Amendement N° 375 (Non soutenu)

Création architecture et patrimoine

Déposé le 25 septembre 2015 par : M. Lassalle.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Après l'alinéa 4, insérer l'alinéa suivant :

«  c) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces éléments constituent des biens communs du peuple français. »

Exposé sommaire :

Actuellement, le régime de propriété des biens archéologiques est considérablement éclaté, ce qui suscite des difficultés. Il varie en fonction de la nature du bien (mobilier ou immobilier) et en fonction des circonstances de sa découverte, qui peuvent aboutir à un partage de propriété.

Il est question ici de modifier le régime de propriété attaché aux biens archéologiques, mobiliers et immobiliers, pour en faire des propriétés publiques, ce qui reviendrait à « reconnaître leur statut de biens communs de la Nation ».

Ce projet de loi ambitionne donc en quelque sorte d'unifier le régime de propriété des biens archéologiques mobiliers et immobiliers, en élargissant les hypothèses dans lesquelles ces biens peuvent passer sous un régime de propriété publique. Pour autant, cela va-t-il réellement contribuer à en faire des « biens communs de la Nation » ?

L'expression « biens communs de la Nation » a en elle-même quelque chose de profondément paradoxal, car la théorie des biens communs, telle qu'elle se développe depuis les travaux de l'économiste Elinor Ostrom, tend à considérer que les biens communs constituent une « troisième voie » entre la propriété privée et la propriété publique.

Si l'on s'attache à cette définition des biens communs, on a du mal à voir en quoi faire des biens archéologiques des propriétés publiques pourrait suffire à leur conférer un statut réel de « biens communs ».

Certes, le régime de propriété publique va avoir pour effet de soumettre ces biens à un principe « d'inaliénabilité », qui fait que la personne publique ne pourra pas s'en séparer en les vendant. Les biens archéologiques se verront ainsi protégés contre la forme la plus classique d'enclosure pouvant frapper des biens communs : l'appropriation privative.

Concernant les biens archéologiques, les risques d'appropriation privée sont particulièrement avérés. On l'a bien vu notamment ces dernières années à travers le feuilleton judiciaire navrant dont a été l'objet la grotte Chauvet.

Ces dérives « propriétaires » ne sont pas seulement l'apanage de la propriété privée et existe aussi au sein de la propriété publique. En effet, les enclosures ne sont pas nécessairement le fait des personnes privées et du marché. Elles peuvent aussi être commises par des personnes publiques et l'attribution d'un régime de propriété publique, loin de s'avérer toujours protecteur pour un bien commun, peut aussi déboucher sur des formes d'expropriation des droits du public.

Il serait dès lors extrêmement dommageable que la notion de « biens communs » fasse en tant que telle son entrée dans le droit français associée uniquement à un régime de propriété publique. Cela ne ferait que perpétuer l'incapacité traditionnelle de notre droit à penser en dehors de la dichotomie entre la sphère publique et la sphère privée.

Cet amendement se propose donc d'aller plus loin et de reconnaître aux biens archéologiques le statut de biens communs du peuple français afin que sa propriété soit bien collective et inaliénable. Finalement, qu'est-ce qui empêcherait ces éléments du patrimoine commun d'être considérés, comme « inappropriables » ?

En consacrant explicitement la notion de biens communs dans notre droit, il faudra veiller à concevoir un régime de propriété spécifique qui ne soit superposable ni à la propriété privée, ni à la propriété publique, et s'attacher également à imaginer des modes de gouvernance collective, garantissant la représentation des différentes parties prenantes, les populations locales ainsi que les organisations de la société civile, selon un principe de « démocratie active », différents de la seule prise en charge hiérarchique par les autorités publiques.

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