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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, ma demande de renvoi en commission du projet de loi de constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité se fonde sur plusieurs motifs juridiques et politiques que je vais tenter d’expliciter ici. Je dois préciser auparavant, afin de dissiper tout malentendu, que je n’étais pas opposé à l’instauration de l’état d’urgence de douze jours tel que l’a décidé le Président de la République après les tragiques attentats du 13 novembre. Dès le 19 novembre, cependant, je me suis opposé avec cinq de mes coll...
... confusion à l’horreur des crimes commis. La droite hier et la gauche aujourd’hui donnent toujours le même spectacle d’une démocratie qui ne croit plus en sa force. J’ai donc la désagréable impression de me répéter, constatant d’une majorité à l’autre la mise en orbite d’un État d’exception sans fin. Deuxième motif : la rupture d’égalité que vous instituez en constitutionnalisant la déchéance de nationalité. Sur ce sujet, tout a été dit et bien dit, notamment par Mme Taubira. Ce débat nauséabond ne sert à rien en matière de lutte contre le terrorisme, mais divise gravement la population en créant une souffrance chez nos compatriotes binationaux, désormais considérés comme une sous-catégorie de citoyens.
En fait, vous êtes en train de créer des étrangers dans leur propre pays. Mais les citoyens sont libres et égaux en droit, point barre ! Le président Larcher a d’ailleurs dit le mot de la fin : Il faut arrêter là ! Continuer reviendrait à commettre une forfaiture au regard des principes intangibles du droit du sol. En effet, en quoi l’article 2 consacrant la déchéance de nationalité de citoyens nés français et disposant d’une autre nationalité protège-t-il l’unité de la nation ? Quel État acceptera d’accueillir un citoyen déchu de sa nationalité française au prétexte que nous souhaitons nous en débarrasser et qu’il détient la nationalité du pays ? Les Français sont de plus en plus nombreux à ne rien comprendre à ce débat dont vous changez les termes tous les quatre matins, ...
... le message à peine voilé que vous adressez à ceux des Français qui se sont égarés sur ses rivages. De plus, ce texte est le produit d’un marchandage entre le président des Républicains et le Président de la République. Le premier, Nicolas Sarkozy, a obtenu, quoique vous en disiez, la stigmatisation des binationaux, donc la mise en cause in fine du droit du sol, et l’extension de la déchéance de nationalité à tous les délits. L’autre, François Hollande, a obtempéré pour obtenir un Congrès unanime à Versailles, lui permettant d’entrer en campagne malgré ses résultats catastrophiques en matière de lutte contre le chômage et ses reniements successifs. Ce quinquennat avait commencé par les promesses non tenues du droit de vote pour les étrangers extracommunautaires – pourtant adopté une fois par cette ...
Notre collègue Noël Mamère a rappelé qu’en France, à Paris et dans toutes les villes, des magistrats – même les juges administratifs –, la Ligue des droits de l’homme, Amnesty International et bien d’autres se dressent aujourd’hui contre la déchéance de nationalité et contre l’inscription de l’état d’urgence dans notre Constitution. Noël Mamère a également rappelé que l’article 89 de notre Constitution nous empêche de modifier ce texte primordial pendant l’état d’urgence. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que quarante-neuf recours, c’était peu, et que cela prouvait que vous aviez raison. Pardonnez-moi, mais je ne suis pas d’accord : quarante-neuf ...
Ces temps-ci, cet article ressemble un peu à de la pâte à modeler. Dans sa version initiale, il reposait sur le critère de binationalité, et c’était dommage. Ce critère a été supprimé de l’article 2 par l’amendement gouvernemental déposé et adopté très opportunément le 28 janvier, mais il semble revenir, en tout cas implicitement, dans l’avant-projet de loi d’application de ce même article 2.
Vous l’avez dit : il faut raison garder. J’évoquerai rapidement la déchéance de nationalité. Comme cela a déjà été dit, la Constitution a un rôle permissif : elle permet de déchoir certaines personnes de leur nationalité, mais elle ne l’impose pas. C’est la loi qui déterminera, sous le contrôle du juge, quels sont les cas où la déchéance peut ou ne peut pas être prononcée, en respectant d’ailleurs le principe d’égalité – vous vous référiez à une version antérieure du projet présenté par...