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...ns avec le Parlement, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le problème de la fin de vie est aussi ancien que l’humain, puisque la conscience de la finitude de l’homme est concomitante de la pensée et du langage. Le passage de l’animal à l’état d’homme résulte précisément de la double conscience de sa finitude et de l’existence de l’Autre. En effet, la mort c’est, toujours, l’Autre. Ma mort étant une expérience impossible, je ne peux que l’imaginer ou la fantasmer à partir d’une expérience, le plus souvent celle de la perte d’un être cher. C’est elle qui structure alors ma pensée et ma conception de la fin de vie. Chaque société aussi a sa propre vision de la mort. La mort antique est un destin ; la mort chrétienne est un salut. Quelle est-elle pou...
...que d’imaginer qu’une loi puisse régler l’ensemble des problèmes liés à la diversité des situations de fin de vie. Enfin, il met en garde contre le danger de franchir la barrière d’un interdit. Dans son avis no 121, le CCNE estime que la légalisation du suicide assisté n’est pas souhaitable. Il considère en effet que le maintien de l’interdiction faite aux médecins de « provoquer délibérément la mort » protège les personnes en fin de vie, et qu’il serait dangereux pour la société que des médecins puissent contribuer à « donner la mort ». Il estime par ailleurs dans son dernier rapport que l’assistance au suicide ne peut en aucun cas remédier à l’absence de soins palliatifs ou d’un accompagnement réel. Dans le cadre de la mission que vous nous avez assignée, monsieur le Premier ministre, Alai...
Comme Ulysse sur l’île de Calypso, soyons capables de refuser le rêve prométhéen de l’immortalité et de la maîtrise absolue de notre mort. A l’instar d’Albert Camus, acceptons notre humanité sans oublier « la fierté de l’homme, qui est fidélité à ses limites ».
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le sujet de notre débat reprend un questionnement universel et singulier : universel, puisque la mort est inéluctable, partout et pour tous ; singulier parce qu’elle est, à chaque fois, la fin d’un être unique. Ce débat soulève aussi la question de l’évolution de la perception de la mort par notre société. Hier bien présente dans l’espace privé et public – qu’on songe aux convois funèbres –, la mort est aujourd’hui comme ignorée, occultée, transformée, par une approche toujours plus médicalisée ...
...s résoudrons pas à voir encore une fois le débat et les décisions reportés ou escamotés. Nous considérons en effet que ce serait une erreur politique et un manquement vis-à-vis des Français. Ce serait une erreur politique, parce que, dans notre pays, aucune réforme de société n’a été le fruit d’un consensus a priori. Les grandes lois de liberté, telles que la loi Veil, l’abolition de la peine de mort, ou plus récemment la loi sur le mariage pour tous…
Ce temps-là doit être lui aussi un temps de dignité, d’humanité. Choisir sa mort devrait être la dernière liberté. Pourtant, ce droit reste souvent refusé aux patients en phase avancée ou terminale d’une affection incurable, génératrice de souffrances intolérables et qui ne peuvent être apaisées. C’est là une atteinte à la liberté de décision du malade en fin de vie, atteinte qui n’est pas compatible avec le respect de la volonté de chacun et avec le droit de mourir dans la ...
...alimentation et l’hydratation artificielle, entraînant souvent des effets très pénibles : faim, soif, phlébites, escarres, infections. Une telle situation peut se prolonger pendant une semaine, parfois plus. Le terme d’agonie vient du grec agônia, qui veut dire lutte, angoisse. Faudrait-il nécessairement partir dans la détresse et la douleur ? L’agonie ne doit pas être une étape obligée avant la mort. L’objectif est au contraire de permettre au mourant de partir sans souffrir davantage. Changer la mort : tel est le tire du livre publié en 1977 par le professeur Léon Schwartzenberg et qui plaidait pour une fin de vie apaisée et digne, pour une médecine secourable. Assister ceux qui sont arrivés au bout du chemin et qui souffrent intensément, cela relève de la compassion, de l’humanité, de la ...
...t, la fin de vie est une préoccupation récente puisqu’il a fallu attendre 1999 pour qu’une loi ouvre l’accès aux soins palliatifs, loi complétée par celle de 2002 sur les droits des patients et celle de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, qui proscrit l’acharnement thérapeutique. La situation actuelle n’est cependant pas satisfaisante. J’en veux pour preuve l’étude intitulée Mort à l’hôpital, publiée en 2008, selon laquelle plus des deux tiers des infirmiers considèrent les conditions de fin de vie des personnes qu’ils soignent et qu’ils accompagnent comme inacceptables pour eux-mêmes. Nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti abondent en ce sens quand ils font le constat d’un accès trop restreint aux soins palliatifs, de fortes inégalités territoriales, d’inégalités da...
...aine de la fin de vie, l’attention portée à la place des personnes âgées dans la société et la vigilance à l’égard de leurs droits, et l’aide aux aidants familiaux et aux proches ». C’est cette dernière approche que je partage et que je soutiens. J’ai conscience que le choix de tout mettre en oeuvre pour que les personnes en fin de vie n’en soient pas réduites à souhaiter que l’on précipite leur mort est l’option la plus courageuse. C’est la plus exigeante et la plus coûteuse en termes financiers, mais c’est la plus digne et la plus humaine, pour chacun d’entre nous comme pour la société tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)
...rapport que nous avons rédigé n’est pas un compromis. N’y figure ni concession, ni demi-mesure. Cette convergence est au contraire le fruit d’un dépassement, dépassement de nous-mêmes et de nos préventions, qui nous a amenés à ces conclusions, à ce progrès nécessaire. Elle vise aujourd’hui à rattraper notre retard collectif. Oui, mes chers collègues, la société nous a devancés ; son rapport à la mort nous oblige à aligner la loi sur la demande de nos concitoyens. Ce mouvement, inéluctable, est la résultante tout à la fois de bouleversements historiques et de progrès techniques. La fin des grands conflits, la disparition des grandes épidémies grâce aux progrès de la médecine ont contribué à nous éloigner de la mort. De massifiée, elle est devenue individuelle, sans être, paradoxalement, moins...
... de l’autonomie, quand elle n’a pas de limite, peut étouffer l’éthique de la vulnérabilité, cette éthique de la vulnérabilité qui nous conduit à penser et à agir en fonction de nos fragilités et non d’une conception abstraite de l’individu. Je voudrais, pour terminer, évoquer ce point crucial qu’est la sédation préconisée par nos collègues. En effet, la « sédation profonde et continue jusqu’à la mort » va plus loin que le seul soulagement des souffrances du patient. Elle risque de nous faire basculer de la faculté de « soulager jusqu’à la mort » à celle de « donner la mort ». Les propos de notre collègue Alain Claeys, tels qu’ils ont été rapportés par un quotidien en novembre dernier, sont à cet égard édifiants : « Nous proposons la possibilité d’une sédation profonde et terminale jusqu’au d...
Notre démocratie a su conquérir, une à une, toutes les libertés. Toutes, sauf une. L’ultime. Celle qui nous concerne toutes et tous : la liberté de choisir sa mort, le droit enfin reconnu à chaque citoyen majeur et responsable d’éteindre la lumière de son existence lorsque sa vie n’est plus qu’une survie, artificielle et douloureuse. Oui, il en faut du courage, pour affronter des tabous multiséculaires, des conceptions d’un autre âge, qui nient les réalités du temps présent. Oui, il en faut du courage, pour franchir le Rubicon des conservatismes, comme il ...
...manité ? Ou bien doit-on condamner l’humanité ? Même les tribunaux ne le font plus. Il faut aujourd’hui une loi qui plonge ses racines dans le meilleur de notre République ; une loi qui donne la liberté ; une loi qui permette l’égalité ; une loi qui incarne la fraternité. Personne, pas même un médecin, ne doit pouvoir nous confisquer le droit de choisir nous-mêmes les conditions de notre propre mort.
Car, mes chers collègues, si la vie nous est donnée, la mort ne doit pas nous être volée.
Notre débat n’est pas anodin, il n’est pas banal, il n’est pas ordinaire, parce qu’il s’agit de la mort. La mort nous concerne tous. Elle nous interpelle tous, dans notre vie, dans notre histoire, dans notre conscience. Si ce débat n’est pas ordinaire, c’est aussi parce qu’il a pour base les travaux d’un député de gauche et d’un député de droite, M. Claeys et M. Leonetti, qui, à la demande du Président de la République, on consacré un rapport à un sujet de société qui n’est ni de droite, ni de gau...
Je parle volontairement d’« aide active » par pudeur car certains mots, en raison de leurs connotations ou de leur histoire, peuvent choquer ou bloquer – tel est le cas du mot « euthanasie » et, sans doute encore davantage, de la formule dite à tort de « suicide assisté ». Devant la mort et face aux deux questionnements qui nous préoccupent aujourd’hui – celui de la dignité et de la liberté – ces mots prennent pourtant tous leur sens et ne doivent pas être tabous. On le dit rarement, mais le Conseil consultatif national d’éthique, en 2000, a émis un avis no 63 dans lequel il envisageait l’exception d’euthanasie dans la loi. Dans ce même avis, il estimait qu’il n’était pas encore...
...ies artificielles devaient être considérées comme des traitements et non comme des soins. Ce choix n’est pas anodin car les traitements, contrairement aux soins, peuvent être interrompus si le patient en a émis le souhait ou si le médecin l’a décidé après concertation collégiale. Dans l’affaire Vincent Lambert, c’est ce point ambigu de la loi Léonetti qui a été exploité pour autoriser la mise à mort du patient tétraplégique. On ne peut moralement accepter que nourrir quelqu’un soit considéré comme une obstination médicale déraisonnable. Jusqu’où ira demain cette logique infernale ? Une personne handicapée moteur incapable de se nourrir seule risque-t-elle de voir un jour considérer son assistance à l’alimentation comme de l’acharnement thérapeutique ? Osons dire les choses : arrêter l’hydr...
De quel droit un médecin a-t-il légitimement droit de vie ou de mort sur ses patients ? Pour preuve de cette hypocrisie, la remarque des deux députés auteurs du rapport justifiant la reprise dans le texte de la décision du Conseil d’État cité plus haut. Je cite : « Nous ne pouvons que reprendre le sens de cette décision qui devrait contribuer à mettre fin à des pratiques malheureusement encore répandues de sédation avec maintien de la nutrition, ou, plus souvent ...
...ir les termes employés car, trop souvent, on s’abrite derrière eux et l’on se trompe. Première formule qui mérite explication, l’ « acharnement thérapeutique ». C’est une mauvaise formule : c’est d’ « acharnement médical » dont il faut parler, lequel est en effet inacceptable. Comment s’octroyer le droit de traiter, d’administrer un traitement à quelqu’un qui est en train de mourir parce que la mort gagne et que la maladie n’est plus guérissable ? Cet acharnement médical n’est pas acceptable, les médecins doivent le comprendre ! Certes, il faut bien entendu utiliser la sédation ou les traitements antalgiques afin d’éviter la douleur. Or, quelle est la différence entre eux ? J’ai essayé de comprendre… Un produit antalgique, par définition, « endort » la douleur. Je suis évidemment tout à fai...
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion de partager ce que nous savons, ou pensons savoir, de ce propre de l’homme qu’est l’appréhension de sa mort. Je sais pour ma part que les grands âgés, qui sont les premiers concernés, hors des états de dépression, d’ailleurs fréquents, ne veulent pas mourir. Du reste, les déprimés eux-mêmes se suicident plus souvent qu’ils ne demandent à mourir. Je sais plus encore que ces grands âgés meurent le plus souvent là où ils ne devraient pas : dans les services d’urgence, qui sont faits pour sauver in extrem...