Amendement N° 490 rectifié (Rejeté)

Prévention de la récidive et individualisation des peines

Déposé le 3 juin 2014 par : M. Fekl, M. Binet, Mme Carrey-Conte, Mme Chapdelaine, M. Clément, Mme Mazetier, M. Robiliard, Mme Romagnan, Mme Tallard, Mme Untermaier.

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Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

I. – Les articles 706‑53‑13 à 706‑53‑22 et les articles 723‑37, 732‑1 et 763‑8 sont abrogés.

II. – Le dernier alinéa de l'article 362 est supprimé.

III. – Le huitième alinéa de l'article 717‑1 est supprimé.

IV. – L'article 717-A est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « l'une des infractions visées à l'article 706‑53‑13 » sont remplacés par les mots : « les crimes, commis sur victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Il en est de même pour les crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221‑2, 221‑3, 221‑4, 222‑2, 222‑3, 222‑4, 222‑5, 222‑6, 222‑24, 222‑25, 222‑26, 224‑2, 224‑3 et 224‑5‑2 du code pénal, ou, lorsqu'ils sont commis en récidive, de meurtre, de torture ou d'actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration. ».

V. – L'article 730‑2 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « une infraction mentionnée à l'article 706‑53‑13 » sont remplacés par les mots : « les crimes, commis sur victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration » ;

2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il en est de même pour les crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221‑2, 221‑3, 221‑4, 222‑2, 222‑3, 222‑4, 222‑5, 222‑6, 222‑24, 222‑25, 222‑26, 224‑2, 224‑3 et 224‑5‑2 du code pénal, ou, lorsqu'ils sont commis en récidive, de meurtre, de torture ou d'actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration. » ;

VI. – Au quatrième alinéa de l'article 723‑30, la référence : « 706‑53‑13 » est remplacée par la référence : « 717‑1 A ».

VII. – À l'article 723‑38, la référence : « 706‑53‑13 » est remplacée par la référence : « 717‑1 A » et les mots : « ou d'une surveillance de sûreté » sont supprimés.

VIII. – Au dernier alinéa de l'article 763‑3, la référence : « 706‑53‑13 » est remplacée par la référence : « 717‑1 A ».

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives aux mesures de surveillance et de rétention de sûreté introduites par la loi du 25 février 2008, et jugées à l'époque « inacceptables » par la gauche.

Rappelons que les mesures de surveillance et de rétention de sûreté permettent à la justice pénale d'imposer des mesures restrictives ou privatives de liberté à une personne, non plus au regard des actes que cette dernière a effectivement commis, mais en raison d'actes qu'elle pourrait peut-être un jour commettre.

Ces dispositions portent ainsi gravement atteinte aux principes fondamentaux de la justice et du droit républicain. Elles transposent dans notre droit des conceptions que l'on croirait tout droit sorties du film « Minority Report ». Elles s'inspirent aussi d'une philosophie qui prétend, entre autres, détecter les futurs criminels potentiels dès l'âge de deux ans.

Comme l'a rappelé l'ancien garde des Sceaux, M. Robert Badinter : « Depuis la grande révolution, seule la justice a le pouvoir d'emprisonner un homme à raison d'une infraction commise ou éventuellement, à titre exceptionnel, à raison d'une infraction dont il est fortement soupçonné d'être l'auteur. (…) Pas de prison, pas de détention sans infraction : tel est le fondement de notre justice criminelle depuis deux siècles (…) Pourquoi est-il essentiel ? Parce que depuis les Lumières et la Révolution, nous considérons que l'être humain est doué de raison. S'il viole la loi, expression de la volonté générale, c'est précisément parce qu'il est doué de raison et il doit répondre de ses actes devant les juges. La justice dans une démocratie repose sur une certaine idée de la liberté humaine et de son corollaire : la responsabilité de celui qui viole la loi ». (SENAT - Compte rendu analytique officiel du 30 janvier 2008)

C'est cependant sur cette conception fondamentale qu'est revenue la loi du 25 février 2008. Désormais, une personne peut être enfermée, pour une durée potentiellement illimitée, non parce qu'elle est jugée coupable mais parce qu'elle est jugée potentiellement « dangereuse » pour la société.

Or comme l'a noté la commission consultative nationale des droits de l'homme (CCNDH), en 2008, il est inquiétant de constater « l'introduction au cœur de la procédure pénale du concept flou de « dangerosité », « notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique » ; « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d'un comportement futur ».

Cette méconnaissance grave des fondements de notre justice criminelle est d'autant plus inacceptable, que la législation française prévoit la possibilité de prononcer - outre des peines de réclusion criminelle à perpétuité - des peines complémentaires de suivi-socio-judiciaire qui permettent d'imposer, jusqu'à trente ans après la libération, des mesures d'interdiction et de de contrôle (interdiction d'entrer en relation avec des mineurs, injonction de soins ou obligation d'obtenir l'autorisation du juge pour tout changement d'emploi ou de résidence…). En cas de non respect des obligations et interdictions, le juge de l'application des peines peut ordonner la réincarcération de l'intéressé. A l'image de l'agitation communicationnelle qui a trop souvent tenu lieu de politique pénale au cours des dix dernières années, les mesures introduites en 2008 ne servent donc concrètement à rien. Elles minent notre droit républicain sans apporter le moindre commencement de protection supplémentaire aux citoyens et à la société.

Inacceptables dans leur principe, les dispositions de 2008 relatives aux mesures de surveillance et de rétention de sûreté se sont, en outre, révélées « hasardeuses et incertaines » dans leur application comme l'a indiqué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, nommé en 2008, dans un avis particulièrement éclairant, publié le mardi 25 février au Journal officiel, dans lequel celui-ci a démontré l'inutilité du dispositif de « rétention de sûreté ».

Républicains convaincus et sincères, profondément attachés au droit à la sécurité pour tous et au maintien de l'ordre public, les signataires du présent amendement souhaitent que soient abrogées les dispositions issues de cette « loi honteuse » - pour reprendre les termes de l'ancien ministre de l'Intérieur, M. Pierre Joxe - et que soient ainsi rétabliis les fondements de la justice criminelle dans notre pays (Pierre Joxe, Soif de justice, Fayard, 2014, p.278).

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