pour récompenser les 719 millions d'euros de perte nette d'Alsthom en 2014‑2015 et la vente hâtive de l'entreprise à un concurrent étranger ?
Plusieurs grands noms de l'histoire du capitalisme, à l'image du « baron voleur » J.P Morgan, se sont prononcés en faveur du maintien d'un rapport maximum de 1 à 20 entre salaire le plus bas et salaire le plus haut au sein d'une entreprise. Comme le relevait Philippe Houillon dans son rapport sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés, au sein du CAC40, le rapport moyen entre le salaire moyen des dirigeants (5 millions d'euros) et celui d'un couple touchant le salaire médian (23 664 euros) est de 312. Rien ne justifie économiquement un tel écart, surtout lorsque les performances économiques de l'entreprise s'avèrent médiocres. Ces émoluments, versés au détriment des salariés qui constituent pourtant la richesse productive d'une entreprise, participent à la déconnexion croissante entre la haute direction et le reste des salariés, une déconnexion préjudiciable au bon gouvernement d'entreprise.
Loi des amalgames, un monde sépare les dirigeants des TPE et PME, dont l'attachement à l'entreprise qu'ils ont créé, aux salariés qu'ils côtoient chaque jour, constitue la première des motivations. Combien de chefs d'entreprise ne se payent pas, car le versement de leur salaire se ferait au détriment de l'entreprise ? Rien de tout cela n'existe dans le monde très particulier des mandataires sociaux, mercenaires que s'arrachent les conseils d'administration du CAC40.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.