Amendement N° 19 (Rejeté)

Prorogation de l'état d'urgence

(2 amendements identiques : 20 28 )

Déposé le 13 décembre 2016 par : M. Amirshahi, M. Chassaigne.

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Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer la prorogation de l'état d'urgence.

Cette cinquième prorogation de l'état d'urgence, si elle était adoptée, le ferait durer jusqu'au 15 juillet prochain, ce qui inclurait les prochaines élections présidentielle et législative. Cette nouvelle loi viendrait ainsi modifier exceptionnellement la clause légale qui stipule que tout état d'urgence est rendu caduc par la démission du gouvernement ou la dissolution de l'Assemblée nationale.

Cette prorogation intervient suite à la démission du gouvernement. Si la situation actuelle justifiait un maintien de l'état d'urgence, le premier ministre et son gouvernement n'auraient pas pris le risque de démissionner. Cette démission devrait être à elle seule une preuve que la situation ne justifie pas l'état d'urgence. Mais de nombreuses autres raisons motivent le présent amendement :

L'état d'urgence est en soi une atteinte à l'état de droit. Il menace la liberté et compromet l'effectivité de la Constitution en tant que telle puisqu'il suppose, par définition, une dérogation ou une suspension partielle ou totale de l'ordre constitutionnel et des libertés fondamentales garanties par la Constitution. Les dérogations que sont les perquisitions administratives et les assignations à résidence constituent des atteintes à des droits et libertés constitutionnellement garantis. L'état d'urgence a vocation à rester temporaire, comme l'a encore rappelé le Conseil d'Etat dans son avis n° 392427 du 8 décembre 2016 : « le Conseil d'Etat, comme il l'avait déjà souligné dans ses avis du 2 février, du  28 avril, et du 18 juillet 2016 sur les projets de loi autorisant une deuxième, une troisième et une quatrième fois la prorogation de l'état d'urgence, rappelle que les renouvellements de l'état d'urgence ne sauraient se succéder indéfiniment et que l'état d'urgence doit demeurer temporaire »

L'état d'urgence n'est pas efficace contre la radicalisation ni le terrorisme.

Le rapport d'information sur le contrôle parlementaire de l'état d'urgence présenté le 6 décembre nous apprend que :

- Depuis le début de l'état d'urgence ont été menées 4292 perquisitions administratives. Suite à ces perquisitions, 670 procédures ont été ouvertes, dont 61 sur des faits en lien avec le terrorisme, dont 20 seulement pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.

- Depuis novembre 2015, 312 assignations à résidence ont été prononcées concernant 434 personnes. Aujourd'hui 95 personnes sont encore assignées à résidence : 56 d'entre elles l'étaient déjà en juillet 2016 et 47 le sont depuis novembre 2015.

- 0,96% des perquisitions menées entre novembre 2016 et mai 2016 puis 4,61% de celles menées depuis juillet 2016 ont permis d'ouvrir des procédures sur des faits en lien avec du terrorisme.

Non contentes d'être attentatoires à l'état de droit, l'efficacité de ces mesures est donc plus que discutable. Les mesures les plus efficaces pour lutter contre le terrorisme sont toujours les mesures de droit commun, c'est-à-dire les enquêtes et mesures judiciaires, et non des mesures exceptionnelles fondées sur des critères partiels et dans lesquelles aucune garantie du respect des droits et libertés n'est exigée.

L'état d'urgence, ce sont des pouvoirs administratifs étendus, assortis de très peu de contrôles sur leur application, qui ont causé toute une série de violations des droits et libertés fondamentales.  Les mesures d'urgence sont brutales, notamment les perquisitions et les arrêtés d'assignation à résidence, elles bafouent les droits d'hommes, de femmes et d'enfants, qui en ressortent parfois traumatisés et stigmatisés. Ces mesures d'urgence sont souvent mises en œuvre de manière discriminatoire, en ciblant spécifiquement les personnes musulmanes ou supposées telles, plutôt qu'en se fondant sur des soupçons sérieux  d'activités criminelles.

Pour toutes ces raisons, parce qu'il y a urgence à revenir au droit commun, cet amendement supprime l'article 1 du présent projet de loi prorogeant l'état d'urgence.

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