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Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le président de la commission de lois, mes chers collègues, nous y voilà : depuis le temps que l'on en parle, nous abordons enfin dans cet hémicycle le non-cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale. C'était un engagement du Président de la République, engagement réaffirmé à cette tribune par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Nous allons avec cette réforme, si notre assemblée décide de l'adopter, mettre fin à une spécificité française qui ne se justifie plus, si tant est qu'elle se soit justifiée un jo...
l'Espagne, l'Italie, le Portugal, la Belgique ou l'Irlande. Comparons la France avec des pays où la législation en la matière est quasiment absente comme les États-Unis, le Danemark, la Grande-Bretagne, la Suède ou le Canada. Dans tous ces pays, le cumul est quasiment absent, atteignant au maximum 20 %. Dans notre pays, six parlementaires sur dix exercent en même temps une fonction exécutive locale, huit sur dix exercent un autre mandat. Et cette réalité n'a cessé de progresser dans l'histoire de notre République.
Sous la IIIe puis la , moins d'un tiers de parlementaires étaient en même temps maires, et moins de la moitié cumulaient avec un autre mandat. La proportion augmentera tout au long de la Ve République et, paradoxe de la décentralisation, c'est au moment même où le pouvoir et les compétences des élus locaux ont été renforcés, où le temps passé à exercer une fonction exécutive locale devenait plus important, que ce cumul avec les fonctions exécutives locales a atteint des sommets.
Je n'ai pas voulu aborder le débat de façon simpliste, manichéenne, en opposant, d'une part, des parlementaires qu'il faudrait dénoncer parce qu'ils exerceraient une fonction de député, de sénateur ou de député européen en même temps qu'une fonction exécutive locale bref, des élus que l'on traiterait de cumulards à, d'autre part, des parlementaires vertueux qui n'auraient d'ores et déjà comme seul mandat que celui de parlementaire. J'ai au contraire tenté de démontrer qu'il existait en réalité une spécificité française,
l'ensemble des études le montrent. L'on me rétorquera que les mêmes qui revendiquent dans les sondages le non-cumul,
« L'électeur devrait alors soit refuser sa voix au candidat du parti qui a sa préférence, uniquement parce qu'il détient déjà un autre mandat, soit voter pour lui malgré son hostilité au cumul, c'est-à-dire, dans un cas comme dans l'autre, voter contre ses propres convictions. » Et certains d'entre vous appellent cela la liberté de choix pour l'électeur ! Cette réforme est nécessaire parce que, M. le ministre l'a rappelé en présentant ce projet de loi, si les réformes précédentes en 1985 et en 2000 ont permis des progrès en faveur du non-cumul dans les territoires, elles n'ont pas eu ...
Lionel Jospin, lorsqu'il était Premier ministre, s'y était essayé avec une loi qui fut longuement débattue, pendant près de deux ans, dans cette assemblée. À cet instant de mon propos, je tiens à le remercier pour son engagement, encore récemment, en faveur du non-cumul, lorsqu'il présidait la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique ; je remercie également l'ancienne première secrétaire du parti socialiste pour son apport à ce combat. Cette loi a eu peu d'effets, je le disais, pour les parlementaires.
Nous l'avons démontré avec les chiffres relatifs au non-cumul : ce dont nous avons besoin, c'est de parlementaires à temps plein. Souvenons-nous de ce qu'écrivait Bernard Roman dans un rapport paru en 1998 : « L'une des objections majeures des opposants à la limitation du cumul des mandats et des fonctions électives repose sur la crainte de couper les parlementaires du terrain. Ce point de vue ignore superbement les contraintes d'agenda qu'impose le cumul ...
« aux réunions de groupe et de commissions ? » on pourrait rajouter : conduire des auditions quand de surcroît il est nommé rapporteur. Et Bernard Roman ajoutait : « Le cumul pose en fait autant de problèmes de gestion du temps au parlementaire qu'à l'élu local. » Chacun le sait, si nos agendas du mardi et du mercredi sont aussi compliqués à bâtir, c'est parce que toutes les réunions se tiennent ces deux jours-là !
« je me trouve dans l'impossibilité de remplir simultanément mes doubles fonctions de député et de conseiller municipal de Paris. J'ai donc l'honneur de vous adresser ma démission de membre du conseil municipal pour le quartier de Clignancourt. » Il n'y était nullement obligé par la loi, mais était hostile au cumul. Cette lettre de Georges Clemenceau,
adressée au vice-président du conseil municipal de Paris le 24 avril 1876, a été reproduite par Michel Winock, historien français spécialiste de l'histoire de la République. Plus d'un siècle plus tard, le président de l'Assemblée nationale sous la précédente législature, Bernard Accoyer, déclarait il y a quelques mois sur La Chaîne Parlementaire : « Je suis favorable au maintien du cumul de mandats sans responsabilité exécutive locale, c'est-à-dire conseiller municipal, conseiller général ou régional. Mais une responsabilité exécutive crée une confusion, et nous sommes le seul pays à avoir cela. Je pense que le cumul pose un problème. »
associe le député qui représente la nation tout entière à un territoire et oblige à « faire du terrain », comme on dit. Ce qui changera, c'est la manière de le faire : nul besoin d'être maire, président de conseil général ou régional pour être un élu de proximité. Nul besoin de cumuler avec une fonction exécutive locale pour être en contact avec nos concitoyens. C'est donc la manière de faire qui changera : nous articulerons mieux le travail parlementaire et le dialogue avec les citoyens sur le terrain. Nous articulerons mieux l'élaboration de la loi et la réalité dans nos circonscriptions.
La réalité, c'est que ceux qui cumulent ne dialoguent pas la plupart du temps avec nos concitoyens sur l'activité parlementaire puisque, une fois sur le terrain, ils exercent leurs responsabilités locales.
Je suis attaché aux députés de terrain ; mais je ne crois pas qu'on ait besoin, pour cela, d'exercer des fonctions exécutives locales. Enfin, vous nous opposez le statut de l'élu ; avouez que pour parler du cumul entre le mandat de parlementaire et les fonctions exécutives locales, c'est un peu étonnant ! Je comprends qu'il faille un statut de l'élu, et je le défends vivement afin qu'il soit créé pour l'ensemble des élus locaux, dans nos territoires, qui passent du temps dans leur fonction et sacrifient parfois leur vie de famille et leur vie professionnelle, sans protection sociale, sans retraite. Mais ...
... c'est le mandat ou la fonction détenu avant la dernière élection qui devra être abandonné. Ainsi, en 2017, les députés-maires qui se représenteraient aux élections législatives ne pourraient plus, s'ils étaient élus, passer la main à leur suppléant dans les semaines qui suivent. Ils seraient obligés de garder leur mandat de député. Enfin, la commission a adopté un amendement visant à limiter le cumul des mandats dans le temps. Vous connaissez mon point de vue, je n'y suis pas favorable. Nous y reviendrons au cours du débat. Il y a en ce moment, sur le fronton de notre Assemblée, une banderole sur laquelle on peut lire : « Aimé Césaire, député de la République de 1946 à 1993 ». Je ne suis pas sûr que s'il avait dû cesser d'exercer cette fonction en 1960, au bout de trois mandats, cela aurait ...